Sirčne

par alinea
mardi 17 novembre 2015

Il est midi, un pré dans la beauté du paysage tout autour, le ciel est bleu, l'air est doux, limpide sous cette lumière qui accuse les couleurs et les reliefs. Je finis le nettoyage du parc d'où les chevaux sont partis en transhumance vers leur résidence d'hiver. Le calme, le silence, c'est un frisson de bonheur qui traverse ma moelle.

La sirène hurle, du bourg voisin, combien de fois ?

Hier, en rentrant des collines avec les chiennes, la même douceur, la même beauté, je pensais à une, telle que moi, en 39, qui, en ramenant ses moutons ou en rentrant du champ, ne pouvait pas y croire.

Ou en 14.

Cette sirène ? C'est l'état d'urgence dans le canton ?

Voilà qu'on me dit sans cœur... si je savais quoi faire. Je suis si loin de tous et depuis si longtemps, si loin de leur allant et de leurs certitudes, de leur force et de leur vérité, et de leur empathie ciblée. C'est quoi ? Être touchée ?

Il y a un impossible et c'est celui-là que j'aimerais cerner.

Je me souviens des premiers coups de poignard en plein cœur ; c'était en Irak, parce que je commençais à savoir. La mort des New Yorkais ne m'a pas touchée ; j'essayais de comprendre, et j'ai compris sans trouver la cause à ces instants : je suis plus proche d'une victime irakienne que d'une victime new yorkaise. Je n'y peux rien, c'est comme ça, j'ai toujours été plus proche du faible, plus proche d'un peuple qui est un peuple et pas une accumulation d'individus chacun-pour-soi. Et pourtant, celui qui meurt de cette façon, est bien aussi un faible, alors pourquoi ? C'est la société à laquelle il appartient, pas un peuple négligeable. Avec pourtant des vies, des existences, riches, belles ou malheureuses. Anonymes, dont on se fout de nous en dire quelque chose.

Tandis que nos anonymes à nous, on nous les montre et les parents juste endeuillés en disent trois mots ; c'est effarant.

Mais sortant de l'émotion, il y a le battage médiatique pendant ces dernières décennies, qui annonçait, tous les jours, un, deux, trois, dix attentats à Bagdad, six morts, vingt, cent, comme un chapelet qu'on égrène en pensant à autre chose. Mais je dis Bagdad, ça s'est étendu depuis, nous en sommes à plusieurs millions si j'ai bien compris.

L'ère du pétrole, comme l'âge de pierre, du fer, du bronze, de la technologie...

Alors, l'innocence de l'occidental, I phone à l'oreille, le clavier sous les doigts, l'écran qui éclaire ses nuits, l'auto qui roule à vive allure sur l'asphalte, l'innocence même du déclassé qui pleure de ne plus en être, me laisse assez froide. Je ne m'apitoie pas devant cette innocence-là. C'est l'ensemble qui m'échauffe, qui fait bouillir mon sang, l'égoïsme des uns aux dépends de tous les autres. L'inconscience qui s'offusque d'être débusquée. Des victimes innocentes à tous les coins de phrases : mais l'innocence, est-elle innocente ? Toujours ?

C'est comme un dû ; le peuple européen, français pour réduire le lieu de mes certitudes, de serf a voulu devenir seigneur ; et il l'est devenu ; de prolétaire a voulu devenir patron ; il ne l'a pas pu. Mais de citoyen il est devenu consommateur.

« Un philosophe assure qu’ils détestent la « République festive et sociale ». Je crois, pour ma part, qu’ils s’en prennent effectivement à ce que nous avons de plus cher : la fête et la consommation. Le chien d’infidèle type, c’est Homo festivus. Muray les avait déjà calculés : ce que veulent détruire les djihadistes, c’est un ventre mou, un Occident fatigué d’être lui-même qui cherche sa rédemption dans la consommation. Eh bien, c’est cet Occident qu’il faut défendre et avec lui le droit de mener une existence banale, agréable et vaine. Face aux djihadistes, Homo Festivus, c’est moi ! « Nous vaincrons. Parce que nous sommes les plus morts. », écrit Muray. Qu’il me pardonne mais aujourd’hui, le deuil est trop frais pour se résigner à cette sinistre conclusion. Je préfère penser que nous vaincrons parce que nous sommes les plus frivoles, les plus paresseux, les plus faibles. Ce n’est peut-être pas glorieux, mais c’est bien agréable. Ce n’est pas rien. » 

Voilà ce que dit Élisabeth Levy dans son article « Djihadistes contre Homo festivus ».

