« Tête haute et mains propres » : les juges aggravent la mise en examen de Marine Le Pen

par Martin de Wallon
samedi 13 octobre 2018

La présidente du Rassemblement national (ex-FN) a répondu ce vendredi 12 octobre à la convocation des juges d'instruction du tribunal de Paris, qui ont requalifié sa mise en examen pour des faits de « détournements de fonds publics » dans le cadre de l'enquête sur des emplois dits fictifs d'assistants au Parlement européen.

Le FN proclamait naguère : « Tête haute et mains propres ». Peut-être faudra-t-il « requalifier » ce vieux slogan du parti d'extrême-droite, comme il a fallu requalifier la mise en examen de Marine Le Pen pour des faits présumés de « détournements de fonds publics » dans l'affaire des emplois présumés fictifs du parti. