Soralissima

par alinea
mercredi 24 décembre 2014

Voilà un freudien qui pose la femme comme fonctionnelle : maternité et oedipe. Que la maternité soit juste une fonction reproductrice, bon, mais l'oedipe, comme fonction incontournable, ben voyons.

La forme du texte, dès la première page, nous met en appétit : à propos d'Aragon ( auteur de la phrase clé du texte : la femme est l'avenir de l'homme), il dit : un stalinien qui a fini pédé. Un peu plus loin, nous avons droit à une Simone de Beauvoir et à un Pierre Bourdieu comme représentants d'une pensée de second ordre ; on suppute à cet instant que la sienne appartient au premier.

Ça commence bien.

Il cherche l'esprit à l'intérieur de corps, moi aussi, puisque celui-ci meurt avec son habitacle. Mais je n'avais jamais réalisé que le premier ordre, le premier choix, dans la pensée, volait haut. Il comprend tout, de la femme, de la féminité, à partir de l'anorexie. Il déduit que la femme ordinaire – celle qui mange normalement- se soumet à sa féminité qui pourtant est une régression dévalorisante. Que la femme se soumette à sa féminité, ma foi, il n'y a rien à redire à ça, si ceci était en rapport avec : l'homme se soumet à sa masculinité, sa fonction de géniteur. Mais non.

La femme normale - celle qui mange normalement - dont l'accomplissement, le besoin et l'envie sont de se faire remplir, donc être passive et soumise, par quelqu'un d'extérieur, l'homme ; cet homme vers qui la pousse son sentiment d'incomplétude et de vide intérieur, c'est là son destin.

Sacré Freud, il fut sacrément utile à certains ! En tant que biologiste avisé, il dit :

« Contrairement à l'homme qui porte son sexe rétractable...à l'extérieur du corps, les organes reproducteurs constituent chez la femme une cavité importante située au beau milieu d'elle-même ». Un trou dans le ventre, un vide à combler.

Mais Soral a un sexe rétractable qui est fertile sans discontinuer, alors tout s'explique. Pourtant un peu plus loin, il nous explique que son premier point de contact quand il marche, c'est son nez ( la femme c'est ses seins), mais pas son sexe ! La pauvre femme qui aura bientôt des culottes de cheval et des seins aux genoux, n'a qu'une hâte, se faire remplir et se caser tant qu'il est temps.

Voilà, c'était en guise d'introduction, pour vous mettre dans le bain.

Le coït fait perdre la tête à la femme ( sauf la flippée et la mal baisée), après s'être refusée, pour n'avoir plus, ensuite, une conscience très exacte de ce qui s'est passé, trous de mémoire, mauvaise foi... C'est pourquoi le pauvre homme est obligé de chercher ailleurs des plaisirs plus intenses, soit dans la politique, la science, le sport et le culturel, soit avec les fiottes. S'ensuit un petit abécédaire de l'oedipe bien compris !

Je ne m'offusque pas qu'un type me traite de trou à remplir coûte que coûte et fissa avant que mes seins ne tombent sur mes genoux, et ne m'esclaffe même pas de son ignorance affichée avec tant d'innocence, tant le tableau qu'il offre ainsi de lui est ridicule. Il ne donne même pas envie de discuter, on ne peut pas parler à un abîme de bêtise et de contentement de soi, à ce degré !

À l'orée du chapitre 2, j'étais en transe, j'allais enfin savoir ce qu'était la féminité. Là il a chargé, question mots à tiret : psycho-logico-affectif, economico-social, voire même biologico-organique ! ( le fait qu'on souligne de rouge tous ces mots prouve que nous avons bien affaire là à de la dissidence).

Après avoir descendu en flèche Hannah Arendt et Élisaberth Badinter – sans nous dire quel genre de traumatisme violent il a subi pour unir ces deux-là dans son raisonnement-, toutes deux des femelles sans pensée réelle, je me demande : et Rosa Luxembourg ? Il en parle un peu plus loin, en note en bas de page, et dit qu'elle a dû subir un accident oedipien et se demande quelles pratiques sociales ( déclassement, travail) ont pu permettre à cette femme d'exception d'atteindre une pensée virile. Quand je termine cet article, j'ai appris que le chemin de la pensée de la femme tend vers zéro, déjà que les hommes qui pensent sont peu nombreux. La faute au trou dans le ventre, pas à l'éducation ni aux valeurs de notre société depuis ses débuts, si bien qu'on suppute que tous les mammifères femelles sont passives, incapables d'organiser ni mener le groupe ; tant pis pour les lionnes, les louves ou les juments de tête...

Dans sa « vision fantasmatique de l'Histoire », on patauge en pleine semoule. Le penseur Soral, au sexe rétractable, nous explique que lorsque la femme se pique de création, elle ne fait que copier l'homme et, en trois lignes, démonte l'argument des féministes disant que l'empêcheur de créer en rond, pour la femme, c'est l'homme. Que nenni : l'homme ne poursuit-il pas de son jugement, sa violence voire de son excommunication, l'homme génial- créateur qui dérange l'ordre commun ? Suivez mon regard.

