Syrie : les grands projets de Washington à l’Est de l’Euphrate

par Patrice Bravo
jeudi 7 novembre 2019

La Maison blanche a ouvertement annoncé ses projets concernant la Syrie. Des révélations ont d'abord été faites par le vice-président américain Mike Pence : "Les Etats-Unis utiliseront la "force destructrice" contre toute tentative d'empêcher notre contrôle sur les champs pétroliers syriens – que ce soit Daech, le gouvernement syrien ou les forces prorusses."

Suivi par le chef du Pentagone : "Tout le monde doit comprendre que seulement les Forces démocratiques syriennes (FDS) alliées aux Etats-Unis peuvent recevoir les revenus de ces matières premières pour garder les prisons avec des terroristes, leur armement et nous aider dans la lutte contre Daech. C'est pourquoi notre but consiste à garantir la sécurité des gisements pétroliers."

Le locataire de la Maison blanche n'a pas été apprécié par l'élite financière américaine dirigeante, qui veut expulser Donald Trump du Capitole par tous les moyens. Mais n'y parvient pas : la ligne économique de l'administration est pratiquement irréprochable. La politique étrangère pourrait devenir un point faible. Notamment au Moyen-Orient, plus exactement en Syrie. C'est l'incohérence des actions qui est reprochée au président : sa main droite ne saurait pas ce que fait la gauche... En réalité, c'est tout le contraire.

Le Pentagone a dépensé plusieurs centaines de millions de dollars pour créer une armée de Kurdes syriens de 40.000 hommes, l'a utilisée pour éliminer Daech au Nord-Est de la Syrie. Washington savait dès le départ que la fourniture d'armes et du matériel aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes, qui constituent la base des formations des FDS, susciterait la colère d'Ankara. Mais en même temps, les Etats-Unis étaient convaincus, et à raison, que la Turquie était et resterait un membre et un allié loyal de l'Otan, en dépit d'une rhétorique américaine parfois dure de Recep Erdogan.

En ce qui concerne les Kurdes, Washington les considère également comme une éventuelle menace potentielle pour la sécurité d'Ankara. Sous leur forme actuelle : organisés, très motivés et bien armés. Mais en cinq ans, le Pentagone avait considérablement "engraissé" les Kurdes, alors que les émissaires américains ont significativement inculqué au sein de leur société l'idée d'obtention de l'indépendance nationale de l'Etat syrien.

Il est tout à fait naturel que les Américains aient besoin de préserver leur alliance avec les Kurdes syriens et à la fois contenter les Turcs. En décembre 2018, le Pentagone a annoncé son retrait du Nord de la Syrie, en donnant ainsi le feu vert à la Turquie pour mener une opération militaire contre les Kurdes syriens. En continuant de les armer malgré les protestations féroces d'Ankara.

Pendant presqu'un an le Pentagone évacuait ses militaires du Nord de la Syrie, en laissant l'opportunité à leurs alliés kurdes de procéder au retrait discret et planifié du matériel en service au sein des FDS. Ils ont construit et installé loin de la frontière turque des entrepôts pour un immense arsenal de munitions et de matériel militaire. Sur un territoire riche en hydrocarbures, en eau et cultivable.

Seulement deux jours après l'annonce par les Etats-Unis de la fin du retrait des soldats américains de Syrie, ils seront revenus dans ce pays.

En connaissant l'impertinence des Américains, peu croiront à leur intention de poursuivre la lutte contre Daech ou de garantir la protection des prisons avec des terroristes… Le principal objectif consiste à maintenir et à renforcer l'infrastructure militaire des Kurdes syriens, à empêcher le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays et de sa souveraineté. Mais aussi à devenir un puissant contrepoids à la Russie en Syrie et dans la région. Et même l'Iran passe au second plan dans cette situation.

Donald Trump sait compter l'argent. C'est un homme d'affaires jusqu'à la moelle, il s'indignait vraiment de la somme astronomique du budget américain dépensée pour la présence militaire américaine au Moyen-Orient. Sans résultats escomptés. Mais, contrairement à d'autres pays de la région, la Syrie dispose de sources de pétrole et de gaz naturel, dont les ventes peuvent et doivent entretenir les militaires américains et leurs alliés. Le territoire afférent aux champs pétroliers peut être transformé en une immense base militaire. Naturellement sous le noble prétexte de "combattre les terroristes en Syrie et en Irak voisin".

C'est pourquoi Mike Pence a mentionné la possibilité d'utiliser la "force destructrice" pour protéger les gisements pétroliers syriens capturés dans les provinces de Deir ez-Zor et de Hassaké. Des agences de presse arabes influentes se référant aux sources proches du Pentagone parlent de la disposition des Américains à déployer dans la zone des champs entre 300 et 500 blindés et autre matériel militaire.

Difficile de choisir un meilleur endroit. La sécurité de l'enclave américano-kurde sera couverte au Nord par un membre fidèle de l'Otan, la Turquie. Pour cela il faut "convaincre" les Kurdes syriens de vivre dans l'amitié avec Ankara. A l'Est – la frontière avec le Kurdistan irakien : aucune menace ici. Au Sud et à l'Ouest l'Euphrate sert de frontière naturelle derrière laquelle les forces gouvernementales sont bloquées pour une durée indéterminée par le combat contre un ennemi irréconciliable. Il ne fait aucun doute que le commandement des unités kurdes et la direction politique des Forces démocratiques syriennes maintiendront leur orientation lucrative sur le Pentagone et mèneront une politique dans l'intérêt des Etats-Unis.

 

Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1210


Lire l'article complet, et les commentaires