Symptômes de la fin du Récit

par Elric Menescire
samedi 2 avril 2022

"Dans une société bien huilée , on ne dit pas ce que l'on sait , on dit ce qui est utile au pouvoir"

-Chomsky, "Autopsie des terrorismes"

 

Le Grand Récit

Macron se fit élire en 2017 sur un récit : la disruption, la fin du bipartisanisme hérité de la 5ème, la fin des grands clivages, le rassemblement des ennemis de l'ancien monde sous une nouvelle bannière, et l'arrivée de la société civile en politique.

Cette fameuse "disruption" ne conquit pas la majorité des Français à l'époque, et c'est déjà la première entorse au récit qui nous en est fait depuis 5 ans, par le fringant président lui-même d'ailleurs. "Les français m'ont élu pour que je modernise ce pays, et je ne flancherai pas", osera-t-il même dire un jour. "Je me suis engagé pour une Europe qui protège. C'est pour elle que les Françaises et Français m'ont élu le 7 mai dernier" affirma-t-il encore, l'air candide.

Rien n'est plus faux : plus de la moitié des votants du second tour mirent un bulletin à son effigie dans l'urne, non pas par conviction, mais pour faire le castor. En fait ce sont juste 43.6% des électeurs qui ont voté pour lui au second tour, dont les trois quart contraints / forcés "moralement", par un battage médiatique sans précédent. Il faut se référer au vote du premier tour pour connaitre le socle réel du candidat des ultrariches, et il est sans appel : 24.01% des suffrages exprimés, alors que pratiquement personne ne le connaissait moins d'un an auparavant. Et avec une abstention de 22,23%. Ce qui est fort différent de la situation actuelle, après le quinquennat que nous venons de traverser.

En gros, celui qui fut cense étre "choisi par les Français" ne le fut que par moins d'un sur cinq, très exactement 18.19% des inscrits.

Une fois ces faits (r)établis, il faut obligatoirement se poser la question de ce que cela implique : la légitimité.

Et, pour asseoir cette dernière, le récit qui va avec. Car seul un récit structuré et cohérent permet de faire tenir à peu près debout un édifice aussi mal bâti..

 

Récit et légitimité

Et à la vue de ces chiffres on peut, on doit se poser la question, : combien, parmi ces 24%, voteront encore pour lui le 10 avril prochain ?

Car cet individu, après cinq ans d'un quinquennat ahurrissant -et sur un bilan tellement extraordinaire qu'il fuit tout débat électoral face à ses adversaires, ce qui permettrait aux français d'en juger - est-il encore perçu à ce stade comme apte à "faire barrage contre les extrêmes" par une majorité des français, alors qu'il fait désormais, lui aussi, factuellement, partie de ces fameux extrêmes ?

Doit-on refaire l'histoire permettant de le démontrer ?

Comment cet individu pourrait donc prétendre "être un rempart contre les extrêmes", lui qui a écrasé si brutalement la révolte des gilets jaunes, à tel point qu'il s'est fait rappeler à l'ordre par Amnesty International, le Conseil de l'Europe et même, fait inédit dans notre histoire, l'ONU (!) sur les pratiques de sa police, sur la dérive autoritaire et sécuritaire de la France sous son impulsion, mais aussi qui a démontré qu'il ne prenait pas plus à coeur les intérêts vitaux du pays qu'il est censé défendre, que cela soit en bradant Alstom aux Américains, ou en suivant aveuglément l'Otan dans la déstabilisation Ukrainienne, ou même en actant désormais que les français devront se passer de gaz russe, sans proposer aucune solution de rechange autre que de se les geler en hiver prochain ? 

Les français doivent-ils se résoudre à s'appauvrir de plus en plus, pris en étau entre une inflation galopante et un gel des salaires soutenu bec et ongles par la macronie, sans aucune autre perspective que celle de revoter pour celui qui les a, en grande majorité insultés et brutalisés ces cinq dernières années, et qui s'est comporté comme un véritable autocrate ?

Mais de toutes ces questions, cruciales pour l'avenir des français, macron et ceux qui le suivent (ou qui y pensent, et qui sont de plus en plus nombreux dans le petit personnel politique de l'ancien monde), personne n'en a vraiment cure.

