Suppression du mot « race » de la Constitution… Enfin !

par Daniel MARTIN
vendredi 29 juin 2018

 

Une première étape et pas des moindres est franchie, lorsque Mercredi 27 Juin 2018 en commission des lois, les Députés ont défendu la suppression du mot « race » dans la Constitution qui est l’organe supérieur du Droit Français.

Les députés ont franchi une première étape dans la modification du texte de la Constitution. Réunis en commission des lois, des élus de tous bords ont défendu ce mercredi la suppression du mot « race », ainsi que l'inclusion du mot « sexe », dans l’article premier de la Constitution. Il serait ainsi libellé : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe, d'origine ou de religion ». La nouvelle version de l'alinéa a été adoptée à main levée, mais cette nouvelle rédaction des premiers mots de la Constitution de 1958 doit encore être avalisée par un vote en séance publique qui est prévu pour le mois de Juillet, lorsque l’ensemble du projet de révision sera débattu. 

Certaines sensibilités politiques et leur population électorale ne manqueront pas de fustiger le Président de la république, prétextant, souvent de mauvaise foi, une situation écologique ou sociale gravissime qui imposerait que l’on y concentre nos efforts, plutôt que de « perdre son temps à des réformes inutiles »… Or que le mot « race » figure ou non dans la Constitution, cela n’aura aucun impact sur la situation écologique et sociale, quoi que l’on fasse, ou non , mais c’est précisément au moment où l’on enregistre une progression fulgurante d’un nationalisme populiste qu’il y a des risques à éviter.

Enfin 16 ans plus loin !

En 2002 le député communiste des Bouches-du-Rhône, Michel VAXES, avait été le premier à lancer, en bonne et due forme, la bataille pour le retrait du mot « race » de l'arsenal législatif français et de la Constitution. À l'époque, sa proposition avait été rejetée par la droite pour des questions juridiques mais aussi au motif que « ce retrait supprimerait l'exigence de la lutte contre le racisme »…Curieux argument !

En mars 2012, le candidat du PS François Hollande persévère et en fait une promesse de campagne. « Il n'y a pas de place dans la République pour la race. Et c'est pourquoi je demanderai au lendemain de la présidentielle au Parlement de supprimer le mot “race” de notre Constitution », avait-il déclaré dans un discours consacré à l'outre-mer. Cela restera lettre morte.

Le mot » race « dans la Constitution implique des risques insoupçonnables de théorisation de « l’inégalité des races » entre supérieures et inférieures.

Dans « Reconstitutionnaliser pour une nouvelle République  » publié en 2010 par EDILIVRE, j’écrivais, notamment : « … Contre l’avis d’éminents scientifiques, concevoir qu’il existe plusieurs races Humaines, en constitutionnalisant la notion de « race », cela implique des risques insoupçonnables en terme de théorisation sur l’inégalité des races, entre les supérieures et les inférieures, telle qu’elle fut développée, avec les effets que cela produisit de sinistre mémoire… Ce mot, ou toute formule qui pourrait être interpréter comme s’y référant, doit être expurgé de toute Constitution. On pourrait s’étonner que ce mot qui n’est inscrit qu’une seule fois dans la Constitution et de façon presque banale soulève autant d’objections, pour lui consacrer un chapitre. Tout simplement parce que ce mot reste lourd de sens et que son maintien pourrait avoir des conséquences que l’on peine à imaginer. Vu la situation sur le plan international et l’arrivée possible au pouvoir de personnalités issues de certaines sensibilités politiques controversées sur des questions aussi sensibles que celle de l’immigration, mieux vaut le supprimer en profitant de la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel... »

Une inscription dans la constitution qui ne date que depuis 1946.

Dans son article 1er, la Constitution actuelle de 1958 déclare :« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Quand la déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789 justifie l’inégalité sur le plan social !!! Mais en aucun cas celle des races.

A noter que la déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789 qui inspire les rédacteurs de la constitution du 27 octobre 1946 dans son préambule, en son article premier il est écrit : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Ainsi nous naissons libres et égaux et nous pouvons être considérés en Droit « supérieurs » ou « inférieurs » les uns par rapport aux autres en fonction de notre utilité sociale, la République justifie ainsi l’inégalité sur le plan social !!! Mais non celle des races. On pourrait ainsi éventuellement suspecter les constituants de 1946 d’avoir transposé une interprétation de texte qui justifie une distinction sociale, fondée sur « « l’utilité commune » en distinction de races, car les unes et les autre n’auraient pas « la même utilité commune »… Ne perdons pas de vue qu’en 1946 (comme en 1958) la société Française est coloniale et pour les responsables politiques, les populations autochtones des colonies (inférieures) n’ont pas la même utilité commune que les populations coloniales (supérieures)…

Faut-il rappeler, par exemple, que la Constitution du 22 Frimaire an VIII (13 décembre 1799) en son Article premier précise seulement que la République française est une et indivisible. Son territoire européen est distribué en départements et arrondissements communaux. Certes, cette constitution qui apparaît comme taillée pour BONAPARTE, bien qu’il n’y ait pas de référence à des droits et des libertés, certains droits y sont toutefois affirmés dans les dispositions générales, comme l'inviolabilité du domicile, la sûreté des personnes et le droit de pétition (art.76, art.83, 84-87)… Mais il n’y aucune référence à la notion de race.

