« Sortir de l’Euro » : « anti-système » ou piège à c..s ???

par Luniterre
mardi 6 avril 2021

 

Peut-on parler d’un « débat de fond » entre « mondialistes » et « souverainistes », vu qu’il n’y a pas de camps clairement identifiés ni d’un côté ni de l’autre, au-delà de l’exception du débat de 2005, dont on a vu les limites ? Peut-on considérer qu’il y aurait un gain économique et social potentiel, du simple fait d’une « sortie de l’Euro », comme priorité politique, couramment affichée par certains ?

La mondialisation est un fait économique dominant, car infrastructurellement lié au développement des forces productives modernes. Évidemment, c’est un fait qui renforce essentiellement la tendance impérialiste, et principalement celle des superpuissances, USA et Chine.

Pour autant, tous les « souverainistes » ne sont pas forcément des anti-impérialistes, et surtout pas, de manière conséquente, même lorsqu’ils s’en revendiquent.

Dans le cadre d’une économie capitaliste, le « souverainisme » nécessiterait, pour être fonctionnel, l’existence d’une bourgeoisie nationale, et donc de la base économique, relativement endogène, qui devrait logiquement aller avec. Bourgeoisie nationale et base économique qui n’existent pratiquement plus dans la plupart des pays, dont la France. Le souverainisme français est donc pour l’essentiel un cadavre politique, que seule une fraction de la petite bourgeoisie tente de maintenir debout, avec un semblant de vie.

Néanmoins, il est clair qu’un hypothétique État indépendant prolétarien à naître devra tendre vers un développement économique endogène.

Cela passe par une alliance avec les États nationalistes bourgeois encore survivants, comme la Russie, par exemple.

Cela passe par le contrôle de sa propre création monétaire, c’est à dire par le contrôle démocratique du crédit, ce qui implique la mise sous contrôle des banques par un organisme démocratique de gestion du crédit, c’est-à-dire leur « nationalisation » de facto, sinon de jure. (…les actionnaires et les gérants responsables « officiels » y perdant tout pouvoir réel !).

Évidemment, cela passe d’abord par la reprise de contrôle de la Banque Centrale nationale. (…la BdF, chez nous, actuellement simple « section française » de la BCE !).

Et c’est là que l’on peut rapidement comprendre que la marotte souverainiste d’une « sortie de l’Euro » pour rebattre une « monnaie nationale », franc ou autre, est particulièrement absurde et même très nocive, dans la perspective d’une économie endogène, qui ne signifie pas pour autant autarcie complète !

Maîtriser sa propre création monétaire, c’est maîtriser ses propres choix de distribution du crédit, et c’est donc aussi la maîtrise de ses dettes. Il est donc largement préférable de conserver le signe de la devise que tout le monde a déjà dans sa poche, et qui sert déjà au financement du commerce international du pays.

Dans le cas de la France, cette « monnaie nationale » véritablement efficiente serait donc une sorte d’ « euro-franc » validé par la BdF revenue sous contrôle national, et comptabilisé par elle, y compris sous forme de création monétaire par le crédit.

Le gros « problème » deviendra donc alors celui de la BCE, et non celui de l’Etat prolétarien français, et ce sera, de fait, à la BCE de solliciter l’ouverture éventuelle de négociations… !

Il n’y a évidemment pas à escompter qu’elle "accepte" spontanément une telle situation, mais à faire en sorte de ne pas lui laisser le choix… (…sauf, donc, évidemment, de négocier un modus vivendi éventuel, si elle ne veut pas aller au conflit ouvert !).

Quoi qu’il en soit, le nouvel État prolétarien démocratique français n’aura aucune "obligation", morale ou autre, de retirer la monnaie libellée en Euros des poches de ses citoyens…

Et comme il n’y a en plus aucun intérêt, bien au contraire, il serait donc particulièrement stupide de le faire…

Alors, tant qu’à faire, continuer à comptabiliser sa propre trésorerie en Euros ne présente non plus aucun inconvénient, mais seulement des avantages, comme expliqué ci-dessus.

En regard du Coup d’État Mondial que représente la prise de contrôle économique et de pouvoir politique réel par les Banques Centrales, la Révolution prolétarienne représente, inévitablement, un Contre-Coup d’État, un peu comme celui tenté par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, sur le plan juridique, mais ici, sur le plan directement politique et économique, et avec le soutien des forces politiques prolétariennes mobilisées pour sa bonne réalisation…

Du point de vue de la loi de la valeur, ce qui importe, en termes de monnaie, pour la gestion d’un budget national, c’est la masse monétaire sous contrôle de la Banque Centrale Nationale du pays indépendant considéré.