Il s'agit de maintenir coûte que coûte le récit, la narrative, la construction langagière d'une success story que rien ne semble pouvoir arrêter.

 

En marche, ou la fuite en avant

Et ils sont nombreux, les amis du pouvoir, les "journalistes" des médias possédés par une poignée d'oligar pardon de milliardaires, à entretenir la narrative, le récit qu'il n'y aurait finalement aucun autre choix de valable. Depuis plus de six mois les sondages ne sont jamais descendus en dessous de 25% pour le candidat des ultra riches. Première anomalie, vu le socle électoral du bonhomme (n'oubliez pas : 18,19%), et nous y reviendrons.

Seconde anomalie : le chef de guerre était trop occupé à "essayer de raisonner Poutine, et d'empêcher la guerre", pour daigner se présenter à sa succession, jusqu'à la veille de l'extrême date limite pour le faire. Sans parler de la méthode : une simple "lettre aux français", pas même un discours, alors que nous étions abreuvés, depuis plus de deux ans de crise sanitaire, par ses monologues incessants (9 discours en 21 mois de pandémie), la mine toujours confite et contrite, l'air grave et mesuré, genre Cours Florent, le talent en moins, le bronzage en plus..

Ensuite, le refus de débattre : lui, le petit prodige courageux et téméraire, n'hésitant pas à descendre dans l'arène face à ses adversaires, se révèle n'être en fait que ce qu'il a démontré depuis cinq ans. Un pleutre, se cachant derrière ses mauvaises mises en scène de chef de guerre, infichu d'oser aller débattre face à un Mélenchon ou mieux, face à un Poutou qui le mettrait en pièces sur son bilan social et environnemental désastreux. Alors son entourage révèle une fois de plus ce qu'il est vraiment : un méprisant de la république, car "les autres candidats ne seraient pas au niveau". Au niveau de quoi, on se le demande ? Au niveau de ses reniements, de ses 36 éborgnés, de sa suppression de l'ISF ? Ou plutôt au niveau de ses promesses trahies en nombre (Convention Citoyenne pour le Climat, cahiers de doléances, revalorisation du métier de soignant, sauvetage d'un hôpital Public qu'il a continué de détruire en pleine pandémie, etc etc. ?)

Le seul "niveau" qui vaille avec cet individu, c'est le niveau de mépris qu'il a pour le peuple qu'il est censé gouverner.

Et le hic, c'est que le peuple en question s'en est très bien rendu compte : il n'adhère plus au récit.

C'est un énorme problème, parce que souvenez vous, dans une authentique démocratie, le consensus est obtenu en adhérant au récit. Il empêche juste le règlement des conflits par la violence, en emportant l'adhésion de la majorité.

Sinon, c'est la guerre, car c'est la seule possibilité qui reste pour le peuple, de continuer à agir sur son existence, et de ne pas la subir en permanence. Demandez donc aux Ukrainiens ce qu'ils en pensent..

C'est la continuation de la politique par d'autres moyens.

 

Vérité subjective versus croyance objective

Qu'est-ce qui nous permet donc d'affirmer aussi distinctivement que le récit ne fonctionne plus, et que la majorité n'y adhère plus ? Il y a d'abord ce sondage ahurissant, qui semblé surprendre tous les macronolâtres qui pullulent dans les rédactions et sur les plateaux télés : plus de la moitié des français "convaincus par au moins une des thèses de la Russie sur l'origine du conflit". Remarquez le mot "thèses", subrepticement glissé là par ces journaleux, et qui révèlent instantanément leur "neutralité" à géométrie variable. Si c'est une "thèse", c'est que c'est forcément complotiste. On dit toujours "thèses complotistes", car une thèse, par essence, doit se vérifier...

