Taisey, première ville des Celtes, foyer et métropole de la Celtique

par Emile Mourey
samedi 29 juin 2019

Nous avons été colonisés, jadis, par le Proche-Orient ; comme nous-mêmes avons colonisé les Amériques après leur découverte par Christophe Colomb ; comme nous risquons de l'être un jour si le changement climatique en laisse le temps.

Les premiers colons venant du Proche-Orient ont remonté le couloir du Rhône et de la Saône jusqu'à la plaine de Chalon-sur-Saône ; c'est pour moi, une évidence "militaire". Contrairement à Lyon, le site offrait aux migrants des étendues de terres cultivables, un fleuve aux eaux tranquilles et poissoneuses, ainsi qu'une possibilité de rayonnement dans toutes les directions, position idéale pour une base centrale. Rien à voir avec le mont Beuvray, faux site de Bibracte, site secondaire de Gorgobina où César a installé dans l'urgence les survivants des Boïens qu'il avait vaincus. (1)

 
Autre évidence "militaire", le point fort du terrain d'où l'on peut surveiller toute la région se trouve sur la colline de Taisey. Vestige manifeste d'une ancienne forteresse, une tour anciennement crénelée s'y dresse, y ayant bravé les siècles, voire des millénaires. En arrière, se voient à l'oeil nu des traces de fossés anciens aux lourds secrets cachés. Quelques restes de fonderie rappellent, peut-être, la fabrique éduenne d'armement d'Argentomagus de la "Notitia Dignitatum" romaine (2). Taisey s'appelait Tasiacum (3), de thesaurus, le trésor. Argentomagus se traduit par le marché de l'argent. C'est à Argentomagus que saint Marcel, l'apôtre du Chalonnais, fut supplicié (3). Dans un précédent article, j'ai expliqué que le trésor remis par Chalon à Attila ne pouvait avoir été pris que dans la tour de Taisey où il était gardé (4). Une fresque de l'église de Gourdon représente l'intérieur de la pièce de l'étage, pièce sacrée, "Saint des Saints" juif ou cananéen.  (5).

Je crie dans le désert ! Directeur du Centre Archéologique européen du mont Beuvray, l'archéologue Vincent Guichard ne veut pas remettre en question les localisations anciennes ; aux savantes interprétations, les archéologues opposent mille faits objectifs (catalogue 2002 de l’exposition de Bibracte "sur les traces de César"). 

Force est de reconnaître que je ne convainc pas. Les archéologues, les historiens, les responsables politiques ne sont pas sensibles à mes arguments militaires. On imagine des Celtes "suis generis" ou venus de nulle part. Et pourtant, ce sont bien mes raisonnements militaires que confirment les textes anciens si on les traduit correctement.

Au Ier siècle avant J.C. des marchands romains sont hébergés dans l'enceinte fortifiée (la ville de Chalon ne s'entourera d'un rempart qu'au III ème siècle). (DBG VII, 42-43). (6)

Au VI ème siècle avant JC., Hécatée de Millet ne cite que trois villes en Gaule : Narbonne, Marseille qu’il situe en Ligurie et, au-delà de Marseille, Nuerax, ville des Keltoï... une Nuerax - nouvelle forteresse - qui, au-delà de Marseille, donc à l'extrémité du couloir Rhône/Saône, ne peut être que Taisey. Or, s'il s'avère que c'est bien le mot Keltoï/Celtes qui a prévalu pour les auteurs qui ont suivi, il ne fait pas de doute, à mon avis, qu'Hécatée de Millet voulait désigner des Kaldaï, c'est-à-dire... des Chaldéens venus du pays de Canaan. (7)

Ajoutons à ce témoignage celui d'Hérodote selon lequel habitaient, à l’ouest des Celtes pré-cités, les Kinnesioï (Histoire, Livre II, XXXIII). Il ne peut s'agir que des habitants la ville de Gergovie que je situe au Crest par simple logique militaire. Or, Kinnesioï est un mot très proche de Kinneret, ancienne capitale de la Galilée, sur les rives du lac de Tibériade. Nous retrouvons, là encore, une origine cananéenne.

Hérodote ne dit pas que les Celtes étaient les habitants d’un pays qui s’étendait des Pyrénées aux sources du Danube comme certains historiens le pensent en suivant une mauvaise traduction ; il nous dit seulement qu’ils étaient les habitants d’une ville qui se trouvait sur un itinéraire qui menait aux sources du Danube, près des monts Rhippées (le Jura), et non Pyrénées ce qui est une mauvaise lecture... une ville qui ne peut être que celle d'Hécatée, Nuerax/Taisey.            

