Sommes-nous tous égaux à la suite d’une perte d’emploi ?

par Al de Bx
mercredi 24 septembre 2008

Globalement la plupart des personnes interrogées vont vous répondre « vous savez quand vous perdez votre boulot, c’est tout qui pète, vous vous retrouvez SDF… et chercher un job c’est la croix et la bannière ». Soit, cela peut être vrai, mais pas pour tous, fort heureusement d’ailleurs. Cependant, il faudra hélas constater que de cet état de fait, le statut d’un salarié plutôt grande entreprise et celui d’un indépendant, artisan… auront une finalité bien différente. Rappel important, ce qui suit ne concerne en rien les licenciements abusifs au sein de société indépendante, petite de surcroît, sans syndicat, ainsi que les licenciements pour faute grave, il va de soi.
Remarque à considérer, les luttes des uns ont pu acquérir des droits, pour les autres ? Indépendants même avec des syndicats (non représentatifs) ils n’ont eu rien, suite à l’isolement de leur fonction. Aussi, ont-ils été liés à notre système sociétal du XIX/XXe : l’Ere industrielle, Fordisme et Taylorisme pour son organisation, son économie et le collectivisme de l’époque : socialisme, égalitarisme.

Etre salarié dans le secteur privé (voire nationalisé/privé ; abstraction faite du statut de fonctionnaire qui a ou avait « la sécurité de l’emploi »), et perdre son travail, n’est pas socialement et économiquement une situation de confort. Parlons ici de licenciement « économique ». Au sein des moyennes et grandes entreprises, il est bien rare dans la plupart des cas qu’il soit soudain. Très souvent et bien avant la décision de la direction d’entrevoir cette rupture de contrat, il y a des possibilités de mutation au sein d’une filiale du groupe, de reconversion, la plupart du temps via une formation adéquate, et selon le besoin de l’entreprise. Cependant, bon nombre de salariés n’acceptent pas l’idée de changement (excepté les départs en retraite anticipés). Elle pourrait être pourtant un moyen d’évoluer, mais ils ne le voient pas comme cela. L’habitude de posséder un même emploi à vie au sein d’une même entreprise est ancrée pour cette génération pré-soixante-huitarde, voire au-delà.

En conséquence de quoi l’entreprise, par l’intermédiaire de sa direction du personnel (DRH), « préserve » quelque peu le salarié en l’installant sur un poste, soit délicat avec une charge de travail administratif, soit sur ce que l’on appelle « une voie de garage » correspondant à rien. Cela a finalement un coût pour l’entreprise, car son investissement humain de départ ne sera au final guère rentable, et pour le salarié un nouveau travail, inintéressant qui ne correspond pas à son attente, mais qui le rendra désabusé, aigri au fil du temps. Bien souvent le choix d’adhérer à un syndicat*, si possible le plus représentatif de l’entreprise, intervient, à moins que cela fût fait précédemment.

Dans l’échelle du temps, cela prend entre une et trois années… le salarié a des projets, des idées, il peut oser la liberté d’entreprendre, un autre en fin de carrière ferait partie des départs anticipés : le pré-retraité. Pour beaucoup de salariés, c’est un point de non-retour, alors ils se trouvent confrontés à la rupture de leur contrat de travail. Selon le statut, l’ancienneté et la convention collective auquel il appartient, le salarié touche le solde de tout compte, moyennant dans certains cas un petit pactole (nonobstant la participation, l’intéressement a posteriori, s’il y a lieu).