Ca commence bien, mais on va dire que nous sommes habitués. 52% des français estiment donc qu'on ne leur dit pas toute la vérité sur les origines de ce qui se passe en Ukraine ? Ben mince, ça ne marche plus trop, le récit qui en est fait nuit et jour sur toutes les ondes, par un seul et même camp, celui du Bien et de la Vérité -vu que l'autre vérité a été tout simplement interdite, censurée en quelques jours, fait inédit dans l''histoire de nos soit disant "démocraties" où la "liberté d'expression est totale"... ? Alors poursuivons, avec un petit mode d'emploi à l'usage des cerveaux endormis par des années de lessivage intensif.

Comment distinguer donc, qu'on nous embobine ?

C'est une question cruciale.

Car d'un côté il y a la croyance, forcément subjective (les fameuse "thèses"). Et de l'autre, il y a ce qu'on peut observer.

Et qui confirmera, souvent de façon très diffuse et imparfaite, que nous avons affaire à un récit -c'est çà dire une altération de la vérité.

Comme le dit si bien Viktor Dedaj dans cet article fondamental que je vous invite tous et toutes à parcourir, et qui m'a grandement inspiré (rendons à César ce qui lui appartient !) il est quasiment impossible de savoir à 100% quand un média nous embobine. A moins d'être sur place en effet, comment être factuellement sûr et certain que le récit qui nous est fait de la guerre en Ukraine ne serait pas un montage de toutes pièces, ou, plus prosaïquement, une altération continue des faits ? Notez que ceci est valable pour toutes les parties en cause. .. Comment affirmer avec certitude que ce sont les Ukrainiens ou les Russes qui disent la vérité, quand par exemple les premiers affirment que les seconds tuent masse de civils dans des bombardements aveugles ?

Nous ne le pouvons tout simplement pas... c'est ici qu'entre en jeu la croyance.

Nous choisissons de croire plutôt tel récit que tel autre, en nous basant sur le peu d'informations que nous pouvons glaner ici et là.

Soyons honnêtes : comme le dit si bien Dedaj, ceci revient à affirmer que "nous sommes informés parce que nous regardons les médias", un peu comme si nous disions "je me nourris parce que je mange". Quand bien même nous n'ingurgiterions que du Mac Donalds à chaque repas...

Mais pour être bien informés, tout ceci ne suffit pas. Nous pouvons, nous devons même, dépasser le stade de la croyance pour essayer de déceler les failles dans le récit.

Et elles sont principalement de deux ordres, pour simplifier le propos de Dedaj.

 

Ruptures narratives

La rupture narrative, pour faire simple, c'est ce qui nous permettra à coup sûr de déceler qu'on ne nous dit pas toute la vérité, et que très souvent, il y a anguille sous roche. Il s'agit tout simplement d'un changement brutal de ligne éditoriale, un changement de récit d'un jour sur l'autre, un oubli d'une info répétée en boucle les jours précédents...

Nos "journalistes" sont spécialistes de ce genre de chose. Quel média ou journaliste parle encore des soldats héroïques de l'île aux serpents, qui s'étaient sacrifiés face aux Russes, en refusant de se rendre ? Ce récit est d'autant plus intéressant que dans ce cas précis, une semaine après que cet évènement (qui n'en était pas un) a été démenti et débunké, nous avons pu avoir accès à la vérité : Zelenski et les journalistes occidentaux ont propagé des mensonges, appelons un chat un chat. D'autant plus qu'il y a trois jours, le "héros" qui avait crié aux russes à la radio "Soldats Russes, allez vous faire foutre !" est juste rentré chez lui. Dans l'indifférence quasi générale : j'ai eu beau chercher, cette info n'est passée que sur quelques chaines, n'a pas été reprise en boucle comme l'affaire initiale, surtout pas aux heures de grande écoute, et bien sûr n'a suscité aucune excuse de quelque manière que ce soit de la part des "journalistes" ayant propagé ce fake. 

Il s'agit d'une authentique rupture narrative, mais -et c'est assez rare pour le souligner- elle a été débunkée.

Citons-en quelques autres, qui a ce jour n'ont été ni démenties ni confirmées. Elles sont juste là en boucle durant un ou deux jours, et puis les jours suivants on passe à autre chose, en faisant comme si de rien n'était. Ce fait est fondamental : on fait comme si c'était normal, alors que ça ne l'est absolument pas, surtout au vu de l'importance des soi-disant informations diffusées en boucle.

