Take care

par alinea
samedi 1er mars 2014

Fais attention... prends-soin de toi

Je n'ai pas résisté à ce titre ou « care » semble juste. Mais en réalité je ne vais parler que par la bande du « care » à la mode américaine et que voulait nous faire gober Aubry ; je suppose que tout le monde a compris que notre « gauche », et depuis longtemps, a perdu ses racines révolutionnaires et se contente de la charité faite aux plus démunis : vous savez, ces fragiles qui n'ont pas de bol ! Parce que s'ils n'étaient pas si faibles ( ou paresseux ou ou...), ils auraient trouvé une place décente dans notre merveilleuse société. Ce faire-semblant de justice finira bien par laisser la place au réel tout nu : nous n'avons rien à foutre des démunis ; ils sont non seulement inutiles mais en plus, ils font tache !

Non, en fait, j'ai envie de réfléchir sur le soin.

 

Ambiguïté de la temporalité  :

Dans le « take care » du titre, le soin est en amont, il demande notre vigilance, notre attention de sorte à ne pas tomber dans un piège, attraper froid, provoquer un accident, que sais-je...

Il y a aussi, soigner son travail, le peaufiner, le parfaire ; dans le sud de la France, soigner quelque chose, c'est le préserver, le protéger : j'ai soigné le rôti ( sous-entendu, je l'ai mis à l'abri des chats ou chiens !) ainsi on soigne le grain, le foin ; on réserve.

C'est la capacité d'anticipation qui, chez l'homme a perdu son évidence instinctive et qui doit passer par les connexions du mental ; de moins en moins, on le voit.

Il y a aussi « prendre soin » ; on prend soin de ce que à quoi l'on tient ; on prend soin de ses enfants, de ses amis, de ses animaux, ses plantes et de sa voiture. Si on y tiens. Mais toujours cela se conjugue avec un rapport à soi : si l'on est à ce point démuni d'estime pour soi, on ne peut plus prendre soin de personne : on ne peut pas donner ce que l'on ne possède pas.

Mais si l'on possède un tant soit peu d'estime pour soi, si l'on se connaît, si on fait sa route, alors on acquiert l'expérience de ce qui nous est néfaste, de ce qui nous est profitable et l'on s'arrange pour garder un équilibre.

« La sagesse est la perfection de la santé mentale » ( citation approximative) dit Alain Comte-Sponville dans « De l'autre côté du désespoir ». ou bien : « Un sage est celui qui, ayant transcendé toutes les différences et les changements, est devenu un avec tout. C'est pourquoi il est l'ami de toutes les créatures et l'ennemi de personne. Il aime la créature la plus insignifiante comme lui-même, parce qu'il est un avec la création ». « La sagesse n'est pas le but mais le chemin, pour aller où ? Là où vous êtes, ici et maintenant. »

Se déprendre du passé... c'est-à-dire, ni l'oublier ni l'occulter ni le dénier, mais l'accepter.

Chez l'homme, la sagesse est le premier soin qu'il peut se prodiguer. Et le seul.

Puis, bien entendu, puisque la sagesse n'est jamais acquise, parce qu'il y a toujours des embûches ou des accidents, on soigne, a posteriori, les bobos. Il y a d'autant plus de symptômes que la démission de soi est grande ; plus l'on est asservi, docile, plus on contrarie ses propres rythmes biologiques, plus on tait ses émotions, ses colères, plus on est malade. Alors, on met un pansement sur une blessure, on la désinfecte, ou un pansement sur son âme « anxiolytiques, somnifères,etc), un emplâtre sur son ulcère, ou bien, on élimine, l'organe, la tumeur, les cellules...

La médecine contemporaine ( que je répugne à appeler « traditionnelle ») se contrefout des causes ; elle fonctionne bien sur nos parties mécaniques qu'elle a appris à réparer comme il faut, le cœur, les membres... mais ne sait rien faire d'autre, sauf « soulager », c'est-à-dire, faire oublier. ( ce n'est pas le lieu de faire le procès de la médecine officielle, mais quand elle veut soigner, elle y réussit rarement mais jamais sans avoir déglingué mille et une autres parties de nos corps qui jusque là allaient à peu près ! Mais on n'a rien sans rien, n'est-ce-pas ?)

