Tant pis pour le PS ?

par Pelletier Jean
jeudi 30 août 2007

Faut-il charger de tous les péchés les ralliés de gauche au projet de réforme du président Sarkozy ? La responsabilité n’en incombe-t-elle pas prioritairement au PS et à son premier secrétaire maître ès lettres en immobilisme ?

D’après certaines indiscrétions le président de la République aurait dit à certains de ses ministres qu’il allait procéder à un remaniement début 2008 juste avant les municipales.

Il procéderait à des changements et amplifierait encore plus sa politique d’ouverture à des femmes et des hommes de gauche. Le dessein affiché étant de continuer à semer la consternation au sein du Parti socialiste et en espérant bien en tirer des dividendes électoraux aux municipales, lesquelles ne s’annoncent pas très bien dans les grandes villes au regard des votes aux présidentielles et aux législatives. Ainsi les villes de Bordeaux et du Havre par exemple seraient données perdues. Certes les scrutins nationaux et municipaux ne répondent pas aux mêmes critères et il serait hasardeux d’en tirer de telles déductions.

Mais enfin la tentation est bien grande pour le président de la République de poursuivre ce « jeu politique » qui lui réussit aussi bien.

La dernière livraison en date qui a consisté à engager Michel Rocard et ses compétences dans le comité chargé d’organiser la concertation sur la revalorisation du métier d’enseignant, est encore un « joli coup ».

Ainsi l’ancien Premier Ministre socialiste succède-t-il à Hubert Védrine qui s’est vu confier une mission de réflexion et de prospective sur la place de la France et de l’Europe dans le monde, à Jacques Attali qui lui a accepté de présider une commission sur les freins à la croissance, à Jack Lang qui a donné son accord pour siéger dans la commission chargée de faire des propositions sur la réforme des institutions (où figure aussi d’éminentes personnalités très proches du PS comme Guy Carcassonne ou Olivier Duhamel).

Faut-il rappeler que cela s’ajoute à l’entrée au gouvernement de Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, Eric Besson mais aussi Fadel Amara et indirectement Martin Hirsch ?

On entend ici et là crier à la trahison et les rappels à l’éthique et au sens de l’engagement politique fleurissent un peu partout. Ce qui est bien compréhensible, moi-même dans un premier temps j’ai été choqué qu’un ancien ministre socialiste qui avait fait la campagne de Ségolène Royal puise rallier aussi vite le vainqueur de la compétition présidentielle.

Puis au fur et à mesure des « ralliements » et des acceptations de mission de la part du président de la République je me suis posé des questions, j’ai essayé de comprendre.

Parallèlement à ce processus on assistait à une surenchère de François Hollande dans le petit jeu du « j’y suis, j’y reste » et circulez il n’y aura rien à voir jusqu’au prochain congrès prévu après les municipales.

Qui était premier secrétaire du PS avant l’ouragan de 2002 qui vit l’éviction du candidat socialiste au premier tour de la présidentielle ? François Hollande... Quelle tempête !!! Mais qui était encore premier secrétaire du PS au lendemain de cette terrible défaite (Le Pen faisant plus de voix que Lionel Jospin) ? François Hollande. Qui était encore premier secrétaire la veille des présidentielles de 2007 ? Toujours François Hollande. Et dans ce contexte d’une majorité UMP au plus mal avec un président finissant, qui a gagné les présidentielles ? Pas le candidat socialiste. Et devinez qui est encore premier secrétaire du PS après ce terrible échec ? Tiens donc encore François Hollande... C’est incroyable et il prévient qu’il est là pour encore un an et demi.

Existe-t-il un projet politique cohérent au Parti socialiste ? Une stratégie d’union des forces de gauche ? Un travail de terrain ? Une mobilisation et une mise au travail de tous les talents du Parti socialiste de la base au sommet ? Non, non et encore non.

Dans ces conditions où le pouvoir exécutif du Parti socialiste donne une si triste image de lui-même et sur une aussi longue durée, où seules les haines cuites et recuites de certaines personnalités font le la et le diapason des décisions... comment ne pas comprendre l’envie de certains qui ont le goût de l’action d’aller là où on leur propose de travailler aux réformes dont la France a besoin ?

Je rappellerai ici les conditions dans lesquelles Lionel Jospin puis Ségolène Royal ont mené des campagnes présidentielles en verrouillant leur état-major décisionnel au strict minimum d’équipes qu’ils considéraient comme sûres. On l’a oublié mais ces deux campagnes-là ont laissé sur le bord de la route nombre de talents du Parti socialiste (que certains appellent éléphants !).

Lesquels en ont conçu légitiment de l’amertume.

En 1981 François Mitterrand avait embarqué tout le monde sur son bateau, je m’en souviens et je revois encore « la ruche » de l’antenne présidentielle qui avait été organisée au lendemain du deuxième tour pour préparer l’installation du nouveau pouvoir socialiste. Tout le monde en faisait parti les fidèles historiques du président, les rocardiens dont j’étais, les membres du CERES de Jean-Pierre Chevènement, les équipes de Pierre Mauroy, etc.

Je réécoutais récemment une déclaration de François Mitterrand au lendemain de l’élection catastrophique de 1969 qui avait vu au second tour l’élection de Georges Pompidou contre Alain Poher et l’élimination des candidats de gauche. François Mitterrand après son joli succès contre le Général de Gaulle en 1965 n’avait pas pu réunir les conditions politiques pour sa propre candidature, Gaston Deferre avait fait un score lamentable : 5,01 % des voix !!! Jacques Chaban-Delmas est appelé à Matignon et avec Jacques Delors travaille à un projet de « nouvelle société » ; on sait ce qu’il en advint malheureusement.

Dans ces circonstances qui ne sont pas sans rappeler le contexte actuel, François Mitterrand avait donné une longue conférence de presse où il avait annoncé son intention de faire un tour de France, non pas des états-majors politiques mais des acteurs de terrain : militants socialistes, syndicalistes, responsables d’associations pour les mobiliser. Ce fut la première étape de la refondation du Parti socialiste. Deux ans plus tard c’était le congrès d’Epinay où il prenait le pouvoir.

Au lendemain d’une terrible défaite... décourageante pour toute la gauche il s’était mis immédiatement au travail.

Aujourd’hui répétons-le, car c’est bien de cela qu’il s’agit, la rue de Solferino n’est plus au travail et le Parti socialiste fait parler de lui à la lumière des « déboires du couples Royal-Hollande ».

Et les « chefs » et « sous-chefs » de tous ordres ont fourbi une multitude de livres pour la rentrée afin de bien assassiner la campagne menée par Ségolène Royal. Voilà du bel ouvrage dont il faut les en remercier !

Dans ces conditions il est et sera encore plus facile pour Nicolas Sarkozy de proposer aux uns et aux autres de travailler aux réformes de la France.

Certes s’il échoue, cela finira sans doute comme le pauvre Chaban et son projet de société qui doit partir au bout de moins de trois ans pour laisser la place au très droitier et conservateur Pierre Messmer.

Mais l’histoire n’est écrite par avance nulle part...


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