Au IIème siècle, Polybe confirme mon interprétation en disant qu’une grande partie du cours du Rhône suit une vallée profonde au nord de laquelle vivent les Celtes ardyens. Cela signifie qu’il voit toujours ces Celtes au nord du cours supérieur du Rhône, dans la même région où Hécatée les a situés.

Au Ier siècle avant J.C., Diodore de Sicile nous dit qu’Héraklès bâtit une grande ville... nommée Alésia. Il mêla à ses citoyens beaucoup de gens du pays, mais comme ces derniers l’emportaient en nombre, il arriva que tous les habitants retombèrent dans la barbarie. Les Celtes jusqu’à ces temps-ci ont en honneur cette ville qui est pour eux le foyer et la métropole de toute la Celtique (Livre IV, XIX et Livre V, XXIV). Il ne s'agit pas, bien sûr, de l'Alésia de la bataille de César, mais de Taisey. Il faut comprendre que ce sont des colons venus de Tyr, donc de Canaan, qui se sont unis, comme mari et femme, à la population locale, d'où son extension jusqu'aux rives de la Saône, d'où Chalon-sur-Saône.

Enfin, c’est Tite-Live qui nous relate les premières grandes invasions gauloises du VI ème siècle avant JC. D’où les fait-il partir ? Réponse : d’une Celtique relativement réduite et sous forme d’une coalition comprenant les Bituriges de Nuerax/Taisey (8) Eduens de Bibracte/Mont-Saint-Vincent, Arvernes de Gergovie/Le Crest, Ambarres du Revermont, Aulerques de Brancion et de Blanot, Lingons du mont Lassois, Senons de Château-Landon. Cela ne représente qu’un territoire "celte" modeste par rapport à ce qu’il sera plus tard... un territoire ayant la forteresse de Taisey pour centre et point de départ des grandes invasions celtiques vers la Germanie et l'Italie.

L'Histoire a une logique et c'est une logique de peuplement. L'émigration vers l'Europe des Cananéens/Phéniciens est comparable à celle des peuples européens vers les Amériques, plus tard. Chaque peuple apporte sa culture propre mais un armement typique de l'époque, et donc semblable quoique pas forcément identique. C'est l'époque des chars d'apparat des Étrusques mais aussi des Celtes sur un fond de rivalités coloniales, d'où des confusions possibles. Le char "celte" de Monteleone en est le plus bel exemple. Mais l'Histoire bouge. À Nuerax/Taisey, primitive Alésia, métropole de la Celtique selon Diodore de Sicile et selon mes traductions, les indigènes ont repris le pouvoir... c'est la fin de l'épopée des chars de parade... Néanmoins, les vestiges restent et témoignent sur une époque de grandeur et de conquêtes militaires (question de point de vue) : cratère arverne de Vix... éduen de Grächwil... de Lavau... merveilleuses oeuvres d'art que nos historiens archéologues interprètent comme des cadeaux faits par des marchands grecs itinérants à des roitelats gaulois incultes ! Certainement pas ! Ces oeuvres d'art sont des trésors que les peuples antiques se volaient au gré des combats ou que l'on remettait à l'adversaire pour prix d'une rançon. Elles sont les témoignages d'une époque qu'il faut replacer dans sa logique militaire. 

Citation : Dans leur enseignement, les druides affirment que les esprits (des braves) ne périssent pas, mais qu’après la mort, elles se déplacent, allant de lieux en lieux. C’est ainsi qu’en écartant la peur de la mort, ils pensent renforcer le courage militaire (César, de bello gallico, VI, 14, traduction E. Mourey). Et le poète Lucain ajoute : et vous, druides, qui prétendez connaître les dieux, vous affirmez que les ombres ne vont, ni dans les sombres royaumes du dieu des profondeurs, ni dans les silencieux séjours de l'Erèbe. Vous dites que l'esprit continue à vivre dans un autre monde (orbe alio). La mort n'est qu'au milieu d'une longue vie… Peuples que la constellation d'Arctos (les deux Ourses) voit du haut du ciel, heureux vous êtes dans votre erreur ; la crainte de la mort, la plus terrible de toutes, ne vous tourmente pas. Vous vous ruez au combat, l'esprit plein de courage ; vos âmes sont prêtes à recevoir la mort, sachant qu’il serait lâche de la fuir alors que la revie est promise au brave. (Lucain : La Pharsale, livre I, vers 447-462, traduction E. Mourey). 

Le char de Monteleone ne peut être qu'un char celte. Non seulement, il s'accorde avec ces témoignages mais il les confirment.

