SNCF : des chiffres cruels
par Jean Beaumont
jeudi 15 mars 2018
Edouard Philippe souhaite mettre un terme au statut des cheminots pour les salariés qui arriveront, dans un futur à déterminer, à la SNCF. Les syndicats sont vents debout et promettent le fer et le feu.
Qu'en est-il au juste ?
La SNCF – Société nationale des chemins de fer français – est né par la volonté de Léon Blum, le 31 août 1937. Sous sa houlette, le Front Populaire nationalise par décret les cinq compagnies de chemin de fer existantes. Après la défaite des forces de l'Axe et la libération de la France, une restructuration très avantageuse pour ses salariés est mise en place en 1945, ce qui est à l'époque logique, au regard des conditions de travail liée à une technologie encore sommaire. Soixante-quinze ans après, bien que les dites conditions techniques de travail soient sans aucun rapport, la CGT et Sud Rail, majoritaires, exercent un chantage quasi permanent sur les gouvernements successifs, brandissant la menace d'une paralysie totale du pays à la moindre velléité de toucher à ces « acquis » qui sont en réalité des avantages payés par la course à l'emprunt public. On peut bien entendu considérer qu'ils sont légitimes, mais ce sont des avantages net par rapport aux statuts du privé.
Quels sont ces avantages ? C'est ce que nous allons découvrir, mais premier coup de théâtre, il faut savoir que tous les employés ou presque, soit 92 % des effectifs de la SNCF (environ 150 000 salariés), bénéficient du statut dit du cheminot, y compris le scribouillard travaillant 32 heures par semaine dans son bureau. Quand les syndicalistes évoquent la gorge serrée les conditions de travail pénibles, le travail de nuit, les trois-huit, tous arguments fort recevables, ils mentent effrontément par omission, puisque une infime partie du personnel est « roulant », et la majorité (neuf salariés sur dix, donc) travaille en poste fixe comme tout un chacun. Il y a donc d'une part les vrais "roulants", qui eux ne volent pas leurs avantages, et l'ensemble des autres, qui en réalité n'ont aucune raison particulière d'en bénéficier - surtout si l'on songe au nombre pléthorique de cadres de cette entreprise publique.
Deuxième avantage par rapport au reste des salariés français : les "cheminots" (en réalité quasi tout le monde, donc) sont à l’abri du licenciement économique. Le statut prévoit seulement trois cas de départ, à savoir la démission, la retraite ou la radiation pour faute grave. Ces attendus créent des situations mystérieuses, comme par exemple le fait quer le taux de maladie affectant les salariés de la SNCF est doublé par rapport aux moyennes nationales.
Troisième avantage : Un régime spécial de retraite. La retraite des cheminots est calculée sur le salaire des six derniers mois, au lieu des 25 meilleures années pour le régime général. La pension de retraite des cheminots est par conséquent supérieure à la moyenne française : en moyenne à 1 940 euros brut contre 1 760 euros brut pour les salariés du privés au régime général. Ce montant est majoré de 10 % pour les parents de trois enfants, puis de 5 % supplémentaires par enfant à partir du quatrième.
Quatrième disparité : l'avancement de carrière est automatique. Un agent SNCF gravit l'échelon supérieur tous les trois ans, quelle que soit son activité réelle, et voit son salaire apprécié mathématiquement. En outre, le salaire moyen d'un salarié SNCF est de 3 090 euros brut, ce qui est correct par rapport aux moyennes du privé.
Cinquième avantage : des congés très supérieurs au privé. L'ensemble des salariés est soumis aux 35 heures et dispose de 28 jours de congés annuels, soit trois jours de plus que les cinq semaines légales (avec l'usage du samedi et des dimanche, qui ne sont pas comptés). Les salariés disposent, en plus, de 10 jours de RTT, les conducteurs et contrôleurs de train de 22 jours et les agents qui travaillent de nuit disposent de 28 jours de RTT (source : Cour des Comptes).
On ajoutera au tableau que des milliers de logements sont mis à la disposition des agents, dont une majeure partie à loyers réduits – ce qui revient à un complément de salaire qui ne dit pas son nom. Par ailleurs, les billets de train sont gratuits pour chaque agent ; leurs conjoints et enfants de moins de 21 ans bénéficient de 16 billets gratuits par an. Les ascendants - parents et grands-parents - ainsi que ceux de leurs conjoints, ont droit à quatre voyages gratuits par an. Pour une famille de 2 adultes et 2 enfants dont seul le père travaille au chemin de fer donc, pas moins de 8 personnes voyagent à l'oeil, soit totalement, soit partiellement.
Au nom d'un "Service Public" qu'il est interdit de remettre en cause malgré ses dysfonctions, et qui ne souffre d'aucune critique, on a accepté depuis des années une injustice de classe : eux, et nous. Je ne doute pas du courroux que cet article (pourtant factuel) va susciter, du reste.
La SNCF coûte d'après une étude interne, environ 30 % plus cher que ses concurrents européens…