Tempête médiatique dans un verre d’eau trouble

par siatom
lundi 26 février 2018

Ce qui met en transe depuis quelques jours le tout Landerneau médiatique, ce ne sont pas les réformes engagées au pas de charge par l’exécutif macronien qui font tourner la tête aux commentateurs déboussolés par l’hyperactivité de notre Jupiter picard mais les saillies de Wauquiez dans son intervention devant des étudiants de l‘EM Lyon Business School de Lyon.

Les chaînes d’info en continu qui sont passées expertes dans l’art de remplir le vide et qui se soucient de notre temps de cerveau disponible selon la célèbre expression de Patrick Le Lay, nous ont fait vivre les premiers épisodes de la télénovela "Marnes-la Coquette, son univers impitoyable", son lot de rebondissements et son suspense insoutenable pour enfin savoir qui, des protagonistes déjà tous millionnaires, empochera le magot d’un pauvre gars né dans la rue un soir de juin 1943.

En attendant les prochains développements de ce palpitant feuilleton, faute de nouveaux faits divers croustillants, nous avons eu droit pendant près d’une semaine au récital d’un chœur de vierges effarouchées et hypocritement scandalisées par l’homme à la parka rouge, ex premier de la classe reconverti en Tonton flingueur.

Ses jugements abrupts sur ses collègues ou ex-compagnons, la situation chez les républicains est aussi fluctuante que les cours de la bourse, et ses autres vacheries gracieusement distillées sur quelques personnalités ou organisations de l’échiquier politique et social hexagonal ont affolé les Tartuffes aux discours lénifiants qui voudraient nous faire croire à la fable d’un monde politique aseptisé et sans aspérité.

Malgré son côté indéniablement clivant, Wauquiez sait aussi se montrer œcuménique dans ses détestations, et en y regardant de plus près, hormis quelques outrances dignes des brèves de comptoir, nous sommes tentés de dire qu’il n’y a guère dans ses allégations quelque peu décapantes de quoi fouetter un homme. Si nous avons substitué à dessein dans cette expression à l’origine obscure homme à chat en reprenant le titre d’un essai sur nos petits félins du regretté Louis Nucera, c’est qu’elle heurte notre sensibilité d’ailurophile passionné.

Peu importe que cette conversation à bâtons rompus avec les étudiants devait rester privée, on a du mal à croire que malgré ses avertissements préalables Wauquiez ait pu faire preuve d’une telle confondante naïveté, il y a belle lurette que la non divulgation des déclarations des politiques dites "off" tout comme le secret de l’instruction sont des notions frappées d’obsolescence.

La vertueuse sphère autrement appelée Camp du Bien n’avait pas attendu les déclarations débridées du patron des républicains à Lyon pour le mettre en orbite et le faire graviter autour de la fâcheuse sphère plus connue sous l’appellation fourre-tout fachosphère. Les mal-pensants peuvent s’estimer heureux, les temps ont changé, les mœurs s’adoucissent, en 1965 Sartre les envoyait illico ronger leurs os dans un chenil avec cette comminatoire sentence « Tout anticommuniste est un chien ».

Pour critiquer les propos brut de décoffrage de Laurent Wauquiez, ses anciens camarades en rupture de ban toujours pas affranchis d’un insidieux « surmoi »de gauche n’ont pas hésité à user aussi de quelques excès de langage, ainsi Xavier Bertrand, invité de BFM Politique le patron des Hauts-de-France, a dit dimanche, avoir entendu, dans les propos de Wauquiez, « les mots de la famille Le Pen, la même tonalité, la même violence ». Pour lui, « c’est pire que du Trump ».

Pas sur que cette dernière comparaison avec le locataire de la Maison-Blanche à l’improbable mèche peroxydée soit de nature à froisser l’ambitieux Laurent à la chevelure prématurément blanchie qui pourrait se mettre à rêver au fabuleux destin de Donald le tweeteur incontinent.

Après ce psychodrame très loin des préoccupations quotidiennes des Français, qui n’aura mis en ébullition que le microcosme politico-médiatique, les chaînes d’info pourront consacrer quelques minutes aux problèmes du chômage, du pouvoir d’achat, de la sécurité pour en revenir rapidement à ce qui semble les intéresser au plus haut point, l’écume des choses.


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