Chaque fraction de cette masse, chaque unité monétaire, est simplement une unité de valeur, sous la forme d’une unité de crédit, émise et/ou comptabilisée par cette Banque Centrale Nationale, et circulant dans le pays ou en dehors. Au départ et à priori, peu importe son « nom »…

Dans le cas qui nous préoccupe, celui d’une monnaie nationale formellement « homogène », au départ, avec son environnement international, si l’ensemble du système bancaire national est donc désormais sous contrôle, la fuite généralisée des fonds est déjà tout à fait impossible et règle donc l’essentiel du problème.

Dans l’autre sens, si quelques gentils voisins viennent dépenser leurs « sous étrangers » chez nous, c’est sans problèmes, vu l’homogénéité, et cela ne peut être qu’excellent pour notre économie !!! Cela fait donc « gonfler » notre masse monétaire, mais tout à fait positivement, vu que cela correspond à une activité économique réelle !

En fait, il n’y a quasiment que des avantages, si cette transition est bien gérée, et ainsi nettement moins traumatique et coûteuse, en termes de valeur réelle potentiellement détruite, qu’un changement radical de signe monétaire, genre « retour au franc » !

De toute façon, c’est, dans un cas comme dans l’autre, un bras de fer inévitable, pour la nouvelle France démocratique, avec la BCE. Mais en bien meilleure position, dans ce cas de figure, qu’avec la situation où il faudrait établir un nouveau taux de change, genre « franc/euro », que les banquiers centraux BCE s’acharneront inévitablement à rendre le plus défavorable possible, et avec toutes les armes pour le faire, et la première, donc, celle que nous aurions créé nous même ! Un quasi-suicide économique, en réalité.

A terme, et une fois la situation relativement stabilisée, il peut alors devenir utile, au contraire, de « personnaliser » à nouveau le signe de la nouvelle monnaie nationale, mais ce qui peut alors se faire sans casse économique notable et quasiment au seul avantage du nouveau pays indépendant, si cela s’avère nécessaire.

D’ici là, la nouvelle France démocratique pourrait-elle être accusée de fabriquer de la « fausse monnaie » ?

D’une manière ou d’une autre, de la "fausse monnaie", c’est donc déjà ce que fait la BCE elle même, actuellement, avec la participation active de la BdF, y compris pour l’impression des billets… Les euros actuellement imprimés en France ont néanmoins cours dans tous les pays de la zone euro, comme tous les euros imprimés dans d’autres pays, du reste, qui ont également cours en France, bien évidemment… !

Et donc les "euro-francs" resteront ce qu’ils sont déjà, très formellement, à ceci près qu’ils seront simplement comptabilisés "séparément" par la nouvelle BdF, sur le compte de la masse monétaire nationale !

Bien entendu, la BCE criera probablement à la "fausse monnaie", mais n’y pourra absolument rien, concrètement, et surtout si le nouvel État s’abstient formellement de demander son retrait de l’UE… …Retrait formel qui ne sert donc à rien, sauf précisément à se placer au contraire très formellement dans l’illégalité, vu qu’aucun processus actuellement existant n’est ni utile ni praticable pour une séparation "amiable", de toute façon impossible.

Il est donc impératif de mettre toutes les bonnes cartes de notre côté, dans une telle situation, afin de pouvoir négocier en position de force, si négociation il y a, et sinon, de rester en position de force, celle du fait accompli et concrètement fonctionnel, dans le cas inverse, le plus probable, évidemment… Tôt ou tard, il y aura conflit irréductible ou négociation d’un compromis entérinant l’état de fait, avec au mieux quelques aménagements diplomatiques.

Cela peut-il constituer un sujet de conflit majeur avec les restes de l’ « Europe unie » ?

La BCE, ce n’est pas exactement l’"Europe "… Ni même l’UE, qui n’existe déjà quasiment plus… La BCE est d’ores et déjà le seul pouvoir central vraiment actif dans la région, avec la BoE, qui a déjà actuellement d’autres chats à fouetter, avec sa " Zone Livre Sterling" et, à la limite, en profitera provisoirement pour finir de régler leur compte à ses anciens " amis "…

Concrètement, la seule issue pour la BCE est donc de refaire entièrement tout ce qui subsistera de son système monétaire, c’est à dire, pas grand chose…, et de plus, cela leur prendra un temps considérable, plusieurs mois, et même au moins un an ou deux, vu le temps qu’il a déjà fallu pour installer l’euro, temps pendant lequel l’économie de l’État prolétarien indépendant aura le temps de s’établir suffisamment pour organiser sa résistance, alors que dans le cas de recréation d’un système monétaire qui lui soit propre, tout le handicap sera pour lui, assorti en plus d’une quasi faillite qu’il aura donc lui-même stupidement déclenché.