 

Dérives de la spatialité.

Au début, il y a la mère, sauf chez les insectes qui naissent adultes, la mère prend soin de ses petits ; on peut s'interroger sur le soin porté aux nouveaux-nés, chez les espèces qui ont des portées multiples : les chattes, qui par ailleurs sont d'excellentes mères ( comparées aux chiennes par exemple) laissent souvent tomber un ou l'autre de ses rejetons : il y a gros à parier que celui-ci n'est pas comme il faut  ! La maternité chez les animaux est toute empreinte de l'instinct de survie de l'espèce et la première sélection commence là. Puis, un peu plus tard, au sevrage, les petits ont droit à une mise à l'épreuve. Mais c'est un autre sujet !

Donc, la mère. Qui dispense l'amour et la nourriture et que selon comme elle réussit son coup, fera à beaucoup confondre amour et nourriture. Au départ, l'individu reçoit ; il est immature, surtout chez l'humain, il est fragile, il est dépendant, et toute la question réside dans cette capacité qu'a la mère de lui faire dépasser cette dépendance. Chez l'humain, on voit qu'elle rate souvent son coup ! Mais comme il y a toujours de bonnes causes à ceci, je ne m'étonne guère que l'on ait inventé le mythe d'Ève et de son péché originel ! Michel Odent nous explique très bien dans sa « Genèse de l'Homme écologique » comment le maternage que l'on a subi s'inscrit de manière indélébile dans notre cerveau reptilien, et que toutes les consciences et les bonnes volontés du monde n'y peuvent pas grand chose ! Peut-être ça et là atténuer les effets d'un manque ou d'un abandon ( la résilience n'étant qu'une vague cicatrisation qui permet la survie). C'est donc à la mère de pousser son petit à l'autonomie ; les meilleures mères qui soient, les chattes ( pour ce qui est de ce que l'on peut observer de près sans être un spécialiste), rejettent leurs petits quelques temps après le sevrage, quand elle leur a enseigné les rudiments de la chasse. Ainsi de tous les prédateurs.

Mais la mère humaine fait rarement comme ça ; quand on la dit bonne, elle protège, surprotège jusqu'à pas d'âge et n'a même pas conscience qu'elle perpétue la dépendance au delà de toute mesure raisonnable. Quand on la dit mauvaise, elle laisse son enfant aux bons soins de la Providence, après un abandon plus ou moins patent.

La vie ne s'inscrit pas dans un schéma rigide, juste et complet, certes on peut considérer des effets aux vues de certaines causes, mais il s'en trouvera toujours pour être les exceptions qui confirment la règle !

Néanmoins, il se trouve que dans nos sociétés dites « surprotégées », il y a un paquet d'individus incapables de cette émancipation inhérente au règne animal, des gens donc qui ne sauront jamais prendre soin d'eux , ni en amont ni en aval, et qui seront les dindons d'un care, à la mesure de leur porte-monnaie. C'est qu'il n'y a jamais eu la rupture entre le dedans et le dehors, le soin apporté ( qu'il soit en amont ou en aval) par la mère, puis par le médecin ; au moindre mal, au moindre rhume, ceux dont le cordon suppure encore, foncent chez leur médecin, pour la plus grande joie d'une multitude de vautours qui en profitent.

Pourtant, là comme ailleurs, le va-et-vient devrait être incessant ; entre le dedans et le dehors, le dedans ne devrait pas être passif.

Comme j'aime les schémas, bien qu'en sachant leurs failles, je propose celui-ci :

-dehors/dedans : donner ( ou vendre), recevoir ( ou payer), les soins maternels ou médicaux

-dehors/dedans, dedans/dehors : réciprocité, échanges, le chemin de l'autonomie

-dedans/dedans : pronominalité, la sagesse, la connaissance

-dehors/dehors : démission de soi, s'en remettre à la médecine traditionnelle.