L’entreprise est dégagée partiellement et l’Etat prend le relais. Selon la négociation précédente, l’intéressé s’inscrit à l’Assedic et à l’ANPE (pour retrouver d’ailleurs toujours le même boulot qui n’a parfois plus cours). Psychologiquement, la situation n’est pas géniale, c’est une rupture. Financièrement et pendant un laps de temps assez court, l’ex-salarié perçoit, en plus de son enveloppe de départ, une allocation qui, suite à de moindres cotisations sociales, se trouve plus conséquente que son salaire lorsqu’il travaillait. Les mois passent et les aides diminuent. Une année passée voire davantage (selon convention collective). La suite des indemnités est reprise par le RMI dans la mesure où la personne n’a pas retrouvé de travail.
L’ANPE aura t-elle fait son boulot ? L’intéressé aura-t-il cherché de l’emploi ? Ici n’est pas le sujet, afin d’éviter toute polémique. Même si la situation n’est pas réjouissante, voire non voulue, il n’en est pas moins vrai que des aides sont bien là, même substantielles en fin de cycle. Les questions pourraient être plutôt : pourquoi l’entreprise (aidée de l’Etat, s’il le faut) n’aurait pas obligé son salarié à le réinsérer dans la vie active, moyennant une formation évolutive. Cela par rapport à la durée que peut représenter la perte de rentabilité à l’entreprise pour un salarié qui ne fait plus qu’acte de présence, ainsi que la perte pour les contribuables que nous sommes à aider une personne pendant ce temps de chômage… tant mal approprié que déshonorant pour ladite personne. A l’ANPE, pourquoi alors ne pas suivre, encadrer cet ancien salarié jusqu’au moment où un travail se présente à lui, avec tout le respect que nous devons lui donner ? Cela sans rétribution automatique, mais un crédit accordé jusqu’à l’étape d’une embauche providentielle. Que notre nouvelle société ne parle plus d’assistance, pire d’assistanat, que notre mentalité puisse un jour changer. Il est toujours plus facile pour l’Etat de « donner sans compter », aujourd’hui de s’endetter, que d’aider les personnes à retrouver par la liberté leur dignité afin qu’elles puissent par elles-mêmes (au moins leur en donner le sentiment) retrouver le travail*.

Le conservatisme social me répondra que, bien entendu, les salariés se sont battus pour avoir des droits… Soit et ce fut louable en son temps. Mais que dire des autres, les indépendants de tout horizon, des syndicats, ils s’en sont aussi créés, mais ces personnes qui ont choisi naturellement le chemin de la liberté, soit de vivre et travailler l’esprit libre, sont certes pour certains syndiqués, mais pour le fun. Pourquoi cela ? Leurs syndicats n’ont jamais été représentatifs des jacobines gouvernances d’une époque ou encore en ce jour, que les cinq dorés sont les garants d’une opposition à 3 % maximum, bonjour la représentativité ! A quand le changement, la pluralité ?

Projetons-nous maintenant sur ces indépendants, qui sont-ils ?
Bien souvent ce sont des personnes qui ont choisi (a priori) de travailler librement, c’est-à-dire sans avoir un patron derrière eux sauf que le « Big Boss » car il y a toujours quelqu’un au-dessus de vous, c’est le banquier. Ils sont chefs d’entreprise (TPE, PME/PMI…), indépendants, artisans, agriculteurs… Tout ce joli monde n’est pas logé à la même enseigne. Eux ne perdent jamais leur travail (plutôt le travail qui pourrait les lâcher), car ils sont à même de le gérer, soit ici le sens du verbe gérer à son importance. Ne pensez pas que tous soient issus de grandes écoles, de commerce ou de gestion… Certains se sont créés par expérience, dans la durée. Encore fallait-il avoir la volonté et aussi celle de devoir travailler de manière autonome, l’opiniâtreté de réussir, ce qui n’est pas donné à tous. D’autres seront passés par la case métier ou technologie, pas choisi toujours, ou limités de par leur parcours scolaire, voire davantage car n’aimant pas l’école (déjà un semblant de « l’être libre »).


Afin d’effectuer le parallèle, enfin la comparaison avec le cas précédent, restons dans une optique similaire générationnelle, avec nos plus jeunes de nos jours, l’évolution est tout autre. Etre son propre patron en fait rêver plus d’un, encore qu’il faille franchir le premier pas. C’est un investissement personnel passionnant, mais comme tout investissement, il a ses risques. La gestion des aléas et des risques cela s’apprend, ou plutôt est une option que l’on entame après quelques années de MBA, master de gestion… Quand, par exemple, un artisan se trouve en apprentissage, après normalement trois années, il acquiert son diplôme et, tant bien que mal, il se lance dans une affaire (pour les mieux lotis : entreprise familiale) ou plus généralement prendra l’expérience sur le terrain en étant lui-même un premier temps salarié. Gérer, la connaissance est minimale, alors pour les risques…

Un artisan est donc à son compte. Connaître son métier, certes c’est très important, malheureusement pas suffisant, il faut aussi avoir du relationnel, monter son réseau et trouver des clients. De nos jours, les clients, il n’a pas trop de mal à devoir chercher. L’artisanat (vous savez la première entreprise de France) est en chute libre et pas qu’en France, faute de formation et de reconnaissance des métiers manuels dès l’école. Le problème, le client, c’est bien, mais il y en a beaucoup, et ce sont des girouettes à devis. Les artisans ne sont pas nombreux et les meilleurs d’entre eux très convoités. Le client devient très exigeant, car bien souvent il s’est fait avoir préalablement avec de faux artisans (le bricoleur qui travaille au noir quand cela lui plaît tout en touchant le RMI) ou avec un petit jeune débutant qui démarre avec ses rêves, sa liberté, mais ne connaît que la théorie de son métier, car souvent pas d’expérience, de moyens, comme de référents afin de l’encadrer.

