Sur-mortalité, le changement d’heure en cause !

par Desmaretz Gérard
lundi 28 mars 2016

Dans un article paru sous la plume de Benjamin Franklin publié en 1784 dans « Le Journal de Paris », l'Ambassadeur des États-Unis à Paris y écrivait : « que la ville de Paris s'épargnerait une dépense annuelle de 96.075.000 livres tournois, en cire et suif durant les six mois d'été. » Il nous est resté l'expression : faire des économies de bouts de chandelles. On était loin alors d'en envisager vraiment les conséquences.

Il faut attendre 1891 pour qu'une heure légale soit appliquée à l'ensemble du pays. Sachant que la terre accomplit une révolution en 24 heures soit 15° par heure, cela représente entre la ville de Strasbourg et celle de Brest une différence d'une cinquantaine de minutes par rapport à l'heure solaire. L'heure nationale de référence sera donc celle correspondant à la Cathédrale de Strasbourg la plus proche de l'heure solaire. L'heure d'été fut introduite en 1917 et resta en vigueur jusqu'à la Seconde Guerre mondiale durant laquelle on parlait à « l’heure allemande » dans la partie occupée qui présentait une heure de décalage par rapport à la zone libre (ligne de la démarcation). Elle sera abolie à la libération en 1945.

Après le premier choc pétrolier de 1973, le gouvernement réintroduit l'idée d'un changement d'heure. Dans la nuit du 27 au 28 mars 1976, les Français perdaient une heure de sommeil, mais la mesure ne devait être que provisoire. L'engagement, comme beaucoup d'autres, n'a jamais été tenu. L'impact de cette mesure reste symbolique et justifie l'expression d'économies de bouts chandelles.

La Sécurité routière a lancé une alerte motivée, car : « le passage à l'heure d'hiver est traditionnellement marqué par un pic de sur-accidentalité routière des piétons à l'aube (8 heures - 10 heures) et au crépuscule (17 heures - 19 heures). » Rappelons que le changement d'heure a été instauré pour suivre les variations de luminosité. L'heure d'hiver accroît la période d'obscurité aux heures de pointe, heures auxquelles les usagers de la route sont les plus nombreux et les plus fatigués. Selon l'ONISR, le sur-risque ne se réduit pas aux quelques jours suivant ce changement, mais se dissipe progressivement au cours de la période hivernale. En 2012, il a été constaté que 36 % de la mortalité piétonne (174 personnes) est survenue entre novembre et janvier.

Une autre étude émanant de chercheurs américains a établi que le nombre de crises cardiaques fait un bond de 25 % aux États-Unis le lundi suivant le passage à l'heure d'été, ce, par rapport aux autres lundis de l'année. Autre phénomène qui semble accréditer l'impact du changement d'heure sur le système cardiaque, le nombre de crises chute de 21 % le mardi suivant le passage à l'heure d'hiver, c'est à dire après avoir gagné une heure de sommeil dans la nuit du samedi au dimanche précèdent.

Quatre décennies plus tard la question sur la nécessité à maintenir l'heure d'été divise toujours autant. Selon le dernier rapport en date, publié en 2012 par l’Agence pour la maîtrise de l’énergie, l’heure d’été ne faisait gagner que 0,07 % de la consommation d’électricité globale et ce faible gain d’énergie ne cesse de se réduire : « Ceci est lié à l’amélioration continue de la performance des systèmes d’éclairage et à l’ambition croissante des politiques énergétiques ». La loi de Transition énergétique (accord de Paris 2016) est venue ajouter une dimension écologique avec la volonté affichée de consommer en 2050 moitié moins qu’en 2012. Entre 1990 et 2013, la consommation d’électricité en France a progressé de 43 % tandis que celle des hydrocarbures n’a baissé que de 3 %. Autre élément avancé, l'impact sur le changement climatique et sur lequel tous les chercheurs ne sont pas d'accord.

Le changement d'heure a eu une conséquence politique inattendue, après l'implosion de l'URSS, nombre de pays d'Europe centrale ont adopté l'heure de l'Ouest, ce qui entraîne pour la Bulgarie une heure de retard par rapport à ses voisins Grecs et Roumains pourtant situés sur le même fuseau horaire. Cela n'a aucune incidence sur les forces de l'OTAN qui utilisent l'heure Universelle GMT ou Temps universel.

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