Ce sera sans moi.

 

Il est si difficile de savoir que nous sommes pourris jusqu'à la moelle, et ceci depuis plusieurs siècles, car chacun, par devers soi, est bien convaincu d'être un mieux. Mais ce mieux, bon sang, sur quoi s'appuie-t-il ?

Nos mâles sont bons avec leurs femelles... ben voyons ; les femelles sont des mâles comme les autres après de justes combats ! Ben voyons.

Bien sûr, si nous avions créé cette merveille de démocratie sans emmerder les autres, sans leur chercher de poux dans la tête, sans les désigner comme autres, sans les exploiter, sans les rejeter, sans leur jeter des bombes, nos drones sur la tête, et sans nous vêtir des oripeaux du mensonge, je serais sûrement la première à m'indigner. Mais ce n'est pas le cas ; on demande à ce qu'on nous fiche la paix chez nous à vivre notre petite vie tranquille, et qu'on nous laisse le loisir de tous nos abus ailleurs.

Franchement.

Regardez à l'intérieur, c'est comme à l'extérieur, mais la paroi est étanche et du coup, nous sommes plus proches de nos bourreaux, des bourreaux des nôtres, que des victimes du dehors ! Et pourtant, nous avons les mêmes bourreaux, les mêmes têtes, les mêmes bras, les mêmes armes et les mêmes tactiques bien rodées...

Diviser pour mieux régner, c'est un cas d'école, là, le plus flagrant, le plus clair de tous les temps. Ici dedans, là-bas dedans, avec comme toile de fond une religion réduite à son église politique, vidée d'âme et d'esprit, comme jamais. Ou, comme avant nos Lumières de Renaissance, mais avec nos moyens du bord autrement performants.

Diviser, ça marche, je marche aussi qui vais finir par haïr, en pensée en mots-colère ceux qui se rangent dans le giron de l'occident. Mais demain qui sait ? En actes. À moins de se contenter de voir pousser les fleurs... me séparer à jamais de mes contemporains déracinés.

Me séparer à jamais du savoir octroyé par de multiples émissaires qui souvent boucs, m'attachent à eux.

Mais savoir n'a jamais fait agir, au mieux, ça fait causer, ou au pire, car savoir est une chose, prendre conscience en est une autre. Et je ne parle pas du croire, en nos valeurs propagandées, qui ont forgé jusqu'à notre psyché. Ou bien cette manière d'ignorance qui nous fait tout ramener à ce que l'on connaît. Je n'ai pas, je n'ai pas eu ces valeurs, ces croyances, sauf en passif, en creux, avant que je n'y mette le nez ; aussi, j'imagine, qu'elles ne peuvent être gardées qu'inhabitées. Il suffit de s'approprier les choses, sans paresse, bien les décortiquer, et n'en prendre, peut-être, que ce qui convient. Mais je sais que beaucoup peuvent descendre le fleuve sans trouver de remous et sans avoir jamais besoin de mettre le nez dessous. Alors, c'est toute une masse qui s'écroule, construite qu'elle fut, sans fondation. Nos valeurs sont formelles, futiles, éphémères et ce n'est pas parce que l'on clame notre universalité qu'elles le sont. Si elles l'étaient, jamais nous n'aurions eu besoin de les imposer ; jamais nous ne les aurions oubliées au point de les revendiquer pour, non pas faire du commerce, mais pour piller.

Cette tension accumulée depuis plus de trois ans – avant, les événements tombaient en désordre encore, comme des nuages lointains- se termine ; l'orage a éclaté. Ne nous reste plus qu'à l'affronter pour sauver ce qui peut être sauvé, à condition que nous ayons envie de sauver la même chose, ce qui ne semble pas probant ; ou bien s'en protéger. On peut le faire de diverses façons ; la mienne, si je le puis, sera de mettre en place des réseaux de survie.

Car j'ai bien peur que la réaction de nos politiques atteigne tout un chacun et que la prise de conscience soit comme la foudre, une décharge qui éclaire ou qui tue. À moins qu'elle, cette réaction, n'endolorisse afin de faire subir sans bruit.

 

J'ai lu, j'ai vu, j'ai écouté, et de tout ce fatras, inorganisé, j'ai retenu ceci : je ne m'en suis pas inspirée, étant dans un autre registre mais je trouve qu'il illustre bien le travail de ces émissaires dont je serais triste de devoir me séparer

 

http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/mille-et-un-11-septembre-943484343

 


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