Situation géopolitique du Liban
par Stanislas Poyet
lundi 14 mai 2018
Le Liban est un petit pays du Proche-Orient qui se singularise par la présence relativement équilibrée des communautés religieuses sur son territoire. Longtemps considéré comme un modèle de multi-confessionnalisme, le pays s’est déchiré pendant près quinze ans en une sanglante guerre civile (1975-1990). Déjà fragile, le Liban subit de plein fouet la crise syrienne et régionale.
Un système politique à bout de souffle
Le système politique libanais est fondé sur une répartition des pouvoirs entre les communautés religieuses. Les institutions adoptées à la suite de l’indépendance en 1943 actent la fragmentation du pays et les postes clefs de l’Etat sont répartis entre les différentes confessions : aux maronites, la présidence de la république ; aux sunnites, la Présidence du Conseil des ministres ; aux chiites, la présidence de l'Assemblée nationale. Ce système a été pensé pour assurer l’équilibre politique entre les communautés religieuses et pour garantir leur coexistence pacifique.
Aujourd’hui, ce système est moins le garant d’un équilibre quelconque que celui d’un système clanique renforcé par une corruption généralisée. Ces sentiments d’appartenance primant sur tout sentiment national, ils expliquent la facilité avec laquelle les libanais on put faire appel à des puissances étrangères pour régler leurs différends. Ainsi la Syrie s’est appuyée quinze années durant sur le féodalisme communautaire pour maintenir son occupation du Liban. Enfin, un réflexe solidement ancré pousse les acteurs de ces communautés à interpréter la vie politique libanaise comme un jeu de ‘’force nulle’’[1] : tout gain enregistré par une faction autre est considéré comme une perte pour sa propre faction. Une habitude qui empêche toute pensée à l’échelle nationale et tout bon fonctionnement démocratique.
La crise migratoire
Avec plus d’un million et demi de syriens[2] sur son sol, le Liban accueille un réfugié pour cinq habitants ; c’est la plus grande concentration au monde. Qu’ils soient entassés dans des camps précaires dans la plaine de la Bekaa, ou intégrés aux camps palestiniens déjà anciens, leur situation est extrêmement préoccupante. Mais bien loin de se limiter à la sphère humanitaire, la question des réfugiés syriens s’avère éminemment politique, tant elle soulève des réactions de rejet au Liban. Le précédent palestinien a laissé des souvenirs amers pour nombres de libanais qui attribuent à leur arrivée la cause de la guerre civile. Aussi le terme de « réfugié » (lajiin en arabe) évoque dans la conscience collective la mémoire d’un passé douloureux. A ceci s’ajoute une xénophobie envers les syriens bien ancrée depuis l’occupation du pays par le régime des Assad : le syrien est tout à la fois le réfugié et l’occupant.
Le Liban mène une politique hostile à cet afflux. Cette hostilité est historique, et le pays n’a ainsi jamais ratifié la convention de Genève de 1951 sur les droits des réfugiés. Le Liban a refusé de construire des camps de réfugiés pour éviter de réitérer l’expérience des camps palestiniens, laissant les populations syriennes entrées sur son territoire à la charge des ONG présentes.
Le Liban dans le jeu des grandes puissances
Le Liban attise les convoitises et il se retrouve aujourd’hui au cœur des tensions du Moyen-Orient, et particulièrement de la rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.
L’échiquier politique libanais est structuré par l’appartenance confessionnelle, mais un mouvement d’alliance oppose les partis politiques selon leur amitié à l’Iran via la Syrie. Le mouvement du 8 mars (du nom de la manifestation de 2005 contre l’occupation syrienne) dont fait partie le courant du Futur du premier ministre Saad Hariri, est directement hostile au régime alaouite et à son allié iranien ; le mouvement du 14 mars (du nom de la contre-manifestation organisée en soutien à la Syrie) dont fait partie le Hezbollah et le président Michel Aoun, soutient pour sa part, même discrètement, la République Islamique d’Iran.
La pièce maîtresse de la République Islamique au Liban est le Hezbollah – fondé avec les subsides iraniens durant la guerre civile en 1982 – qui reconnaît explicitement le leadership spirituel du guide iranien (Khomeiny puis Khamenei). Le Hezbollah est aujourd’hui la première force militaire du Liban (devant l’armée libanaise), il contrôle une large part du territoire (le Sud et la Bekaa) et exerce une influence sans comparaison sur la vie politique libanaise.
Le parti de Dieu[3] est une pièce maîtresse de la République Islamique à toutes les échelles de l’échiquier moyen-oriental. Outre son influence sur la vie politique intérieure libanaise, le mouvement est un élément central de la capacité de projection militaire de l’Iran. Présent en Syrie aux côtés du régime syrien depuis 2013, la survie du régime lui est en grande partie due, il est aussi implanté en Irak, au Bahreïn et au Yémen aux côtés des milices chiites.
L’Arabie Saoudite tente depuis l’arrivée de Mohammed Ben Salman de contrer l’influence grandissante de l’Iran. Au Liban, cette offensive s’est manifestée en novembre 2017 par la mise ne détention de Saad Hariri, Premier ministre libanais et détenteur de la nationalité saoudienne.