Quelles peuvent être les motivations des rédacteurs de la constitution de 1946 pour avoir inscrit le mot « Race » dans la constitution ?

On peut s’interroger sur les motivations qui ont conduit les rédacteurs des constitutions de 1946 et 1958 à graver le mot race dans le marbre du Droit Français que représente la Constitution, alors que ce concept n’existe pas d’un point de vue scientifique, et n’a aucun justificatif anthropologique

Si l’on considère les premières lignes du préambule de la constitution de 1946, on peut comprendre qu’il ait eu une volonté forte de vouloir dépasser le traumatisme post-Nazisme subit par les populations du aux thèses raciales criminelles qui n’ont cessé de progresser et s’amplifier, notamment, depuis que le comte Arthur DE GOBINEAU édita son Essai sur « l’inégalité des races humaines (1853-1855) ». On rencontre souvent l’expression « grand-père du racisme » en parlant DE GOBINEAU. Le développement de sa thèse qui inspira, entre autre, les dirigeants du régime Hitlérien leur a servi de référence afin de justifier des massacres épouvantables et ainsi de déculpabiliser la race « supérieure » blanche.

En 1946 la France est un empire colonial qu’il faut à la fois tenir sous bonne garde. Mais aussi auquel l’histoire contraint de reconnaître des droits minimum fondamentaux à ses populations, sans pour autant rejeter le concept de « race » … Car la catégorisation, puis la hiérarchisation des groupes humains a servi de justification aux colonisateurs européens pour annexer de nouvelles terres (notion de « races inférieures » chère à DE GOBINEAU). L’expérience de leur rencontre avec des cultures autochtones fut rapportée en métropole de manière particulièrement partiale : les terres colonisées étaient présentées comme remplies de sauvages incultes, inférieurs à tout point de vue au colonisateur qui, bon et généreux, se dévouait pour leur apporter les lumières et les bienfaits de la civilisation… Ces histoires nourrirent les théories racistes et justifièrent les discriminations dont étaient victimes les peuples colonisés. Il s’agit là du racisme colonial.
Le même usage en Allemagne nazie puis ensuite en Europe, sous sa domination, visant cette fois les juifs, tziganes, slaves, qu’il s’agissait d’exterminer pour faire de la place à la « race aryenne dite supérieure ». Autrement dit de l’eugénisme.

La notion de race n'existe pas

Certains chercheurs tentèrent de conférer une valeur scientifique à la notion de race. A l’instar du comte DE GOBINEAU qui dans son « Essai sur l’inégalité des races humaines », où il décrit différentes caractéristiques telles que couleur de la peau, couleur et texture des cheveux, forme et taille du crâne, qu’il met en concordance avec les caractères psychiques, intellectuels, moraux, etc. ces théories conduisent à une hiérarchisation de valeur des races ou groupements humains, certains distinguent plusieurs dizaines voire des centaines de « races » mais tous accordent dans leurs descriptions une place particulière à de grands ensembles en nombre limité, le plus souvent basés sur la pigmentation de la peau.
Le caractère de scientificité de la biométrie, pratique purement descriptive des caractères apparents, n’a guère été reconnu que par ceux qui en étaient convaincus. En revanche cette discipline a largement nourri les discours et politiques racistes. La période du nazisme vit ainsi se multiplier des expositions détaillants des caractères physiques, pour « apprendre » à reconnaître « les races humaines », en particulier les Juifs, mais aussi les Tziganes et bien d’autres. Des populations qui payèrent un très lourd tribut à cette folie raciste des Nazis…