Une bonne stratégie, dans une partie où l’un des deux restera inévitablement KO à l’issue, c’est donc de jouer avec un coup d’avance, surtout si l’on a précisément la bonne carte en main pour le faire… Il suffit déjà justement de commencer par ne pas la lâcher, et même de la tenir le plus longtemps possible, pour en tirer tous les avantages tactiques, et stratégiques, en fin de compte !

D’un côté il n’y a que les pépins, de l’autre il y a encore un peu de fruit autour à grignoter, fruit qui est, de plus, celui des travailleurs de France. Reste de fruit qui peut permettre de transformer les pépins en jeunes pousses suffisamment vigoureuses pour résister.

À court et même à moyen terme, il y a donc deux coups à jouer, l’un perdant à coup sûr et à court terme, l’autre gagnant à court terme et permettant une prolongation éventuellement gagnante, si bien jouée, également, avec le soutien populaire renforcé dès le premier jour…

Il serait donc bien particulièrement idiot de faire d’ores et déjà le très mauvais choix, avant même que la partie ait commencé !!!

 

Un autre point essentiel, tactiquement et stratégiquement :

 

"Le poids international de l’euro

Après vingt ans d’existence, l’euro occupe la place de deuxième devise mondiale, loin derrière le dollar américain mais devant toutes les autres devises mondiales. Alors que la zone euro pèse environ 11 % de l’économie mondiale, la part de l’euro s’élève à environ 20 %, quel que soit l’indicateur choisi : 20 % des réserves mondiales de change, 22 % du stock international de titres de dette, 15 % des prêts transfrontaliers et 18 % des dépôts (cf. graphiques 1 et 2). En outre, la moitié des importations dans la zone euro et 60 % des exportations hors zone euro sont facturées en euros (BCE, 2020)."

https://publications.banque-france.fr/le-role-international-de-leuro

https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/820155_bdf229-5_role-international-euro_vf.pdf

 

 

On ne bouge pas 20% des réserves monétaires mondiales, plus toute la masse monétaire en euros circulants hors UE, même pour les convertir en monnaie "anti-France", en un tournemain… !!!

Le risque est donc majeur pour la survie même de cette monnaie « européenne », et donc cela laissera nécessairement un délai de "réaction", c’est le cas de le dire, assez important, et favorable, de fait, à la nouvelle France démocratique !

Il n’est même pas du tout évident qu’avant de tenter un éventuel coup répressif radical la BCE ne tente pas un compromis, même si nécessairement provisoire et précaire.

Après, le commerce international étant ce qu’il est, un tas de gens y auront déjà trouvé leur intérêt et seront peu enclins à soutenir les initiatives revanchardes de la BCE, ce qui sapera déjà en partie sa base d’appui pour une politique répressive.

L’essentiel restant évidemment la mobilisation de masse, que ce soit sur le plan politique ou sur celui du développement économique et social, indissolublement liés.

 

Mais comment se fait-il que les Banques Centrales se soient quasiment substituées aux pouvoirs d’Etats supposés « démocratiques » et donc représentatifs des volontés populaires ?

Effectivement, depuis quelques années, et même quelques décennies, déjà, les Banques Centrales n’ont de comptes à rendre à personne d’autre qu’à elles-mêmes.

C’est quasiment une nouvelle zone du droit international, sinon carrément une zone de non–droit, et quelle zone !!!

Bien entendu, elles répondent tout de même à une sorte de « cahier des charges » qui définit officiellement leur mission, mais pour le moins assez « adaptable » comme l’ont montré les récents événements, et notamment, le procès de Karlsruhe.

Leur « indépendance » n’est donc pas un vain mot, aux confins de toutes les zones du droit et du non-droit…

Selon les cas, (FED, BCE, PBoC, BoE, BoJ) les systèmes de cooptation varient, mais ils n’ont évidemment rien de démocratique.

C’est une aristocratie bureaucratique représentative de l’ « élite » parmi ceux qui contrôlent tous les autres leviers réels de pouvoir, que ce soit politique, économique ou financier.

