Surveillez-moi

par alinea
mardi 21 avril 2015

Surveillez-moi, vous verrez que je jure souvent mais n'injurie pas, que je peste mais n'empeste pas, que j'enrage parce qu'aucun vaccin n'a pu me prémunir ; je suis indocile, insoumise et libre, c'est ce qui fait de moi une femme sans danger.

Ma colère est devenue chagrin et je ne saurais de quel côté me battre d'autant plus que je n'aime guère les luttes perdues d'avance.

Vous ne verriez que mes larmes devant l'herbe violette dans les vignes, l'eau qui n'abrite plus les écrevisses, l'air qui dépose du gras gris sur les vitres, le sol sans vie aucune, le goudron qui fond sous le soleil, le bitume qui serpente comme des reptiles géants qui quadrillent nos territoires, les bâtiments moches et imputrescibles qui s'érigent aux lieux des arbres et des herbes folles, mais pas que.

Liste longue, interminable à tous les étages de la condition humaine.

Aussi longue que celle de tous les citoyens paumés parce qu'exclus et qui se déglinguent à coups d'alcool ou de drogues illicites, parce qu'ils n'ont plus rien à perdre et surtout, rien à gagner.

Aussi longue que celle de tous ceux qui ont été élevés dans une morale, dans une décence et qui souffrent de voir toutes leurs valeurs foulées au pied. Certains s'étiolent, d'autres s'affolent, certains luttent, d'autres se replient dans des lieux isolés parce qu'ils le peuvent.

Mais je pourrai vous donner une liste de certains parmi ceux qui ne menacent pas le déséquilibre actuel et qu'il ne sera pas la peine de surveiller ; tous ceux qui dénoncent, calomnient, diffament, exploitent, arnaquent, bâclent leur travail, jettent leurs ordures dans les fossés, inondent leurs champs de désherbants, de pesticides, d'engrais chimiques, ceux qui tuent, lièvres, sangliers, cerfs biches chevreuils mais aussi couleuvres renards loups blaireaux et qui, ce faisant, s'intègrent parfaitement dans notre nouveau monde. La loi les y incite, la loi les y encourage.Ceux -là sont sans danger pour les transnationales et ne nuisent qu'à ceux qu'il faut surveiller.

Dans un monde où l'argent est roi, tout acte fait en son nom ou par son entremise est acte loué. Aussi, vous pourrez éviter les voyageurs de fin de semaine, les bâtisseurs de murs d'enceinte en blocs de ciments, les consommateurs d'alarmes, les payes de plus de trois mille euros mensuelles, les propriétaires de châteaux, mas, propriétés et, bien entendu, tous les pollueurs au nom du PIB.

Cela réduit considérablement le nombre de suspects potentiels ; le contraire ne nous aurait pas mis dans ce pétrin.

Menacer de surveiller tout ce petit monde peut mettre la puce à l'oreille de quelques-uns pourtant bien dociles ou coopérants ! Ce n'est donc pas vraiment intelligent, dans un monde où la dictature est venue si subrepticement qu'ils sont nombreux encore à croire à la liberté ! Il faut dire que plus on resserre les mailles, moins passent au travers ! Ça serait drôle de voir mon voisin pincé, lui si tellement propre sur lui  !! Bon,ça ne risque pas, anti arabes, anti pauvres, anti assistés, le pauvre, il n'est que le-peniste !! C'est dire s'il est sans danger. Dommage, j'aurais bien ri.

Non, c'est moi, qui suis fichée chez les flics, noircie sur mon casier, qui serai prise le jour où, de désespoir, je crierai : bon sang mais les terroristes ne peuvent pas mieux viser ?

Je comprends aujourd'hui pourquoi des gens traînent chez eux jusqu'à se faire tirer une balle dans le dos ; c'est toute une habitude, la dictature et une habitude, il faut le temps de l'incruster, ou alors que les choses aient été claires, coup d'état militaire, envahissement,etc.

Je ne prends pas les gens qui nous gouvernent pour des êtres intelligents, au contraire, je les prends pour des cons. Des cas pathologiques, et on sait que toute névrose, toute pathologie restreint considérablement le champ de l'esprit. Cependant on comprend bien aussi que ce n'est pas la largesse qui restreint, mais bien l'étroitesse ; c'est logique.

Un être tout imbu de son soi attirera davantage que celui qui, ouvert, n'offrira que peu de sécurité. Ils sont si nombreux à désirer se mettre sous la protection d'un pouvoir, démissionner d'eux-mêmes, s'en remettre aux experts, et aux commandements. Au point que je me demande : qui vont-ils bien pouvoir surveiller ?

