Soutien inconditionnel à Jean-Luc Mélenchon et à la France Insoumise

par Jean Dugenêt
lundi 29 octobre 2018

JPEG
Toutes les organisations du mouvement ouvrier doivent apporter un soutien inconditionnel à Jean-Luc Mélenchon et à la France Insoumise face à l’attaque policière qu’ils ont subie le mardi 16 octobre 2018.
 
Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumises ont dû faire face à une mobilisation sans précédent des forces de police contre une organisation politique. Plus d’une dizaine de perquisitions ont été déclenchées ce mardi 16 octobre 2018 aux sièges de la FI et du PG et dans les domiciles privés de militants. C’est sans doute près d’une centaine de policiers en tout qui sont intervenus certains étant armés et revêtus de gilets pare-balles. Un tel déploiement policier est même rare dans la lutte contre le banditisme.
 
Quel pouvait donc bien être le motif d’un tel déploiement de forces ? Les policiers intervenaient dans le cadre d’une enquête préliminaire lancée sur des soupçons dont les fondements semblent bien fragiles. Il s’agirait d’une part d’une enquête sur les comptes de campagne de l’élection présidentielle et d’autre part d’une enquête sur les assistants parlementaires de Jean-Luc Mélenchon quand il était député européen.
 
En ce qui concerne les comptes de la campagne présidentielle, la société de communication de Jean-Luc Mélenchon serait accusée d’avoir surfacturé certaines prestations. Des chiffres ont été avancés dans la presse. Or, il apparaît que les journalistes qui formulent ces accusations n’ont même pas fait de comparaison avec les factures portant sur des prestations similaires faites par d’autres agences de communication pour d’autres candidats. Que vaudrait donc une évaluation qui ne serait pas comparative ? Ceux qui osent présenter cela sont-ils stupides, incompétents ou de mauvaise foi ? Cela n’est pas sérieux. Signalons de plus que les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon ont été validés par la commission des comptes de campagne (CNCCFP) avant que celle-ci saisisse le parquet. Elle voudrait faire des vérifications suite à la démission d’un des rapporteurs, Jean-Guy de Chalvron, qui aurait voulu ainsi protester contre la décision de les valider.
 
En ce qui concerne les assistants parlementaires, l’accusation est partie de Mme Sophie Montel, élue du Front National. Interrogée en juillet 2017 alors que le FN était accusé pour des soupçons d’emplois fictifs au sein du Parlement Européen, elle avait trouvé judicieux, comme technique de défense, de lancer des accusations à tout va contre une vingtaine d’eurodéputés de tous bords. C’est seulement pour donner suite à ces accusations, qui semblent très fantaisistes, que le parquet a décidé de lancer une enquête préliminaire contre Jean-Luc Mélenchon.
 
Rien de tout cela ne justifie une action aussi importante : une centaine de personnes mobilisées, et des heures de perquisitions coordonnées. Cette mise en scène pourrait paraître ridicule mais l’agressivité que constitue à elle seule le fait de perquisitionner ne prête pas à rire. Chacun doit en mesurer la gravité. Les perquisitions dérogent au principe du droit à la vie privée. Elles donnent le pouvoir aux forces de polices d'investiguer dans tout ce que la personne a de plus intime interdisant, de fait, de faire valoir un quelconque droit à la confidentialité. C'est une procédure agressive et violente qui ne doit surtout pas être banalisée. Les perquisitions dans les permanences des partis leur donnent accès à tous les fichiers de contacts et d’adhérents et à tous documents qui pourraient être considérés comme confidentiels.
 
Il n’y avait manifestement pas urgence, aucun danger majeur qui puisse justifier cette procédure avec une telle mise en scène.
 
Cela est d’autant plus inadmissible que la méthode est radicalement différente de celle utilisée à l’encontre d’Alexandre Benalla qui fut un proche d'Emmanuel Macron. L'affaire est encore présente dans tous les esprits ce 16 octobre. Les faits sont avérés et connus. Coupable de violences envers des manifestants lors d'une journée de mobilisation sociale, avec utilisation frauduleuse d’un brassard de policier, son appartement n'a pas été perquisitionné dans les mêmes conditions. Il a refusé de donner les clefs en expliquant que c’était son épouse, en déplacement à l’étranger, qui en était propriétaire. La police s'est simplement pliée à ses désirs. Elle n'entrera dans son appartement que le lendemain matin. Mais, alors que l'intervention portait sur la présence d'armes à son domicile, il a expliqué que ces dernières avaient été emmenées par une autre personne. Cette affaire du coffre disparu a amusé la presse mais la police ne semble pas avoir déployé beaucoup de zèle pour retrouver le coffre en question.
 
La méthode est aussi radicalement différente de celle utilisée à propos des frais de campagne d’Emmanuel Macron qui sont pourtant beaucoup plus élevés que ceux de Jean-Luc Mélenchon. Si la police cherche vraiment des factures surévaluées, il serait sans doute judicieux de les chercher prioritairement chez ceux qui ont fait les plus grosses dépenses. D’ailleurs, d’après le magazine “Marianne”, le parquet de Paris a bien été saisi d’un signalement de quatre donateurs de la campagne d’Emmanuel Macron ayant versé deux fois le plafond autorisé de 4 600 € par personne. Mais, dans ce cas nulle enquête préliminaire avec perquisitions n’a semblé nécessaire.
 