Tout n'est évidemment pas faux dans ce qu'il énonce, mais surfer sur l'écume - et peut-être dans ce domaine particulièrement - parce que cela n'apporte rien de neuf, n'est pas convaincant. Il concède aux femmes riches d'avoir donné, par leur générosité, les moyens aux pauvres génies de vivre et créer ; il concède aux femmes belles d'avoir été des muses mais il aura du mal à trouver des exemples d'hommes de pouvoir ou de création d'avoir produit des œuvres sans une femme à leur côté ou de trouver un homme aux côtés des femmes de génie. Mais non, des femmes de génie il n'y a point, c'est vrai ! Il ne parle pas de Camille Claudel ni de Anna-Magdalena mais pas non plus d'Elsa Triolet ; c'est vrai que son mec, à elle, était stalinien puis pédé ! Il ne connaît pas Alexandra David-Neel, grande exception à ce que je viens de dire ; sauf que l'homme dans ce cas n'était qu'un financeur et pas une muse !!

L'ennemi de la femme, celui qui l'empêche de créer, ce n'est pas l'homme, mais la femme elle-même, nous prouve-t-il en remontant au temps des cavernes, puisque toutes les oeuvres retrouvées, les fresques sur les parois des grottes, sont faites par les hommes. Les femmes de l'époque ne créaient rien, toute entières absorbées par leur enfant mâle. On se dit que sans doute, si elle s'était autant intéressée à son enfant femelle, le monde en serait allé tout autrement.

Pauvres de nous ! Juste bonnes à créer des machos. Le pauvre Soral n'a même pas encore vu qu'il est le macho qu'il est, sans doute parce que sa mère ne l'a pas assez aimé ! C'est aussi, sûrement, parce qu'il a lu Freud.

Il ne s'intéresse à aucun moment au pourquoi de la création, au pourquoi de cette expression nécessaire, à l'homme plus qu'à la femme - bien qu'aucune preuve ne soit disponible - ; une peur à combler, un ersatz de plénitude, manifestation de frustration, incomplétude et névrose... car on peut voir aussi la création comme la poubelle de l'inconscient qu'il leur faut bien vider pour souffler un peu.

Ceci dit n'enlève rien au talent qui dit à tous - universalité oblige - le mal-être de chacun.

Il ne parle pas de sagesse, ni de chemin qui nous y conduit, ni de cet idéal d'adéquation au monde qui n'a nul besoin de matérialisation.

Il faut dire qu'il base toute sa dithyrambique diatribe sur l'homme, sur les dires de Monsieur Freud. Et Freud, je ne l'aime pas. C'est pourquoi, sans doute, ma critique est débordante tout en étant soralienne, remarquez bien, puisque je surfe moi-même sur de vagues choses ! Et je ne prétends pas me donner l'excuse de devoir tout dire en quatre pages !!

Puis il nous dit que Simone la flippée et Élisabeth la pétasse ( nous nous connaissons assez pour s'autoriser ses familiarités dorénavant, là, ce n'est pas dissidence mais émancipation) projettent leur propre réalité pour décrire voir imposer le monde selon elles. Je ne peux qu'être d'accord sur ce constat, à ceci près que ce n'est pas une spécialité féminine ni contemporaine.

Mais quand, en guise de condensé conséquence du féminisme ( celui de la flippée et celui de la pétasse), il dit ceci :

« La plupart des femmes n'étant ni bourgeoises de gauche flippées ni pétasses arrivistes, rares sont les féministes. Percevant la maternité comme un grâce ( plutôt qu'une aliénation), le travail comme une obligation ( plutôt qu'une libération), la femme normale [ souvenons-nous, celle qui mange normalement et n'a qu'envie de se faire remplir quand il est encore temps ] n'a souvent pas d'autre choix que de prendre un emploi pour nourrir sa famille ( emploi subalterne , précise-t-il en note). Surtout quand celle-ci se réduit, pour cause de divorces de plus en plus fréquents, à une mère élevant seule ses enfants. »

je ne peux qu'être d'accord.

Comme il n'évoque jamais les peurs, les complexes, les obligations du garçon, sa difficulté d'être et son jeu obligé dans la société - ce qui le rend sujet à la somatisation et écourte ses jours -, je déduis que Soral est très content de lui, ce qui l'a dispensé d'un retour sur soi et qu'il ne se rend pas conte qu'il est lui aussi un être préfabriqué par sa famille et la société. Se vivant transgressif, dissident, révolté, il doit croire qu'il se le doit exclusivement !

Qu'il fasse le distinguo entre la femme normale qui ne prend pas le boulot pour une libération et la famille pour une plaie, ne peut que me réjouir, moi qui chante depuis toujours que le féminisme n'est que l'arrogance des nanties. Peut-être pourrions-nous lui suggérer de fréquenter moins de bourgeoises et plus de femmes normales ?