J'ai entendu dire que toutes les caméras, et qui me coûtent cher à moi aussi, et qui vous surveillent vous autres citadins, pour votre bien va sans dire, ne sont pas si efficaces que cela ; n'empêche, vous vous y pliez et n'allez pas nuitamment leur tirer une balle en plein cœur avec votre carabine à plombs.

J'ai entendu dire que vous supportez sans trop de malaise, les fouilles et autre sévices sur vos bagages, chaque fois que vous partez en vacances à Ibiza, Malte ou en Thaïlande ; cela n'empêche pas les copilotes fous, ou les détournements ou abattages dont on ne saura jamais rien.

J'ai l'impression que vous vous pliez, volontiers ou non, mais sans que cela fasse surgir un ressort de dignité, à tous les plans vigipirate et toutes les tracasseries. Vous exprimez sans doute que, comme vous êtes charlie, vous ne craignez rien, et si je me rebiffais, moi, je serais tout de suite suspecte.

C'est profond ça, très profond en soi. Et si je dis « vous » pour la première fois c'est que je ne peux pas, avec la meilleure volonté du monde, m'identifier à cette docilité là.

Aussi, je m'étonne de ce paradoxe ; qui comptent-il fliquer ? Les trois péquins qui zadent ? Les deux hurluberlus qui taguent ou râlent ? La poignée de jeunes cons en mal d'héroïsme qui se tapent le voyage en Syrie pour défendre, ils ne savent même pas quoi ?

Ou bien, d'abord ils nous anesthésient, ensuite ils frappent ? C'est trop gentil fallait pas ! Un quoi ? Une petite réticence à se transformer trop ouvertement en république bananière, en pays en voie de développement nous, la Fraaannnce quand même !

Ne croyez pas que je crache sur elle ; je pleure qu'on crache sur elle, sans doute encore une petite nostalgie d'enfance. Le c'était- mieux-avant qui fait de moi une vraie réac.

La question n'est pas d'être nobles au milieu des gueux, ni d'être forts et d'exploser les faibles, ni d'être fiers et pleins d'arrogance, mais le fait est que la grandeur, un tant soit peu, est pleine d'intelligence et que l'intelligence ne s'abaisse pas à ces petits concours là.

La France colonialiste, au fond, c'était bon de la combattre et de la dénoncer ; mais on ne savait pas qu'elle en garderait des séquelles jusqu'au fond de sa déchéance, c'est ce qui la rend ridicule, sûrement. On ne savait pas qu'il adviendrait qu'on la veuille grande, telle qu'on la rêvait, et qu'on la verrait petite avec tous les défauts qu'on blâmait.

Voilà, je suis un danger potentiel pour mon prochain puisque je ne joue pas le jeu et je vous jure que personne ne trouvera rien à redire si on me menotte un beau matin. Comprenez bien que ce « je » est évidemment l'anonyme, celui qui croupira en taule sans défense et passera inaperçu mais on nous dira que grâce à ça, trois attentats ont été évités ! Prouve-le.

La première idée de l'homme malade de peur et d'incompétence est de réprimer, entauler et tuer ; bêtes et hommes ; faire le vide autour de soi et s'y sentir fort ! Quelle bataille, jamais gagnée malgré les dégâts causés. L'espèce humaine dans sa version occidentale, est incapable de s'adapter ; elle mourra, c'est la loi de la nature et tout fanfaron qu'il soit, l'homme n'est pas au dessus des lois de la nature. Cela nous paraît lent, à l'échelle de notre minuscule passage sur la planète ; en réalité c'est très rapide ! Au point qu'on le voit se dérouler sous nos yeux. Et l'on n'y peut rien ; cela aussi c'est la loi de la nature. L'homme n'a pas su s'arrêter, il a développé son cerveau pour survivre mais cet artifice le mènera à sa perte ! Toutes les espèces sont vouées à l'extinction de toutes façons, rien n'est jamais acquis...

Mais tant que nous sommes là, tant que l'on regarde réfléchit et parle, on constate et note tout un tas d'anomalies ! Parce que, d'habitude, toutes les espèces se débrouillent pour survivre et déclinent et disparaissent à cause de changements rapides contre lesquels elles ne peuvent rien. Or c'est l'homme qui provoque ces changements rapides... contre lesquels il ne peut rien ! C'est fort, non ?