Dans ces conditions, l’ampleur de cette mobilisation policière au regard de la légèreté des motifs invoqués doit amener à poser quelques questions :
  • La date de la perquisition n’était-elle pas étrangement concomitante avec la présentation du remaniement ministériel ?
  • Un tel déploiement de force n’avait-il pas pour but de manifester l’autorité du pouvoir politique plus que judiciaire ?
  • Le pouvoir cherchait-il à terroriser Jean-Luc Mélenchon et son mouvement politique ?
Sans vouloir apporter de réponse à ces questions, il semble évident qu’il s’agissait d’une opération politique qui remet en question l’indépendance de la justice. La décision d’un tel déploiement de forces de police n’a pu être prise qu’au plus haut niveau. Cette action constitue une nouvelle atteinte aux libertés démocratiques et marque un nouveau pas dans la pratique du pouvoir arbitraire.
 
Elle nécessite donc une solidarité entière de tout le mouvement ouvrier. Il faut se féliciter qu’un grand nombre de prises de position aillent dans ce sens.
  • Déclarations de la part notamment du PS par la voix de son secrétaire national ;
  • Déclaration de Benoît Hamon ;
  • Déclarations de la part aussi du NPA avec Olivier Besancenot et Philippe Poutou ;
  • Déclaration du POI, la rédaction d’Informations Ouvrières ayant publié un long communiqué à ce sujet.
Des déclarations de soutien viennent aussi du monde entier notamment de Pablo Iglesias, leader du mouvement Podemos en Espagne, de Cristina Fernández de Kirchner, présidente de l’Argentine entre 2007 et 2015 et de Rafael Correa, président équatorien de 2007 à 2017.
 
Il faut malheureusement constater que ce soutien n’est pas unanime. Beaucoup mettent en avant les désaccords plus ou moins marqués pour refuser d’afficher leur solidarité. Il faut donc rappeler ce que doit être un soutien inconditionnel. Il ne s’agit nullement de soutenir l’orientation politique de la FI ni même la personnalité de son leader Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit d’afficher notre solidarité face aux mesures arbitraires qu’ils ont subi.
 
Il faut aussi rappeler les circonstances historiques dramatiques qui ont amené à faire du soutien inconditionnel face à la répression, une position de principe du mouvement ouvrier à laquelle il ne faut plus déroger.
 
Ce fut une erreur dramatique de ne pas avoir appliqué ce principe en Allemagne au début des années trente car cela explique en grande partie la montée du nazisme.
 
A cette époque, le PCA (Parti Communiste Allemand) avait en effet une attitude ultra-sectaire à l’égard du SPD (les socialistes). Ils avaient pour cela d’apparentes bonnes raisons puisque le SPD était directement responsable de l'assassinat des grands leaders du mouvement ouvrier qui s’étaient opposés à la 1ère guerre mondiale : Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.
 
On peut dire qu’ils avaient plus de raisons de rejeter le SPD que quiconque en a aujourd'hui pour rejeter Jean-Luc Mélenchon. Et pourtant, ce fut une grave erreur. Le PCA traitait les socialistes du SPD de sociaux-fascistes au moment même où le parti nazi se développait. Les nazis pouvaient faire de l’humour cynique du style : « Ces crétins de savent pas ce qu’est le fascisme. Ils vont le découvrir quand nous serons au pouvoir. Nous les enverrons tous dans des camps de concentration ».
 
Voici une citation exacte de ce qu’ils écrivaient dans leur journal le Nationalsozialist :
 
« Mais ce qui est plus comique et grotesque que toutes les injures est [ ...] l'hommage tout à fait injustifié fait aux sociaux-démocrates désignés comme des fascistes. Présenter la masse petite bourgeoise de la Ilème Internationale, la bande juive, les ennemis mortels du fascisme italien, comme fascistes, il faut pour cela une gymnastique cérébrale peu ordinaire... Mais patience ! Communistes et socialistes, autrement dit marxistes, auront bientôt l'occasion d'apprendre ce que signifie le fascisme. »
 
PCA et SPD étaient incapables de s’unir pour faire face à la montée du nazisme. Ils avaient d’ailleurs chacun leur organisation de combat : le « front de fer » pour le SPD et le « front rouge » pour le PCA.
 
Thaelmann, l’un des leaders du PCA tonnait : « La création du prétendu "Front de fer" social-démocrate [...] est la tentative d'une plus grande activité fasciste. ». Il assimilait donc l’activité du « front de fer » (des socialistes) à une activité fasciste. Il écrivait : « Sans la victoire de notre lutte contre la social-démocratie, nous ne pourrons vaincre le fascisme. ». Il donnait la priorité au combat contre le SPD plutôt qu’à la lutte contre les nazis. Il faisait de la lutte contre le SPD un préalable indispensable.
 
Le bilan de ces erreurs a été tiré. Il faut l’unité pour faire face à l’ennemi quelles que soient les divergences. Quand l’ennemi progresse d’un pas en visant l’une des organisations, il faut passer outre les divergences pour lui barrer tous ensemble le chemin.
 
Il y a bien évidemment d’autres cas où le soutien inconditionnel de tout le mouvement ouvrier et de tous les démocrates devrait s’appliquer, en particulier quand une organisation est à l’évidence victime d’un blacklistage de la presse dominante. Dans ce cas, il devrait y avoir un large front de protestation. Mais l’un des principes du soutien inconditionnel est précisément que ceux qui apportent leur soutien face à un acte arbitraire n’exigent aucune condition de la part des victimes. Il ne faut rien exiger en retour. Il ne s’agit pas de jouer au donnant-donnant. Il faut donner l’exemple et espérer que celui-ci sera suivi.

Lire l'article complet, et les commentaires