Prenons le parcours d’un artisan (a), les premières années tout se passe à merveille, le marché est bon, jeune et beau on se marie, des enfants. La femme reste à la maison pour les enfants… Les clients affluent, les devis aussi, les charges s’alourdissent et le travail devient très conséquent à tel point que le partenaire (ici la femme) se retrouve rapidement super occupée entre les devis, le téléphone, les fournisseurs, les paiements, les clients et commencent les reproches de ces derniers car non-respect des délais de ci, de ça. L’artisan travaille, intempéries ou pas, vite harassé, éreinté et stressé. Il a tendance à surbooker car il faut payer les charges de plus en plus importantes et la trésorerie surtout est oubliée. Au final le partenaire explose, travaille incessant et non reconnu (très peu) pas rémunéré, retraite aléatoire, la vie de couple se détériore, les finances s’amenuisent, une vie de famille longtemps déjà réduite. Le travail sept jour sur sept est insupportable, le divorce se précise et notre artisan (a) s’infléchit vers une spirale descendante.

Un artisan (b) qui lui gère mieux ses affaires, décide d’embaucher un compagnon car l’activité est grandissante. Ce nouvel ouvrier, il faut le rétribuer d’où des charges supplémentaires… A terme, même conséquences que (a), soit il embauche un apprenti, qu’il faut encore trouver (qui plus est motorisé en espace rural) et surtout prendre beaucoup de temps à le former, voire de nos jours l’éduquer, ce n’est pas leur rôle et encore faut-il en avoir la pédagogie. Là aussi les conséquences sont identiques.

Les artisans (a) et (b) cités ne sont pas anodins, bien entendu cela ne concerne pas tous les artisans (par contre peut concerner d’autres indépendants), certains diront même que beaucoup réussissent et tant mieux, d’autres diront qu’ils gagnent de l’argent sur le dos des clients ! En effet ceux-là mêmes font du black à leurs risques et périls, pire emploient des ouvriers non déclarés. D’autres auront les moyens de leurs réussites liées au renom d’une entreprise familiale de plusieurs générations, puis d’autres se rassembleront au sein d’une association afin de mutualiser les charges, les bénéfices étant partagés.

Revenons à nos artisans, que deviennent-il dans cette tourmente ?
Si cette histoire vous est narrée, ici dans un langage simple et fluide, c’est pour vous préciser que ce n’est pas un conte, ou un essai de script pour la télé, le cinéma… c’est tragiquement la vérité qui nous entoure près de chez nous. Lesdites personnes (a) et (b) existent bel et bien, ce sont des hommes (parfois des femmes) partis de leurs villages ils squattent dans les grandes villes où ils arpentent un coin de vos rues afin de mendier.

Des personnes valeureuses qui ont perdu toutes formes de dignité, plongées dans l’alcool, dans la solitude… Le rêve fût-il beau un jour, il se retrouve sans rien, sans famille, parfois même à devoir être toujours redevable de pension alimentaire envers leurs enfants qu’ils ne peuvent en aucun cas payer…

L’égalitarisme des uns n’est pas l’égalité pour d’autres !
En France, être salarié, perdre son travail, la collectivité contribue à un devoir, une entraide. Dans votre malheur, vous êtes aidé même financièrement.
Certes ce n’est pas le paradis.

En France être indépendant, perdre sa liberté, vous ôter votre métier, vous êtes nu.
Certes ce n’est pas l’enfer, encore faut-il en discuter avec eux, oseriez-vous le faire ? (Exception : les mendiants à la roulotte, jeunes punk, clochard) Mais voilà personne ne s’en soucie, d’ailleurs ils ne sont même pas comptabilisés, mais le chômage baisse.

Finalement sommes-nous tous égaux lors d’une perte d’emploi ?
A vous de commenter, l’essentiel n’étant pas de mettre en opposition les deux statuts, vous avez bien compris que ce n’est pas le but.
Un esprit ouvert pour un monde de liberté
Faisons ensemble la liberté, la liberté fera le reste

* : correspond à de futurs articles sur ces thèmes respectifs



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