Il avait tout pourtant, cet humain, pour s'émerveiller, de la beauté du monde, de sa complexité et de son étrange prégnance ; il avait tout pour s'y mêler, s'y protéger comme font les autres autant qu'ils peuvent, il avait tout pour le chanter, le glorifier, en jouir.

Mais l'homme n'est pas toujours un jouisseur, c'est aussi un carré d'as calculateur.

Et comme il calcule il surveille ; sachez bien, on ne peut surveiller que ce qui est en prison, entre quatre murs même de collège à la récréation, dans les casernes on surveille, et son enfant dans la cuisine, dans son parc à moins que ce ne soit les escaliers, les « dangers » qui soient barricadés ; alors bien sûr, comment voulez-vous que le petit d'homme aborde le monde le cœur ouvert quand tout lui fut fermé, par manque de confiance, pour cause de sécurité.

On surveille en général pour que nos ouailles ne fassent pas de conneries ; je sais bien qu'on veille au grain mais, en général, on veille sur quelqu'un, on reste éveillé pour lui venir en aide si besoin. Or surveiller a pris un tout autre sens ; on ne veille plus ou ne surveille plus quelqu'un pour le protéger de la maladie, d'un voleur, d'un ennemi, mais on le surveille lui, devenu maladie potentielle d'une société, voleur, ennemi ! Cela fait quelques temps déjà que nous sommes des délinquants potentiels et que toutes les lois sont faites en ce sens mais cela commence à bien faire, parce que, même si on se réfère à l'ancien régime, les « dominants » sont sensés veiller sur nous, et pas nous surveiller en veillant sur eux et leur clique ! On ne les paye pas pour ça merde ! Il faudrait peut-être leur rappeler que le boss, c'est nous, le pourvoyeur de fonds, c'est nous et qu'on peut si on veut, changer d'employés !

Car enfin, dans une boîte, l'employeur surveille ses employés et exigent d'eux qu'ils le servent bien, pourquoi, quand il s'agit du peuple, les rôles sont inversés ? On paye des gens qu'on choisit pour s'occuper de nos affaires et ces gens-là se permettent de nous traiter comme des malfrats ? Qui supporterait cela ?

Je me le demande ; qui supporte cela hors les enfants contraints, des enfants dans la crainte, des enfants éteints, des enfants sans étreinte, des enfants bafoués, des enfants fous et maîtrisés.

Aucun adulte ne peut supporter cela.

Dans les écoles, on voit tout ce petit monde, en « miniature » ; il y a ceux qui sont tellement sûrs d'être du bon côté qu'on pourrait coller un flic à chaque étage que ça les ferait jouir. Il y a ceux qui, sans être du bon côté, se sentent la conscience en paix et pensant qu'il existe une justice ne se sentent pas visés, mais trouvent quand même que c'est pas sympa tous ces képis en faction. Et puis un ou peut-être deux, qui se sentent visés et pètent de trouille. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

Les normes, c'est imposer à 95% de la population des contraintes, des investissements et du flicage pour pas un pour cent de négligents ou de malhonnêtes ( les autres, ils passent entre toutes les gouttes !!).

Il y a à peine cinq ans, j'aurais dit, très égoïstement : je m'en fous de tout ça, je suis plus honnête et intègre que la société ! Mais depuis, je sais que l'on peut être poursuivi, violenté, fiché, condamné... même innocent.

Alors je m'émeus et m'étonne, mais déplore qu'une bombe bien placée ne tombe, je m'offusque que ma fratrie soit si docile et m'affole du train du pouvoir sans frein, qui nous dévale dessus, et gicle dans les fossés qui pourra.

Pourtant, cette loi dont on parle tant, ne me touchera pas ; au pire si je sens l'ambiance qui se tend, je ferai l'économie d'internet comme j'ai toujours fait l'économie d'appartenance à ce monde, là où il me blessait. Mais, c'est une ambiance qui s'ajoute à une autre, c'est un possible qui se resserre, s'étrique et je sens proche le jour où je m'en effacerai, il y a tant de richesses, tant d'ouvrage, à ma porte. J'aurai néanmoins ce pincement au cœur de ce possible avorté et cela entraînera tout le chagrin de toutes les beautés saccagées.

Alors, ne faisons rien, encaissons !! Je sais qu'il n'y en a pas un qui ferait comme je ferai : résilier l'abonnement, adieu orange, bouygues free et compagnie... ça aurait de la gueule ; se passer d'internet, tous, le temps qu'ils comprennent.

Mais vous n'y pensez pas....


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