Quelques exemples donc : le bombardement du théatre de Marioupol rempli d'enfants et qui aurait fait 300 morts il y a deux semaines, et qui n'en a fait en fait aucun comme on l'apprend fortuitement quelques jours plus tard, et on fait comme si de rien n'était, on passe à autre chose.

L'attaque "de la plus grande centrale nucléaire d'Europe par l'armée Russe", une "menace pour le monde". Notez qu'auparavant on avait eu la même avec celle de tchernobyl.

Là aussi, dans ces deux cas, et malgré d'évidentes contradictions (ce qui constitue également un exemple de comportement atypique), on est passé dans les jours suivants très rapidement à autre chose. Pratiquement plus rien après le 6 mars, alors que le 4 mars c'était un déluge d'articles et de reportages alarmistes. Comme si tout simplement ces faits n'existaient plus. Constatez par vous-même en vérifiant cette recherche Google.

Les ruptures narratives existent depuis que les médias existent : songez aux fameux "chars soviétiques qui défileraient sur les champs élysées" en cas de victoire de Mitterrand en 1981...on les attend toujours, mais on est très rapidement passé à autre chose une fois l'évènement passé, et les chars soviétiques absents.

 

Comportements atypiques

Les comportements atypiques, ici comme ailleurs, consistent en des faits qui défient la logique la plus élémentaire, ou qui contredisent aux principes mêmes dont les journalistes se parent l'instant d'avant.

N'importe quel "journaliste" français serait prêt à mettre en jeu la vie de sa mère et de ses enfants pour vous certifier qu'il est un ardent défenseur de la liberté d'expression.

Cela ne l'empêchera pas de fermer sa grande bouche lorsque celle-ci sera foulée aux pieds de la manière la plus flagrante, comme pour l'interdiction de RT et SPoutnik, mais de nombreux autres exemples pullulent, dans notre beau pays démocratique. C'est ce q'uon appelle un comportement atypique : illogique, qui contredit les thèses mêmes de ceux qui les avancent. Et, quand on le leur fait remarquer, ils feignent de l'ignorer. C'est un indice crucial.

Un autre exemple : le bombardement des centrales nucléaires ukrainiennes par l'armée Russe, bombardemet qui "menaçait le monde", comme nous en avons parlé toput à l'heure. 

Comme l'on très bien fait remarquer certains experts, pourquoi l'armée Russe, qui dispose de très nombreuses unités dans la région autour de ces centrales, voudrait les détruire, au risque d'irradier ses propres troupes et le pays que par ailleurs, elle voudrait conquérir ? Si on y réfléchit quelques secondes cela n'a aucune logique. Alors oui, de nombreux commentateurs affirment également que "le maître du Kremlin" serait "malade ou fou". Ou plutôt ont affirmé, car il s'agit ici aussi en même temps d'une rupture narrative : on a assisté à un déluge d'articles et de reportages de ce type.

"Poutine souffrirait d'un trouble cérébral en raison d'un traitement contre le cancer, selon des espions" affirmaient ainsi il y a deux semaines plusieurs médias ayant pignon sur rue. Au-delà du fait que ces affirmations, non sourcées, semblaient grotesques à quiconque aurait un tant soit peu analysé, écouté, réfléchi à ce qui se passe dans le Donbass depuis 8 ans, il est frappant de constater que cette narrative s'est éteinte d'elle-même quelques jours plus tard, là aussi très rapidement et subrepticement. On est passé à autre chose.

On peut trouver énormément d'exemples de ces comportements atypiques, surtout chez les journalistes mainstream.

Ils constituent même, osons l'affirmer, leur marque de fabrique : ils ont tous en commun le fait de faire l'objet d'un non-dit, de n'être jamais reconnus comme tels, d'être partagés comme tels par l'ensemble de la profession, au risque que les récalcitrants se voient remerciés sans autre forme de procès. Pensez aux licenciements d'Aude Lancelin, de Daniel Mermet, de Daniel Schneidermann, et de tant, tant d'autres qui osèrent, à un moment ou un autre, l'ouvrir. Ils furent remerciés sans autre forme de procès.

