Terres rares
par Saltz
jeudi 18 septembre 2014
Le revers de la stratégie de l'Europe
La stratégie de l'Europe a consisté à privilégier le secteur tertiaire aux dépens du secteur secondaire. Les « services » étaient l'avenir brillant de la Communauté et les « industries » étaient les séquelles d'un 19ème siècle dont il fallait se débarrasser. Le secteur primaire, comme l'exploitation des mines, était davantage méprisé.
A cela il faut ajouter le credo des dirigeants dans le libéralisme pur et dur.
Si beaucoup ont dans cette religion la foi du charbonnier, d'autres en sont fanatiques, surtout quand ils appartiennent aux centres de décisions ou aux médias chargées de relayer la bonne parole. Le colbertisme est un gros mot. L'économie dirigée est une obscénité.
Quand cette stratégie et ce libéralisme s'appliquent à la Grèce, on obtient la gestion des terres rares qui est plus caricaturale qu'un cas d'école.
Voici un rappel pour ceux qui auraient oublié ce que sont ces terres rares
« Les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés voisines comprenant le scandium, l'yttrium et les 15 lanthanides. Ces métaux rares sont, contrairement à ce que suggère leur appellation, assez répandus …
Il faut attendre le projet Manhattan dans les années 1940 pour que les terres rares soient purifiées à un niveau industriel et les années 1970 pour que l’une d'elles, l'yttrium, trouve une application de masse dans la fabrication de luminophores des tubes cathodiques utilisés dans la télévision couleur. Du point de vue de l'économie mondiale, les terres rares font désormais partie des métaux stratégiques. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_rare
Personne ou presque ne connaît les terres rares ; sans elles pourtant, notre mode de vie serait inconcevable et rien ou presque ne fonctionnerait dans notre environnement quotidien. http://future.arte.tv/fr/les-terres-rares
Elles sont présentes dans les batteries des voitures électriques, les puces de nos portables et les composants de nos ampoules LED. Leur demande ne peut que croître et leurs prix aussi. Par exemple, de 2004 à 2013, le cours du dysprosium a explosé de 2.694 %. (deux mille pour cent !)
Je pourrais aussi parler des éoliennes dont la maintenance est allégée, et du paradoxe d'une énergie verte dépendante de méthodes polluantes.
Le développement de technologies vertes telles que les éoliennes reposent sur les « terres rares », dont l’exploitation en Chine se fait dans des conditions sanitaires et environnementales scandaleuses. http://www.contrepoints.org/2013/11/05/145159-eoliennes-terres-rares-et-desastre-environnemental-une-verite-qui-derange
Faut-il aller plus loin dans les arguments ? Les terres rares sont indispensables à notre développement économique et à la vie de tout les jours.
C'est un sujet stratégique.
Nous avons des réserves minières en Europe.
La conclusion évidente est de maîtriser l'extraction et le traitement.
La réalité est autre. Suite à une baisse des cours dans les années passées, les entreprises privées ont cherché des gisements financiers ailleurs et jeter à la poubelle investissement et savoir-faire.
Les entreprises de l’UE sont obligées d’importer 100 % de leurs besoins pour 14 de ces éléments minéraux, stratégiques pour la production de produits tels que les ampoules LED, les systèmes de motorisation hybride des voitures, les téléphones portables ou les éoliennes. http://www.lesoir.be/650600/article/demain-terre/environnement/2014-09-10/grece-discute-avec-chine-l-exploitation-ses-terres-rares
Seul un pays a continué à mettre à profit ses compétences, sans être aveuglément confiant en la main invisible qui régule le marché, même si chez lui il laisse le capitalisme se développer.
Ce pays a une vision géopolitique et est attentif à ce qui pourrait affaiblir son indépendance en matières premières.
La Chine est aujourd’hui en situation de quasi-monopole avec plus d’un tiers (35 %) des réserves accessibles, et 97 % du marché des terres rares comme le cérium ou le lithium.
Il existe pourtant des réserves en Europe : la Grèce estime disposer d’indices encourageants sur ses réserves en terres rares.
Mais le savoir-faire pour l'extraction et le traitement s'est perdu. C'était une richesse qui ne figure pas dans le PIB.
Il faut déléguer à l'extérieur ce qu'on ne peut faire en interne.
Le ministre de l’Environnement Yannis Maniatis a rencontré à Athènes une délégation d’officiels et d'entrepreneurs chinois avec lesquels a été évoquée une possible coopération dans la recherche exploratoire puis dans l’exploitation de ces métaux. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/09/09/97002-20140909FILWWW00330-grecela-chine-pourrait-exploiter-les-terres-rares.php
Les comptables qui nous gouvernent ont oublié de quantifier le plus important : l'indépendance et le savoir-faire, et sous prétexte d'aligner la réalité à leurs indicateurs et d'exiger des coupes budgétaires n'importe où, ils nous appauvrissent aujourd'hui et encore plus demain.
Et des pays, comme ici la Chine ou comme en d'autres domaines les Etats-Unis, savent limiter le libéralisme et instaurer un protectionnisme, parce qu'ils savent que le court terme ne doit pas faire la loi et qu'il faut une vision stratégique.