Syrie : pourquoi faut-il ne pas y aller ? le 19/03/2013

par Christophe Bugeau
mardi 19 mars 2013

Le président Hollande a fait pression sur ses collègues lors du dernier sommet européen pour lever les restrictions de ventes d’armes pesant sur la Syrie et ce, en faveur des rebelles. Cette demande a fort embarrassé les autres pays de l’Union Européenne qui ne souhaitent pas s’enfoncer dans le bourbier syrien.

Un petit rappel d’abord : la Syrie, pays théoriquement pan-arabiste et socialiste est gouvernée par un groupe en particulier : les alaouites. Ces derniers, très minoritaires au sein de la population, forment une secte musulmane particulière et ont longtemps été persécutés. Leur « prise du pouvoir » à l’époque du père de Béchir El-Assad leur a permis d’améliorer nettement leur position.

Le régime syrien fort peu démocratique, il faut bien le reconnaître, est soutenu par la Russie et par la Chine qui toutes deux appellent l’opposition à dialoguer avec le gouvernement. Elles continuent à livrer des armes à ce dernier et empêcheront toute résolution à l’ONU.

La situation actuelle est des plus instable. La guerre civile depuis deux a fait environ 70 000 morts. Une partie de l’armée a fait défection (c’est en partie de là que viennent les armes des rebelles) et les insurgés ont pris certaines villes, même si les combats se poursuivent dans tout le pays.

Les rebelles ne sont pas encore vraiment organisé politiquement ce qui ne facilite pas le dialogue avec eux. La principale force armée est l’ASL (Armée Syrienne de Libération) formée surtout d’anciens militaires. Elle est théoriquement laïque mais compte des islamistes dans ses rangs. En plus de cette force, existent différents mouvements islamistes demandant l’instauration de la charia.

Les rebelles de leur côté sont soutenus par la ligue arabe (Arabie Saoudite, Quatar…) qui favorisent probablement les islamistes pour les livraisons d’armes. Ils ont, pour ce faire, la bénédiction des Etats-Unis.

Aujourd’hui, la situation sur le terrain ne penche en faveur d’aucun camp. Mais il est clair qu’elle peut continuer à se dégrader et que la guerre civile risque de se prolonger comme ce fut le cas au Liban durant les années 80. Le risque est croissant d’un éclatement du pays avec la côte et les alaouites d’une part et le reste de la Syrie d’autre part.

Fournir des armes aux rebelles comme le veut François Hollande est le meilleur moyen d’envenimer la situation et de donner à la Russie et à la Chine une bonne raison de relancer leur aide au gouvernement, ce qui ne fera qu’attiser le feu !

La Syrie n’est pas le Mali, pays ami faisant l’objet d’une déstabilisation de la part de groupes provenant en grande partie de l’étranger. Si François Hollande pense remonter dans les sondages en menant une stratégie d’engagement, il fait une lourde erreur.

La vraie solution consiste à suivre la voie préconisée par la Russie et la Chine qui est celle du dialogue, même s’il convient en contrepartie que ces deux Etats cessent leurs livraisons d’armes au gouvernement.

Il n’est pas dans notre intérêt que le pays éclate : quelles seraient les conséquences dans la région, notamment sur le Liban, la Turquie, Israël ou l’Irak ?

Il n’est pas non plus dans notre intérêt qu’arrive au pouvoir un gouvernement islamiste qui risque lui aussi de déstabiliser encore plus la région. Car ne nous voilons pas la face, les islamistes de ces mouvements ne sont pas ceux de Tunisie ou d’Egypte. Ils sont soutenus par l’Arabie Saoudite et ne seront pas tendre avec leur population ni avec leurs voisins.

Où serait pour nous la cohérence d’un soutien à une mouvance que nous sommes en train d’extirper du nord du Mali ?

Non monsieur Hollande, toute guerre n’est pas bonne à prendre pour redorer votre blason en berne ! 


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