Sous la burqa, la MORT

par VICTOR Ayoli
lundi 27 juillet 2015

 

- Maman ! J'ai mal ! Ouin ! Ouiiin !

- Qu'est-ce que tu as ma chérie ?

- Ouin ! Ouiin ! Ça me brûle... Là. La jambe. Ouin ! Ouiin !

 

La maman de la petite Sophie, en vacances sur les plages de La Grande-Motte, s'affole un peu. Un attroupement de baigneurs se fait autour de la gamine qui pleure. Puis les nageurs-sauveteurs arrivent et prennent les choses en main. C'est une méduse. Ils rincent soigneusement la partie attaquée par les redoutables tentacules urticants, frottent avec du sable mouillé, rincent de nouveau, sèchent la partie endolorie au soleil puis appliquent une pommade. Dans quelques heures, Jennifer aura oublié sa mésaventure. Ce sont les dangers de la plage... Douloureux mais dérisoires.

* * * *

Á Maroua, dans le nord du Cameroun, l'atmosphère est lourde en ce samedi soir. Pas seulement à cause de la chaleur humide mais par suite du terrible attentat qui s'est déroulé trois jours avant : deux fillettes en burqa ont explosé au beau milieu du marché, tuant 13 personnes et en blessant des dizaines d'autres.

Á quelques kilomètres de là, il y a un camp nomade de Boko Haram. Sous la hutte qui sert de madrassa, une douzaine de fillettes annone des versets du coran sous la conduite sévère d'un imam dont la longue baguette, par des coups précis, réveille les ardeurs de la foi de ces gamines. Devant lui, il y a Fatou, une jolie adolescente. On lui a dit qu'elle avait été choisie...

Choisie pour quoi ? Trois jours plus tôt, c'est Babila et Mankap qui ont été « choisies ». Elles sont parties avec Salim et Rachid. On ne leur a pas dit pourquoi ni où. Mais elles ne sont jamais revenues. Et le soir, il y a eu une fête dans le camp. Ce doit être une bonne chose d'être « choisie » pense Fatou...

La nuit était tombée très vite, comme toujours sous les tropiques. Les bêtes nocturnes et les insectes prenaient possession de la savane bruissante par un fond sonore continu fait de crissements, de sifflements, de hululements auxquels se mêlaient les croassements des batraciens et les feulements inquiétants de fauves en maraude. Salim et Rachid avaient donné à Fatou le gilet qu'on imposait aux fillettes de porter sous leur burqa lorsqu'elle sortaient dans le camp. C'était lourd et pas pratique, mais c'était la loi, leur disait les hommes. Bof. Les filles, les femmes sont habituées à obéir sans rechigner, à trimer sans se plaindre en terres d'islam...

Puis Fatou et ses deux accompagnateurs sont partis en 4x4 vers la ville. C'est la première fois, depuis qu'elle avait été enlevée de son école, plusieurs mois avant, que Fatou quittait le camp. La première fois qu'elle allait retourner en ville !

Les hommes ont arrêté leur véhicule à l'entrée de la ville. Ils ont conduit Fatou vers le centre. Pour la fillette, c'est un émerveillement. Des lumières, des gens qui flânent, des hommes qui rient, des femmes en boubou, d'autres en burqa noire, comme elle. Des enfants qui crient et se poursuivent en riant. Des odeurs d'épices, de viande grillée.

On approche du Pont Vert, l'un des quartiers les plus animés de cette petite cité camerounaise du nord. Salim et Rachid lui disent : « Allez ! Tu es une de nos meilleures jeunes filles. C'est pour ça que tu as été choisie pour te distraire un peu en ville. Tu peux flâner dans le marché. Mais ne traîne pas trop longtemps et ne nous fait pas honte. Nous avons quelque chose à faire, attends-nous au grand bar Le Boucan. C'est là-bas. Tu vois. Tiens, voilà des sous, tu iras boire une gazoz. Ils lui donnent quelques pièces et la quittent.

Fatou est impressionnée. Son cœur bat la chamade, autant de crainte devant tout ce bruits, toutes ces lumières que de se trouver seule, libre, LIBRE ! Et si elle s'échappait ?

Des idées contradictoires se bousculent dans la tête de la fillette. Partir, mais où ? Finalement, ils ne sont ps si méchants que ça puisqu'ils lui permettent de retrouver la vie. LA VIE !

Fatou s'approche du grand bar. Aura-t-elle le courage de s'asseoir ? De parler à un homme pour demander une gazoz ? La voilà toute proche, entre deux petites boutiques de vente de bonnes choses à emporter. Il y a foule. Ça sent bon. Humm ! Fatou a les yeux qui s'agrandissent, elle sourit sous sa burqa...

Á deux cents mètres de là, au coin de la rue, Salim sort son téléphone portable. Il tape un numéro et...

 

...devant le marchand de nourriture, Fatou vient d'exploser... La bombe qu'elle portait à son insu vient de tuer une vingtaine d'innocents, d'en blesser des dizaines d'autres, semant l'horreur et la terreur.

Salim range son téléphone puis s'éloigne avec son compère Rachid...

Deux fillettes, deux destins...

Pour l'une, sous le sable de la plage, la méduse.

Pour l'autre, sous la burqa, la mort...

 

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