André LANGANEY qui est un généticien, spécialiste de l'évolution et de la génétique des populations, montre que, génétiquement, le concept de race est infondé car il suppose une classification arbitraire des hommes : on peut tout au plus parler de fréquence de certains gènes dans une zone géographique donnée.
L'existence de caractères raciaux génétiquement repérables n'a jamais pu être démontrée scientifiquement. Se fondant sur les travaux des biologistes, il affirme : « qu'il n'y a pas de marqueur génétique de la race » et que les races humaines ne sont donc qu'un concept culturel ». Il a également écrit dans un ouvrage paru en 1992 « Tous parents, tous différents » ( en collaboration avec N. Hubert Van BLIJENBURG et Alicia SANCHEZ-MAZAS, Paris, Muséum national d'histoire naturelle) publié à l'occasion de l'exposition qui s'est tenue au Musée de l'Homme Paris en 1992 : « Au début des recherches en génétique, les scientifiques, qui avaient en tête des classifications raciales héritées du siècle dernier, pensaient qu’ils allaient retrouver des gènes des Jaunes, des Noirs, des Blancs… Et bien, pas du tout, on ne les a pas trouvés. Dans tous les systèmes génétiques humains connus, les répertoires de gènes sont les mêmes. »

Claude LEVI-STRAUSS (1908- 2009) affirmait que si les groupes humains se distinguent, et pour autant qu’ils sont à distinguer  : « c’est uniquement en termes de culture. En effet, c’est uniquement par la culture que les groupes humains ou sociétés se départagent et se différencient ; pas selon la nature que serait la nature biologique. C’est à dire que s’il y a bien lieu de maintenir les distinctions, le phénomène n’est en aucun cas naturel. Il ne relève pas de l’étude de la biologie, mais de l’anthropologie au sens large. Le racisme consiste précisément dans le contraire, soit à faire d’un phénomène culturel, un phénomène prétendument physique, naturel et biologique ».

Les différences morphologiques sont souvent expliquées par des adaptations à l’environnement. Autrement dit, les groupes humains primitifs n’ont pas échappé à la sélection naturelle favorisant, pour un groupe social déterminé, un certain nombre de caractères spécifiques adaptés aux conditions d’environnement propres à une région donnée. Néanmoins, compte-tenu de la durée nécessaire pour acquérir divers caractères physiques sous la pression de la sélection naturelle, les migrations humaines de l’Histoire et de la Préhistoire qui se sont traduites par des déplacements de population, à raison d’une moyenne estimée à quelques dizaines de Kilomètres par génération ont entraîné un brassage génétique important, affectant les peuples de quasiment toutes les régions du globe.

Selon Albert JACQUARD (1925 – 2013) : « pour parler de race, il faudrait qu’un groupe reste isolé un nombre de générations égal au nombre d’individus qu’il comporte ; ainsi, un groupe de 200 personnes devrait rester isolé 4 000 ans (si l’on compte 20 ans par génération) pour devenir une race. Ce chiffre est à comparer aux 20 000 ans qui ont été nécessaire pour séparer Canis lupus, (le loup) des différentes races de Canis familiaris (chiens). Peu de races de chiens sont interfécondes avec les loups ». Et de rajouter  : « Ni la génétique, ni l’anthropologie, ni l’ethnologie, ni l’Anthropomorphie (biométrie), ni les découvertes récentes n’avalisent l’idée de l’existence de races humaines. Parler plutôt de groupe de populations correspond à une réalité scientifique, dans la mesure où l’on retrouve des gènes proches qui eux ont une signification et une pertinence médicale. Il paraît évident que la notion de race humaine sous toutes ses formes, a servi de prétexte à un racisme latent et qu’elle est à l’origine des plus gros crimes qu’ait connu l’humanité !!!! Le concept de race est une idéologie dont les fondements sont arbitraires, discriminants et dont l’objet est de justifier une différence culturelle par une différence physique... »

Le mot « race » expurgé de la constitution c’est reconnaître l’inexistence de cette notion, avec tout ce que cela comporte, notamment, en regard de la xénophobie qu’elle renforce et qui est souvent plus profonde et plus ancienne encore que le racisme. Par ailleurs, accepter sur le plan Constitutionnel le principe d’un concept qui n’existe pas dans le cadre de la biologie c’est aussi dissimuler les mécanismes psychologiques, historiques, politiques qui sont à l’œuvre dans le « racisme ». 

Pour conclure

Déconstruire à partir de la biologie un concept tel que celui de « race » est nécessaire, mais cela n’aura qu’un effet limité sur ses aspects dévastateurs, si grâce à la connaissance et au savoir la culture des individus ne change pas radicalement dans ce domaine. Si on considère également que dans certaines régions du monde, faute d’avoir su anticiper par les mesures qui s’imposaient, les problèmes de surpopulation, les conflits cultuels, aggravés par le dérèglement climatique qui vont conduire à un effondrement rapide des ressources et de la production alimentaire par tête d’habitants entraîneront de fortes migrations vers les pays du Nord, Il y a urgence de bannir le concept de races humaines de notre culture.

 


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