En recevant son casque et son bouclier, le guerrier celte s'engage à combattre jusqu'à la mort, à l'image du grand cerf. Le bélier dont on voit la tête et les cornes au-dessus du casque lui promet la revie. Les esprits des guerriers morts au combat descendent du ciel, en vol piqué, pour solenniser la cérémonie et apporter leur soutien. Quant au soleil et à la lune, si leurs noms n'apparaissent pas, leurs figures antropomorphiques sont très présentes, notamment dans les chapiteaux arvernes, tandis qu'en pays éduen, c'est le culte et les temples d'Apollon qui en continuent le culte. 

Le tracé au sol de la forteresse de Taisey s'accorde avec le témoignage de Lucain concernant Arctos (les deux Ourses, nom actuel),

mais il faut d'abord décrypter ce qu'Arctos représentait pour ces peuples du Nord que Lucain dit être dans l'erreur. Sachant que les Anciens s'imaginaient, tout au moins poétiquement, un ciel sous forme de voûte, au-dessus de laquelle se trouvait le royaume de Dieu, il s'ensuit qu'ils ne pouvaient évidemment pas en voir les constructions, mais seulement la trace de leurs fondations. Dans cette hypothèse, le quadrilataire du Petit Charriot, alias Petite Ourse, pouvait, en toute logique, évoquer celles de la tour de Dieu (en supposant que Dieu, qui est dans l'étoile polaire, en soit sorti pour prendre l'air ou pour recevoir ses invités). Toujours dans cette hypothèse, le quadrilataire du Grand Charriot pouvait délimiter le contour de l'enceinte fortifiée, sècurisée, réservée au séjour des élus.

Et, en effet, c"est bien sur cette image que le complexe fortifié de Taisey semble avair été construit. La base de la tour est un rectangle déformé comme celui du Petit Charriot. En arrière, la parcelle de l'ancien cadastre correspond au rectangle du Grand charriot.

Et, en effet, c'est bien le quadrilataire du Grand charriot que l'on retrouve dans des colonies apparemment fondées par la cité (Bourbon-Lancy, Orléans ?...)

Questions que je pose à l'archéologue : sachant, comme je l'ai montré, qu'on accédait à la tour par un pont dormant, puis par un pont-levis, où se dressait la colonne qui portait le Jupiter en verre des Actes de Saint Marcel ? Probablement, à l'entrée du pont, pour accueillir les visiteurs, là où l'ancien cadastre semble indiquer un calvaire.

La grande parcelle était-elle un lieu d'enterrement ou d'incinération réservé à des privilégiés pour qu'à leur mort, ils aillent directement dans l'enceinte protégée du ciel qui leur était réservée ? privilégiés mais surtout bons contribuables, c'est ce que semble indiquer un chapiteau d'Autun.

Comment était amenée l'eau dans les fossés de défense depuis le lac ? digues, murs de soutainement, etc ?

Un sceau des comtes de Chalon nous montre la forteresse telle qu'elle existait depuis sa fondation.

La première impression est d'y voir un château fort classique avec un haut donjon, au centre. Grave erreur ! Au premier plan, nous voyons une grande enceinte basse, au deuxième plan, au centre, un porche d'entrée qui s'ouvrait probablement sur le pont dormant (non visible). Au troisième plan, nous avons notre tour, seul vestige existant, mais crénelée ; c'est un "castrum", logement du seigneur. Seule la haute fenêtre a été représentée. Au quatrième plan, nous avons la muraille de l'oppidum-enclos, projection sur terre du quadrilatère du Grand charriot. Enfin, au cinquième et dernier plan, nous voyons deux tours d'angle.

Question posée à l'archéologue : existait-il deux tours d'angle devant ? Il ne semble pas.

La façade de la tour et son intérieur (fresques de Gourdon).

 

Renvois

1. Le résultat des fouilles menées au mont Beuvray prouve que les habitations, très rudimentaires, ont été construites dans l'urgence. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-mm-les-archeologues-pierre-209492

2. À la cité d’Argentomagus, armes de toutes sortes... à la cité de Mâcon, les flèches... à la cité d’Augustodunum, les cuirasses et les balistes... à la cité d’Augustodunum, les boucliers. Augustodunum étant le nom d'Autun et de Mont-Saint-Vincent, Argentomagus s'impose à Taisey/Thesaurus/Trésor.

3. Actes de Saint-Marcel.

4. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-allemagne-doit-elle-rendre-a-la-210391

5, https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-l-origine-de-la-ville-de-chalon-132441

6. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-l-origine-de-la-ville-de-chalon-132441

7. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-origines-celtes-de-notre-70317 (identification de Nuerax, lire Taisey au lieu de Mont-Saint-Vincent).

8. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-civilisation-des-celtes-son-109477

Écrit au château de Taisey, le 28 juin 2019, température extérieure : 35°. E. Mourey.


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