Et si d'aventure vous faites remarquer au journaliste qu'il s'est planté, qu'il vous a bourré le mou durant de longues semaines, et que du jour au lendemain il passe à autre chose, ou que cela défie toute logique...il vous affirmera, la main sur le coeur, que "là c'est pas pareil".

J'en avais déjà parlé dans la différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et tous les autres, yéménites compris. Ou de la différence de traitement entre la défense de la démocratie en Ukraine, et la défense de la démocratie en Irak (ou en Syrie, ou en Libye, ou au Yémen, etc. etc.)

"Mais là, c'est pas pareil". Cela défie toute logique, mais c'est juste pas pareil, ça n'a rien à voir.

Sacré camp du Bien, n'est-ce pas ?

 

Inflexions sondagières et prémisses électorales

Alors on s'en doute bien, ces tombereaux de désinformation, de manipulations, de coups fourrés et, osons le dire, d'endoctrinement, n'ont qu'un seul but : que la majorité adhère et continue d'adhérer au récit.

Le récit, c'est ce qui maintient en place ce qui autrement est épars.

Et aujourd'hui, il tient encore, tant bien que mal, ce bon vieux récit. Il maintient l'apparence des choses, histoire que tout ça tienne debout, et que les gens ne descendent pas dans la rue en lasse pour demander des comptes. Pour combien de temps ? Là est la question.

"Si la population comprenait le système bancaire, je crois qu'il y aurait une révolution avant demain matin" disait ce bon vieil Henry Ford. Et il savait de quoi il parlait, lui qui avait largement subventionné le petit nazi à moustache, dont il admirait tellement la vision et les idées (à moins que ce ne soit l'inverse  ?) qu'il en avait même un portrait officel dans son bureau..

Le récit est donc fondamental pour le pouvoir, et encore plus pour les macronistes honnis et leurs séides serviles, qui ont beau jeu d'affirmer qu'ils sont légitimes, et qui sans cesse pour ce faire essayent de faire croire aux français qu'ils sont au dessus de la mêlée. Mais tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle leur reviendra en pleine figure, c'est évident.

Car un récit, aussi bien ficelé soit-il, ne peut pas tout. Il arrive un moment où on atteint le point de rupture.

Et nous y sommes : pas un jour ne se passe sans que la détestation dont le méprisant de la République fait l'objet ne soit démontrée : il ne sort plus dehors sans une armée de CRS et de gardes du corps. Et, quand il le fait, c'est pour aller "débattre avec les français" dans une parodie de meeting, une réunion bidonnée où tous les participants sont des adhérents LREM triés sur le volet, et où toutes les questions du public sont prévues, et connues à l'avance par le principal intéressé. On a vu mieux comme "débat" , et le fait que ce soit une grosse radio de service public qui révèle la supercherie devrait alarmer l'entourage de celui qui se voit reconduit sans efforts le 24 avril prochain .

Mais il y a mieux : la web-série qui devait appuyer la campagne du président , intitulée "Le candidat", et qui le met en scène soit avec un jogger, rencontré "fortuitement" sur les quais de Seine, soit avec des gamines énamourées et "honorées", est un véritable bide intersidéral. 70 000 vues pour l'avant dernier épisode, 24 000 pour le dernier... plus on avance, et plus ça baisse, là où la moindre vidéo de Mélenchon atteint sans forcer le demi million de vues en quelques jours, on comprend bien que le candidat qui "n'est pas au niveau" ne se situe pas là où on le croit... 

Là aussi, pas d'inquiétude visible de la part du camp macroniste : il continue de nous faire son cinéma, comme si de rien n'était. La preuve : en guise de programme, il annonce qu'il va brutaliser les français davantage s'il est réélu, en augmentant l'âge de départ à la retraite, en promettant du travail payé en dessous du smic, et en lorgnant de plus en plus vers la sécurité sociale, promettant de s'attaquer à l'assurance chômage, l'assurance-maladie et à tout ce qui reste... Sincèrement, a-t-on déjà vu candidat si sûr de lui lors d'une campagne présidentielle, qu'il ne se cache même plus derrière de fausses promesses, et arrive en disant cash : " je vais vous plumer " ?