Le dehors dedans, je le vois comme la nécessité inconsciente ( ou plutôt inexprimable) d'une intervention extérieure sur soi, pour aboutir à la santé. Dans ce schéma, cela est d'abord le nourrisson qui n'a conscience de lui-même que par la douleur ou le plaisir, le vieillard dépendant qui ne sait plus exprimer ses besoins, le malade gravement atteint, l'animal que l'on doit bien connaître pour le comprendre, tous étant dans l'incapacité d'exprimer ce qu'ils ressentent, bien que le ressentant, et qui doivent compter pour vivre et survivre sur l'écoute intuitive, la compassion puis la compétence du soignant. C'est le soin dans toute sa splendeur.

 

Le dedans/dehors, dehors/dedans

Le soin nécessaire quand l'attention a failli, quand on est au début du chemin. C'est l'attitude de celui qui se cherche mais qui a besoin d'aide ; il se tourne vers toutes les médecines dites parallèles, alors qu'elles semblent bien être perpendiculaires (!), ces médecines qui considèrent un individu comme indivisible, qui pointent du doigt les causes de dysfonctionnement ou de la douleur et, plutôt que les isoler, les extraire du tout, les relient, et tentent d'y remédier en remettant en fonction les connexions rompues, les énergies bloquées ici ou là ; ces médecines qui savent qu'un chagrin – même très lointain- coincé au niveau du chakra du coeur, provoquera de la suffocation qui, si elle n'est pas libérée, conduira tout droit au cancer du poumon, aux bronchites chroniques,etc ; qui savent que toute rage – même très lointaine- qui se bloque au niveau du chakra solaire, conduira si elle n'est pas dissoute, par sa prise en conscience- à tous les délabrements connus du système digestif, système éminemment complexe et fondamental ; les cancers bien sûr, mais les hoquets, les aérophagies, les foies déficients, etc. ; qui savent que tout manque de connaissance de son schéma corporel, toute occultation d'une situation conflictuelle, insoutenable, conduiront à des accidents.... et ainsi de suite.

C'est le stade d'après, l'individu sur le chemin de l'individuation ; patraque ou malade, il apprend à se connaître et se met en route sur le chemin de la connaissance de soi, plutôt que rester sur le parking de la démission de soi, stade infantile de dépendance, là où il y a échanges et réciprocité, quand on s'occupe de l'autre aussi, au moins en l'écoutant, où l'on fait part de son expérience et où l'on écoute l'autre dans la sienne ; c'est vrai que cet échange peut se faire aussi au niveau de l'information sur le nom du dernier produit à la mode tout juste sorti des laboratoires Servier ! Il y a plus que l'information , dans mon idée de cette réciprocité, il y a connaissance de soi par mise en relation avec la connaissance de l'autre ; bien sûr je place cela sur le plan de la santé, mais physique et mentale mêlée, si bien que ces échanges peuvent tout à fait inclure les textes, les sagesses, les expériences etc. Cela concerne les relations à un médecin qui n'ignore pas qu'il apprend chaque jour de ses malades et dont l'écoute est active, écoute qui malheureusement ne se trouve guère chez les « traditionnels ». Il ne sont malheureusement pas rares les toubibs qui se trompent, qui n'apprennent rien ou pas grand chose de leurs erreurs, et qui se pavanent même si on revient les accuser de leur incompétence. L'incompétence a été payée au tarif normal et à l'instar d'un homme politique, aucun d'entre eux ( de même pour les vétérinaires) ne fera amende honorable !

 

Le dedans/dedans.