En réalité il y a donc désormais un jeu de « chat et souris » permanent entre les marchés et les Banques Centrales, où les marchés sont clairement les souris et les Banques Centrales les chats…

A la fin du jeu, les chats finiront par attraper définitivement les souris et par les manger complètement… L'économie moderne banco-centralisée est inexorablement en marche vers le monopole absolu de toutes valeurs d'usage, sous le contrôle direct des Banques Centrales !

Mais pour l’instant, on n’en est pas encore là, et les marchés sont constamment à l’affût de leur pitance monétaire pour pouvoir continuer à boursicoter à leur aise…

En effet, toute la survie du système dépend donc de leur perfusion en « liquidités » injectées par les Banques Centrales.

Le réglage de cette perfusion est quasi-littéralement une question de débit, un problème de robinet, plus ou moins « fermé/ouvert », mais jamais tout à fait fermé, désormais, sous peine de mort très rapide… En jargon, ce réglage se dit « tapering », dont la racine est le mot « tap », littéralement, « robinet », en anglais !

Donc dire que les Banques Centrales luttent contre l’inflation, selon leur « mission officielle », n’est pas tout à fait exact, puisqu’elles cherchent le meilleur « réglage » qui convient au système, et qui se situe autour de 2%. Autrement dit, elles font tout ce qui leur parait adapté pour obtenir ce taux, et donc « remonter » l’inflation, lorsqu’elle est en dessous de cet objectif, ce qui est actuellement le cas.

Une autre question importante est la « vitesse » de variation : il faut donc remonter, mais pas trop vite, pour éviter les « à-coups » trop brutaux et délétères pour le système, comme la crise du REPO aux USA, en Septembre 2019, et qui a duré jusqu’à celle du « covid » proprement dite, en fait. Telles quelles, les Banques Centrales, et surtout et principalement, les cinq susmentionnées, sont une institution particulièrement délétère de domination de classe. Pourtant on ne peut pas dire que cela vient de la fonction elle-même, mais de la manière de la remplir, et surtout, au service de qui.

Bien évidemment, l’idéal serait de pouvoir se passer tout à fait d’argent et de banques, mais l’humanité en est très loin, et d’ici là, le « compromis » de transition semble donc bien être une gestion contrôlée démocratiquement de l’ensemble du système bancaire, et en tout premier lieu, de chaque Banque Centrale Nationale, encore indispensable pour maîtriser un développement économique et social endogène de chaque nation, indépendante et démocratique.

Dans une économie moderne développée, c’est la gestion du capital fixe, c’est-à-dire du patrimoine matériel des forces productives, qui prime sur la gestion du simple rapport prix/salaire, pour arriver à un équilibre entre production et besoins sociaux réels.

C’est la leçon que les véritables marxistes doivent tirer de l’expérience des crises de ces dernières décennies, et surtout, depuis le début du XXIe siècle, donc ! Malheureusement, les « vrais marxistes » s’ils existent quelque part, ne semblent pas sur le point de sortir massivement du bois, c’est le moins que l’on puisse dire…

L’évidence est donc maintenant que la bonne gestion du patrimoine des forces productives dépend de la répartition des crédits qui leurs sont respectivement alloués, et donc, en vue de quels objectifs de production.

Ensuite, socialement, la priorité est donc la répartition du travail encore réellement nécessaire, c’est-à-dire son partage entre tous les intervenants potentiels, en fin de compte. Ce qui se règle aussi par des allocations budgétaires correspondantes, en termes de masses salariales.

Dans un système social où l’ensemble du système bancaire est sous contrôle démocratique il y a donc également une politique globale de crédit en vue de répondre à ce besoin de financement de la masse salariale.

A la fin, dans ce système, l’équilibre est obtenu quand la masse salariale a permis la consommation des biens et services répondant aux besoins sociaux, équilibrant donc les investissements en capital fixe et matières premières décidés démocratiquement pour répondre à ces besoins.

Évidemment, la formule, ici, est simplifiée à l’extrême, mais c’est le principe qui permet de comprendre le rôle social d’une nouvelle Banque Centrale, nationale et démocratique, dans la mesure ou allocation de crédits aux uns et aux autres, et aux différents postes budgétaires démocratiquement décidés, cela reste donc, inévitablement, de la création monétaire, qui n’est pas le vice en soi, mais seulement, actuellement, par ce qu’en font les principales Banques Centrales, comme instruments privilégiés de la domination de classe d’une pseudo-« élite », cyber-fasciste, en réalité.

Luniterre

 

Sur la crise du REPO aux USA, une étude TML :

« Covid-19 et crise économique : un lien de cause à effet, ...ou pas ???! »

 

 

 

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