Susceptible Bernard

par Christophe CH
lundi 30 janvier 2023

Pas content, le numéro 1 du Top 50 de Forbes, de devoir souffrir à demeure autre chose que des louanges et des génuflexions devant ses nombreuses et charitables bonnes œuvres rendues à l’humanité tout entière. Ces sac-à-mains que le monde entier s’arrache … Ces fondations ...Ces millions payés rubis sur l’ongle pour Notre Dame … Ces milliers et ces milliers d’emploi permettant à tant et tant de familles françaises de faire mieux que survivre en ces temps de disgrâce … Et puis ce rayonnement que tous nos voisins nous envient, ce fleuron, LVMH, joyau d’entre tous les joyaux brillant au firmament de l’économie française, tout en haut, à la place qui est la sienne, la première …

Cet éclat qui sur nous tous ruisselle et dont tous devrions-nous nous montrer si fiers : comment peut-il en ce bas monde, après tant et tant de preuves d’un incommensurable amour accumulées sur un sentier ­de pétales de roses, se dire et se répéter sur lui tant et tant de vilenies ? Devoir condescendre à se justifier de sa fortune, à un âge aussi avancé, lui qui a tant fait, tant donné, tant réussi, tant mérité, tant fait briller, tellement au-delà de son auguste personne.

Décidément il ne comprend pas, Bernard, il ne comprend plus, il ne veut plus comprendre ce pays qui fut et demeure malgré tout le sien, malgré ses tentations d’abandon, fiscaux, entendons-nous bien, car le cœur a ses raisons que le portefeuille parfois ignore. Protégé par les murailles de sa renommée, Bernard, ses enfants vous le diront, reste et demeure un sensible. Un écorché vif.

« Je constate avec un peu de surprise - encore qu’en France, il ne faut jamais être surpris - que les gens ne connaissent pas bien l’économie, donc on se fait critiquer par des gens qui ne connaissent pas bien le sujet dont ils parlent », s’est-il lancé, ému, lors de la présentation des résultats annuels du groupe, qui a une nouvelle fois battu des records en atteignant 79 milliards d’euros de ventes et 14 milliards de bénéfices net.

Et de poursuivre, après s’être épousseté le revers de sa veste d’un geste délicat.



« Ce groupe magnifique qui a des résultats spectaculaires est aussi un groupe qui a une empreinte économique et sociale pour la France. En 2022, en France, nous avons recruté plus 15 000 personnes, ce qui fait du groupe le premier recruteur de l’Hexagone. Un emploi créé chez LVMH en génère quatre chez nos fournisseurs, ce qui fait que nous entraînons 160 000 personnes qui travaillent indirectement pour LVMH », a-t-il ajouté.

« Le groupe paie 5 milliards d’impôts sur les sociétés par an dans le monde, dont près de la moitié en France alors que près de 90 % de nos productions sont vendues à l’étranger. Pour la France, l’empreinte fiscale totale, c’est-à-dire le cumul impôt sur les sociétés, la TVA et les charges sociales de LVMH, est de plus de 4,5 milliards d’euros par an ».

Applaudissements polis.

Lorsqu’on plane à une hauteur telle qu’il faille tout intenter pour faire fermer le site web suivant à la trace la consommation quotidienne de ses propres jets, il va sans dire que devoir supporter autre narratif que le sien a tout du crime de lèse-majesté. Ce que ce Saint Homme que la planète nous envie ne tolère point, lui dont la saga s’étale de publi-reportages en laudatifs portraits depuis quatre décennies dans les présentoirs des salons 1ère classe des aéroports.

Susceptible, le Bernard. On l’aurait presque vu rougir.

On le sait, qu’au royaume de France, ce cher Bernard bénéficie, dans une certaine opinion, très au-delà des seuls nantis, de fervents supporters, toujours prêts à défendre becs et ongles ces glorieux premiers de cordée du haut du panier auxquels de toute leur âme ils s’identifient, et qu’ils prennent pour modèles de ce qu’ils nomment une « vie réussie ».

Ceux-là, tandis que dans certaines foules on conspuait ces milliardaires triomphants en proposant naïvement de les dissoudre dans l’acide, n’avaient pas de mots assez durs pour conspuer les « jaloux », les « aigris », les « ratés », les « feignants », les « assistés », les « jamais contents » et autres éternels « râleurs » de la rance France.

Bernard le sait, il a « son » public. Et même s’il n’a eu que peu d’occasions de les connaître de près, tant tout ce qui s’approche à quelques mètres de lui depuis le milieu des années quatre-vingt se sent soudain petit, il sait qu’il pourra toujours compter sur eux. Ils sont et seront toujours là, comme ils étaient là fort nombreux lorsqu’il a prononcés cet auto plaidoyer lors de la présentation des résultats du Groupe.

Aucun d’entre eux n’accordera le moindre crédit à l’enquête que constitua Attac sur la première fortune de France. Attac dont les activités, comme le révéla en décembre 2022 le média Politico, firent l’objet d’une cyber-surveillance, par une société privée, Altrnative, spécialisée dans l’espionnage des voix critiques envers les plus grandes marques françaises. Enquête dont nous rappellerons ci-après les principaux enseignement. Sans doute par goût du crime de lèse-majesté.

=> 27%, soient 305 filiales du Groupe LVMH se situent dans des paradis fiscaux, le plus fort taux du CAC 40.
=> Le récent scandale OpenLux (2021) a montré que LVMH possédait 24 filiales au Luxembourg
=> Bernard Arnault a été épinglé dans de nombreux scandales d’évasion fiscale (Paradise Papers - 2017)
=> La Cour des comptes a montré comment Bernard Arnault et LVMH utilisent la fondation Louis Vuitton comme un outil d’optimisation fiscale leur ayant permis d’économiser 518 millions d’euros d’impôts en France.
=> Début 2021, le scandale OpenLux a révélé que Bernard Arnault possède 31 sociétés au Luxembourg (en plus des 24 filiales de LVMH dans ce paradis fiscal). Sur les trente et une holdings identifiées par Le Monde, à peine trois ont une activité identifiable. Quelques 634 millions d’euros de participations ne sont pas traçables à partir des comptes de ses sociétés.


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