Simone Veil : un héritage à consolider

par Lucchesi Jacques
samedi 8 juillet 2017

Si, pour la postérité, Simone Veil restera celle qui a dépénalisé l’avortement en France, il ne faudrait pas croire que cet acquis est irréfragable. Et d’autres combats, tout aussi ardus, attendent ses épigones.

 

 Simone Veil vient de mourir. Au terme d’une longue vie où elle côtoya souvent les abimes, elle s’est éteinte à son domicile parisien, minée par la maladie, le 30 juin dernier. La nouvelle de sa disparition a cristallisé, autour de son nom et de son action, un véritable consensus républicain. Car cette forte personnalité était, de son vivant, déjà entrée dans l’histoire nationale. Et c’est sans surprise que le président Macron a annoncé, au terme de son éloge funèbre, l’inhumation au Panthéon de celle qui restera à jamais associée à l’émancipation des femmes de ce pays. Quoiqu’elle eût l’honneur d’être la première femme à présider le Parlement Européen dès 1979 et d’œuvrer ainsi – tâche dont elle n’était pas peu fière – au rapprochement franco-allemand, Simone Veil est, bien plus encore, liée à la loi dépénalisant l’avortement du 17 janvier 1975- loi qui porte, bien sûr, son nom. Ce projet, à l’origine, n’était pourtant pas le sien mais celui de Valéry Giscard d’Estaing dont elle était alors la ministre de la santé. Elle devait néanmoins le défendre avec toute sa force de conviction face à une Assemblée Nationale composée à 99% de députés, les plus hostiles à cette proposition de loi étant bien sûr ceux de son bord politique.

Elles furent épiques, ces journées de débat, fin novembre 1974. Et que d’insultes Simone Veil essuya, certains de ses contradicteurs n’hésitant pas à la comparer à cette chiourme nazie qu’elle avait personnellement subie pendant près d’un an à Auschwitz. Oui c’était stupide et calomnieux que d’associer les fœtus avortés aux enfants juifs gazés puis brûlés dans les camps de la mort. Car ces vertueux représentants de la nation ne pouvaient, en ces années-là, ignorer la colère qui montait régulièrement de la rue, portée par des milliers de femmes qui revendiquaient simplement leur intime liberté. Ils ne pouvaient ignorer les trois cent mille avortements clandestins qui se pratiquaient chaque année en France et dans des pays limitrophes, souvent dans des conditions hygiéniques déplorables. C’est ainsi que s’écrit le droit positif, qui enregistre les avancées de la sensibilité collective, reléguant ceux qui s’y opposent à des rôles de figurants historiques.

Pourtant, en 2017, nous pouvons constater que les forces anti-progressistes sont toujours présentes dans le débat public, peut-être plus fortes que jamais. Ces gens-là ont la fatuité de penser que ce qui est bon pour eux doit l’être aussi pour l’ensemble du corps social, ignorant volontairement tant les différences humaines que les progrès de la médecine et de la science. J’en veux pour preuve les défilés protestataires qui ont accompagné la loi sur le mariage pour tous ou, présentement, les réticences concernant la PMA (procréation médicalement assistée) et son extension aux couples homosexuels. Et ne parlons même pas de la GPA (gestation pour autrui) que la loi française – qui l’associe à une forme de prostitution – ne reconnait toujours pas, même si la naturalisation des enfants nés ainsi à l’étranger est maintenant officialisée. Ce sont des réactions largement prévisibles quand le droit s’empare des questions liées à la vie, à la reproduction et à la mort, élargissant du même coup les modes traditionnels de transmission biologique.

Néanmoins les faits sont là et – n’en déplaise aux esprits chagrins – la société réclamera tôt ou tard comme un dû les possibilités bio-technologiques autorisées par la science de son époque. D’autres lois viendront les entériner qui porteront les noms de leurs concepteurs et leurs conceptrices. Et, tout comme Simone Veil en son temps, ils seront accueillis avec des cris de haine.

 

Jacques LUCCHESI 

 


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