On continue la lecture, il continue à enfiler les perles.

La Femme, ne s'intéressant qu'à elle-même, trouve son beurre dans le magazine Elle, tandis que l'homme capable de passions moins limitées, trouve le sien dans Sciences et Vie, l'Express, Monsieur bricolage ou l'Équipe. C'est là toute la précieuse différence.

Puis ( je ne résiste pas au plaisir lubrique de vous citer cette phrase, en conclusion du chapitre étique sur la psychanalyse) :

« ...Après avoir exprimé le droit consumériste au plaisir de l'époque de la croissance ( de la pilule au premier choc pétrolier), le conseil psy s'est peu à peu radicalisé en une sordide surenchère au plaisir pour faire face à la crise de la consommation ( qui est aussi celle du désir). Tournant de plus en plus au guide pratique sur le bon usage de la sodomie et les techniques de fellation, il reflète aujourd'hui l'extrême détresse de pétasses en fin de parcours, devenues prêtes à tout pour se faire tirer ».

La vulgarité serait-elle dissidente ?

Si ce qui sous-tend sa critique de la « culture » actuelle n'était pas si abjecte, je l'applaudirais presque, mais il s'avère que ce que j'impute à la société de consommation où la libéralisation de l'ego, l'absence d'exigence, le mercantilisme, l'audace nue de se montrer tel qu'on est, tient lieu de réussite, lui, y voit une féminisation.

Dans ce cas, Monsieur Bonnet de Soral, vous êtes en plein dedans.

Si je n'avais pas été aussi agacée par ce qui précède, j'aurais acquiescé avec plus de bonheur à sa critique du féminisme. Il est exactement ce que l'on reproche au FN : souvent judicieux constats et dénonciations, mais, mauvaises bases et mauvais projets pour y remédier.

En revanche, il s'égare avec assurance sur tous ces enfants sans père - divorces ou pères féminisés par leur travail qui ne leur demande ni muscle ni conscience collective - fait qui fabrique :

« une adolescente dont le sentiment de toute puissance séduction ne sera borné que par l'exacerbation des rivalités féminines. Un adolescent dont le manque de courage et de projet... feront de lui le contraire d'un homme, d'un honnête homme. »

C'est oublier bien vite tous ces enfants sans père (aujourd'hui aussi) après les deux dernières guerres, et, bizarrement, le rôle de ces mères qui furent pères à la fois, et ne se sont pas toutes loupées, loin de là. C'est fatigant de lire quelqu'un qui prête tant à la controverse parce que, s'il fait parfois de justes constats, critique ce que lui-même pratique : survol a priori, superficialité, n'ayant aucun appui sérieux. Et que dire de cette phrase :

« La fiotte et la pétasse constituent le couple idéal de l'inconscience politique et citoyenne, au service de la consommation de masse » ?

Quand je pense que j'ai écrit ces deux articles pour argumenter ma « vision » de cet homme au cours d'une conférence, un peu comme un défi à certain qui dit : il y a l'homme, il y a les idées ». Je suis désolée, la forme et le fond sont indissociables, l'homme est un, même pluriel, individu, donc indivisible. Aussi, écrit autrement et argumenté avec plus de sérieux, cette phrase même serait approuvée.

Je sais qu'on me dira : ce sont tes propres repères, classiques, désuets, démodés, qui te font réagir ainsi. Oui.

Je vais m'arrêter là, le peu qui suit est à l'avenant, sauf cette dernière phrase :

« Hommes de progrès épaulés de tout temps par des femmes : leurs mères ( ils en ont plusieurs), leurs épouses ( aussi, mais pourquoi pas) (1) sans lesquelles ils ne sont que des petits garçons, et quelques ' Louise Michel » plus rares : femmes politiquement moins inconscientes, moins séductrices aussi, donc moins femmes...

C'est là le fond du problème ».

Pour conclure, je dirai juste que cet homme aurait dû faire une bonne psychanalyse, mais pas avec Freud. Alors, se révélant à lui-même, sans penchant à projeter son ego malade, réalisant le potentiel de son intelligence et de son esprit synthétique, sa vision des choses, ses constats auraient-ils pu être utiles, réellement. Mais il est resté ce petit garçon sans mère et sans femme, moitié mâle viril de muscles et de sexe, qui se noie dans ses contradictions et, a tendance à se prendre pour modèle.

En tout cas, le lire me fut éprouvant et j'aurais aimé, au moins pour ce tome-ci « Vers la féminisation », avoir la lecture d'un homme, de gauche !

J'offre à qui veut ces deux volumes, qu'en soralienne d'occasion j'ai survolés pour vous. Il suffit de me laisser une adresse ! Sinon ils deviendront piètres bûches en mon foyer.

 

1 : je poildecute sur le pluriel de cet adjectid possessif, car ainsi mis au pluriel, ce qui peut être acceptable, cela insiste sur le fait que chacun " possède" sa chose ou sa personne à lui ; ainsi plusieurs choses ou plusieurs personnes sont possédées au total !!


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