C'est l'automédication, le stade de la connaissance, de la sagesse qui d'abord a pris soin de soi en amont mais qui sait prendre soin de soi en aval. C'est le stade qui vient après le précédent, dans lequel on a appris : faire un diagnostique d'abord, puis le pouvoir des herbes, l'utilisation les granules homéopathiques ou les essences pour se soigner. C'est un savoir empirique qui fait le tri de ce qui nous convient et si certains traitent ces médecines et, pire, leur « auto » utilisation, de charlatanisme, c'est que la charlatanisme est apte à soigner pas mal de choses. Je n'ai jamais été sourcilleuse sur le vocable de sorcières, et même si « charlatan » a une très nette évocation d'arnaque, elle n'a pas lieu d'être ici parce que les gens se débrouillant eux-mêmes, il n'arnaquent personne ni ne se font arnaquer par personne ! C'est l'aboutissement de l'autonomie, qui ne rend pas solitaire ni misanthrope mais juste responsable de soi, au même titre qu'un animal adulte qui sait ce qu'il a à faire et qui se débrouille très bien avec ses diarrhées !

Dans son versant négatif voire pathologique cela peut être l'hypocondrie, la paranoïa , la manie ou quelque chose d'approchant : il n'y a personne d'assez bon pour me soigner, rien ne marche, tout est bloqué ; moi, mon corps, est pris pour un absolu indépendamment du reste. Je le vois ainsi, je sais que ça existe mais n'en ai jamais rencontré si bien que je suis un peu courte pour développer ! Pour ce « moi »là , la mère n'a pas dû être à la hauteur qui a empêché même tout transfert !

 

dehors/dehors

C'est le cas le plus courant désormais : là, même le corps est un dehors qui ne dépend pas de soi, qui est aux mains des sachants, des chirurgies, esthétiques ou autres, des méthodes, pour mincir, pour grossir, des recettes pour avoir de plus gros seins ou de plus petits, pour bander, pour ne pas trop bander ; bref, la débâcle totale. Mais juteuse pour les labos et les médecins ; encouragée donc ! L'être n'a ici plus aucune prise sur lui-même, dépossédé ou démissionnaire, c'est lui qui fonce chez son médecin traitant préféré, au moindre pet de travers ; c'est lui qui fait leur fortune, lui qui creuse le fameux trou de la sécu !

Il faut bien voir qu'il n'y a aucun hasard à ce que notre société nous incite fortement au dehors/dehors ; le « connais-toi toi-même » n'est pas juste une incitation à s'occuper à quelque chose, c'est un chemin de liberté, donc de responsabilité, et cela est hautement subversif. Tous ceux qui apprennent à se soigner, en amont et en aval de la maladie, sans suivre des recettes à la con qui ne sont que des pubs ou bien des écoles qui cherchent des adeptes, seront moins enclins à se faire brouter le mou par quel que patron que ce soit, qui dirigera leur vie, inhibera leur rythme, parce qu'aucune confiance n'existe plus dans ce monde là, qui perdront leur crédulité, - même s'ils passent par la case « je rejette tout », « je me méfie de tout », « je suis contre tout »-, qui sauront au fil du temps exactement où se situe leur chemin et qui finiront par défier le pouvoir qui les contraindrait. Ce n'est pas un hasard si les herboristes sont interdits, si on cherche noise aux ostéopathes qui ne sont pas passés par la case kinésithérapie, si l'on marginalise la médecine chinoise qui ne serait pas une toquade de généralistes en mal de patients mais une démarche quasi philosophique, si l'on traite de sectes tout ce qui ne rentre pas dans le moule conforme aux désirs des marchands,etc.

Ce rapport à soi nargue la puissance économique, donc, la puissance politique. Nous savons tous ici qu'il n'est nullement question de notre bien-être ou de notre santé dans toutes les « politiques » dites de « care » ; une hypocrisie déguisée en bonnes œuvres à s'occuper de tous, y compris du plus démuni ; or, nous voyons bien, non seulement que cela ne rime à rien, que cela n'arrive à rien, mais que, par ailleurs, tout est fait pour exclure ! Pour soigner le démuni ou l'exclu, il faut qu'il ne soit plus démuni et plus exclu. C'est une toute autre histoire, beaucoup plus complexe à mettre en œuvre et impossible tant que ce seront toujours les même qui nous dinarguent ( de diriger+narguer !)


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