Suppression de l’histoire : voici pourquoi tant d’histoires

par Léon Tartafione
jeudi 10 décembre 2009

Risibles sont les cris d’orfraie et la mobilisation de certains intellectuels face à la suppression annoncée de l’enseignement de l’histoire en classe de terminale S : cela fait depuis toujours qu’il n’y a pas d’histoire en terminale technologique ou en terminale bac pro et cela n’a jamais empêché ces belles âmes de dormir.

Evidemment, le ministre Chatel touche avec cette réforme au parcours scolaire de leurs rejetons qui tous, ou presque, investissent la filière d’excellence S pour mieux reproduire par la suite les immuables hiérarchies sociales. On comprend mieux ainsi la vigueur de leurs réactions ! Tant pis si les deux tiers d’une classe d’âge n’ont jamais eu d’histoire en terminale, et pour cause : un tiers des jeunes quitte l’enseignement scolaire avant la terminale et l’autre tiers est orienté vers les filières technologiques et professionnelles. Cet enseignement n’a donc jamais concerné qu’une minorité de jeunes et les professionnels de la protestation y trouvaient-ils à redire ? au-delà du cas de la filière S proposent-ils une généralisation à toutes les classes de l’histoire en terminale ? Nous n’avons rien entendu en ce sens !
Alors, est-ce là l’apocalyptique « fin de l’histoire » comme le titre Libération ? Ou n’est-ce pas plutôt l’occasion de cesser de se raconter des histoires ? Car la réforme voulue par le ministre n’est pas dénuée de sens, qui vise à mieux spécialiser les filières afin d’atténuer la prédominance du bac S sur tous les autres. Et ce d’autant plus que cette prédominance est synonyme de reproduction sociale lorsque l’on sait que l’écrasante majorité des élèves de S est issue des classes aisées et supérieures. Il n’est donc que temps de rééquilibrer les choses en favorisant l’orientation vers le bac L ou vers le bac ES pour un jeune attiré par l’histoire.
Quant au jeune qui, s’orientant tout de même en S s’en verra privé en terminale, il pourra toujours s’il le souhaite bénéficier d’un enseignement facultatif et surtout gageons, si l’on prend en considération que la terminale n’est pas du tout une fin mais un début en S, que durant les longues et prestigieuses années d’études supérieures que cet élève accomplira par la suite, il aura beaucoup plus l’occasion de forger ses humanités que ses camarades d’autres sections. Car c’est là un paradoxe : les belles âmes sont offusquées alors que c’est précisément aux élèves des bacs technologiques et professionnels qui arrêtent leurs études tout de suite ou au maximum deux ans après le bac que l’enseignement d’histoire en terminale semblerait le plus nécessaire ! Si leur indignation était réellement sincère et raisonnée elle ne devrait pas se fixer sur le bac S mais plutôt sur ces oubliés qui, au passage, constituent la majorité de la population, excusez du peu….mais comment espérer de ces intellectuels de penser ce qui se passe de l’autre coté du périphérique qui leur est à certains égards à des années lumières ? Pour la première fois le rapport Descoings avait rappelé l’importance et l’ascenseur social que constitue en France l’enseignement technologique, mais ceci a dû leur passer inaperçu…
Tout ceci n’est en fait que tempête en verre d’eau dans le marais germanopratin, mais gageons que l’efficace mobilisation de ces privilégiés sera entendue du gouvernement, comme d’habitude… « selon que vous serez riches et puissants » ne disait pas La Fontaine ?
 
 

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