Et cela prouve qu'il est certain de son coup : il sera au second tour avec l'épouvantail utile, j'ai nommé Marine "je-ne-suis-plus-d'extrême-droite" Le Pen. Donc il sera réélu, car les castors seront appelés encore à la rescousse.

Sûr et certain d'enfermer une fois de plus l'immense majorité des Français, qui le déteste, dans un choix contraint, dans un réflexe barragiste inéluctable, macron prépare le pays au pire, convaincu de son invincibilité, tel un startupper bourré de coke allant lever des fonds à un congrès du MEDEF.

Encore un pari (très) risqué... 

 

La possibilité d'une île

Car Macron aime les paris, c'est un fait.

Il a déjà parié avec la santé des français, et a eu beaucoup de chance, il s'en est tiré quelques fois avouons-le.

Mais réussira-t-il celui-ci ? Arrivé à ce point du récit, il est permis d'en douter.

Car aujourd'hui c'est trois options, pas une de plus, qui s'offrent au pays.

Et deux sur trois signifient la ruine, la guerre civile, voire les deux à la fois, à brève échéance, pour la France. Pari gagnant ou pas.

Soit la majorité adhère une fois de plus au récit, fait barrage, et retourne sagement devant Netflix durant 5 ans, pour se retrouver à poil au bout de deux, et dans la rue à se faire éborgner dans quelques mois. Sans aucune garantie de succès : ce sera la ruine du pays, l'appauvrissement généralisé, la tiers-mondisation de la classe moyenne, à travers la privatisation des Services Publics, de l'Hôpital, de la Santé...sous un déluge de lacrymos, de lois sécuritaires, et, sans aucun doute comme le prédisent certains, un virage autoritaire de plus en plus marqué. 

Dans ce scénario numéro 1, c'est macron qui va se maintenir à tout prix au pouvoir, lui et sa clique, lui et sa caste. Et il se peut très bien que nous vivions les derniers instants de tranquilité de ce pays pour longtemps si ce scénario se réalise.

L'option numéro deux est à peine moins enviable : l'accession au trône de l'extrême-droite, qui va taper sur les boucs-émissaires habituels, mais qui n'arrivera pas, c'est un fait, à changer quoi que ce soit à la situation, et pour cause : elle fera une politique de droite classique, le racisme en plus, et donc ne s'attaquera pas aux causes du malheur de 95 % des français. Citons, au hasard, le pouvoir d'achat en berne, l'inflation, le chômage de masse, la destruction des Services Publics... Malgré ses inflexions sociales récentes, il suffit d'aller jeter un oeil au bilan du RN au Parlement Européen pour s'en rendre compte : ces gens mentent quand ils affirment, la main sur le coeur, qu'ils se préoccuperont du bien-être des français qui galèrent aujourd'hui, et sont inquiets pour demain.

Le FN/RN de Marine est un allié objectif des riches et des puissants, et il ment aux Français.

Que ce soit sur les accords de libre échange (vote : POUR), sur les délocalisations (vote : POUR), sur la levée du secret des affaires (vote : CONTRE), le renforcement du pouvoir des salariés et des syndicats face aux licenciements boursiers (vote : CONTRE), ou même le droit des femmes et l'égalité au travail (vote : CONTRE) le bilan du FN/RN est sans appel : travailleurs, classe moyenne, français de tous bords qui cherchez juste à vivre honnêtement votre vie et à gagner votre pain dans la dignité, cette candidate est votre ennemie de classe. Vous scierez la branche sur laquelle vous êtes assis si vous la portez au pouvoir, mais en êtes-vous conscients ? Il serait temps de se réveiller.

