Silence sur le sort des chrétiens chaldéens en Irak
par Emmanuelle Compagnon
mercredi 6 juin 2007


Ce que j’ai entendu à la radio d’Etat ce 3 juin m’a stupéfié. Au cours de « violences interreligieuses » quatre hommes ont été tués en Irak. A première écoute, rien de très remarquable dans ce pays à feu et à sang. Mais à la réflexion si, il est très remarquable que le meurtre de sang froid, au sortir de la messe de quatre hommes désarmés, soit qualifié de « violences interreligieuses ». Sur une radio d’Etat en France en 2007, j’apprends que lorsque quatre hommes sont abattus de sang-froid après la messe il s’agit de « violences interreligieuses ». Que s’est-il donc passé et quels ont été les crimes commis par ces chrétiens qui impliqueraient que leur assassinat puisse être qualifié sur une radio officielle d’un pays démocratique et naguère chrétien de « violences interreligieuses » ? S’agit-il d’une vengeance bien compréhensible à la suite d’exactions qui auraient été commises par des milices chrétiennes en Irak ?
Non. Il semble plutôt que depuis quelques années la communauté des chrétiens chaldéens en Irak, ultraminoritaire dans son pays, soit victime de ce qu’il faut bien appeler des persécutions concertées et de grande ampleur. En fait de « violence interreligieuse », il suffit de s’informer un minimum pour savoir que ce que subissent aujourd’hui les chrétiens en Irak s’apparente plutôt à une tuerie planifiée et unilatérale. Pour qualifier cela, des expressions telles que « nettoyage religieux » ou « persécution systématique » seraient mieux indiquées que ce coupable euphémisme, cette litote indigne : « violence interreligieuse ». A moins que le chantage à la conversion, les tortures et l’assassinat par des groupes extrémistes puissent être appelés « violence interreligieuse » ?
Il est une façon « d’informer » qui sous couvert de neutralité participe à l’occultation de la réalité et permet au crime de prospérer. Lorsque les protagonistes d’une tragédie sont renvoyés dos à dos au nom d’une pseudo objectivité, la réalité devient illisible, et il est alors confortable d’incriminer la violence réciproque, « mimétique », qui arrime les ennemis l’un à l’autre.
Si la situation n’était pas si tragique, il y aurait quelque chose de comique dans notre courage à dénoncer partout une hypothétique islamophobie alors que les persécutions antichrétiennes se déchaînent en de multiples endroits de notre planète. Ces persécutions ne trouvent aucun écho en France, où elles sont au mieux qualifiées de « violences interreligieuses ».
Il est ridicule de le préciser mais « persécution systématique » et « violence interreligieuse » ne sont pas deux expressions synonymes. Il faut avoir un profond mépris de la langue et une bonne dose d’hypocrisie pour utiliser celle-ci lorsque celle-là s’impose.
D’où vient cette volonté d’occulter le sort terrible des chrétiens irakiens ? Comment l’expliquer et la comprendre ? Je n’ai pas de réponse. Par contre il m’est possible de constater que l’antichristianisme se répand sans vergogne dans les pays post-chrétiens d’Europe.
Un exemple, pas tout à fait au hasard. Le 4 juin, ici même sur Agoravox, un article confus et grandiloquent nous apprend la naissance d’un site Internet pompeusement baptisé « l’Observatoire des religions ». Or la visite de cet « observatoire » est instructive. Le premier article sous la rubrique « christianisme » claironne que Bernard de Clairvaux aurait prêché l’extermination des musulmans. Après une lecture attentive, il apparaît que la source de l’auteur est un texte juif qui fait l’éloge de saint Bernard pour avoir cherché à éviter les persécutions contre les juifs au moment de la deuxième croisade. Voilà comment une déclaration connue de seconde main de saint Bernard en faveur des juifs devient un appel à « l’extermination des musulmans ».
Il existe aujourd’hui en France un antichristianisme de salon qui nourrit notre indifférence à l’égard du sort des chrétiens persécutés dans le monde musulman et ailleurs. Cet antichristianisme se farde d’un apparat scientifique et d’une objectivité ostentatoire qui confinent à ce qui ne serait que de la bêtise pure et simple si elle n’était aussi méchante.
L’Occident, la France, notre petit bien-être auquel nous sommes tant attachés doivent beaucoup au christianisme. Nous sommes les enfants de l’Eglise que nous le voulions ou non. Il est temps de payer notre dette et de défendre dans toute la mesure de notre possible (et il est parait-il immense depuis quelques semaines) ceux qui, parce qu’il sont fidèles à une foi qui fut la nôtre (au sens où nous sommes français et que la France fut - est ?- la fille aînée de l’Eglise), sont aujourd’hui persécutés.