Alors bien sûr, tout le monde attendra la troisième option pour me tomber dessus : je vous rassure, je ne vous mentirai pas en vous affirmant comme Cahuzac, les yeux dans les yeux que ce serait le paradis sur terre, que des ruisseaux de lait et de miel couleraient immédiatement dans vos bouches et que tous vos problèmes s'envoleraient au soir du 24 avril, si vous votiez pour le seul programme qui se soucie un minimum de la classe moyenne, et des plus pauvres (qui sont quand même environ 10 millions aujourd'hui dans ce pays), et aussi, bien sûr, ne l'oublions pas, de ce qui nous tuera tous dans quinze vingt ans grand maximum si nous continuons à faire les autruches. Je parle là du dérèglement climatique qui nous pend au nez, et qui, dès 2030, nous imposera des choix existentiels, quand les mers et océans monteront de plus d'un mètre, submergeant plus de 150 villes côtières majeures et obligeant de fait des centaines de millions de réfugiés climatiques à venir voir par ici si on arrive mieux à respirer...

Il s'agit ici de l'indispensable transition écologique, et je dois vous avouer malgré moi que je n'y crois plus guère. Je pense qu'à moins de changer totalement de logiciel (ce qui implique une décroissance qui mettra au tapis nos sociétés modernes), nous allons droit dans le mur. Mais nous avons un programme porté par un candidat certes controversé, et même passablement énervant sur certains aspects de sa personnalité, reconnaissons-le. Mais il s'agit d'un programme, pas d'un seul homme, et il est cohérent, car il prend la mesure de ce qui nous attend, et il est porté par un parlement populaire représentatif de la société civile française, pas par une poignée de milliardaires ou d'élus déconnectés des réalités de 99% des français... 

Alors que Macron et ses amis sont dans le déni le plus absolu, pensant que le business as usual sera encore là dans 1000 ans, et que l'extrême-droite se camoufle derrière les boucs-émissaires habituels, nous avons une série d'orientations qui affirment par-dessus tout que la priorité, ça n'est ni le business à tout prix, ni la haine et le mensonge à tout prix, mais bien l'harmonie entre les êtres humains et la nature.

Alors oui, au-delà des slogans qu'on peut trouver réducteurs -car c'est toujours ce qu'ils sont-, il est quand même un fait indéniable : cette troisième option est la plus enviable. Celle d'affirmer qu'un autre monde est possible, et qu'il passe en premier lieu par le partage des richesses. La prise en compte de tous les êtres vivants. La remise en question de notre emprise sur cette nature qui est en train de crever, à cause de nous.

Je n'affirme pas que c'est le top du top, et que tous les problèmes se règleront d'ici quelques mois, ou quelques années. Car cela secouera sec, très sec, dans ce cas aussi : Frédéric Lordon avait remarquablement bien décrit ce qui se passerait si d'aventure, un candidat authentiquement progressiste comme Mélenchon gagnait la présidentielle. Les forces du capital financier se déchaineraient très rapidement contre le président élu, en attaquant les taux d'intérêt Français en bourse, en attaquant et dégradant la dette française, en mettant à genoux la politique économique de Mélenchon en deux temps trois mouvements. Sans parler de l'hostilité médiatique... Il y aurait un risque très fort de Tsipras bis, version française...

Mais est-ce inéluctable ?

Certainement pas : si la Gauche, la vraie, gagnait, il faudrait que le Peuple qui l'a portée au pouvoir éteigne Netflix, sorte le cul de son canapé, et descende dans la rue pour soutenir, exiger, revendiquer une réelle politique de Gauche, sociale, écologique et solidaire. C'est ce qui devrait se passer pour éviter un scénario à la Grecque ou pire.

Il faudrait un soutien populaire massif dans la rue, à l'image de ce qui s'est passé dans d'autres pays, lorsque ceux-ci furent attaqués par les impérialistes, et menacés de coup d'état comme le Chili d'Allende. Seule une mobilisation populaire massive, d'un peuple qui sait ce qu'il veut, et surtout ce dont il ne veut plus, serait à même de changer l'avenir de ce pays, et d'apporter le soutien indispensable au gouvernement légitimement élu. Légitimement, avec la majorité des voix, en pleine conscience. Pas avec 18% du corps électoral. 

Les français y sont-ils prêts ?

L'avenir nous le dira. 

Mais ce qui est sûr, c'est que dans tous les cas de figure, la situation ne sera plus jamais normale, que la majorité des français fasse la tortue dans son canapé, ou non.


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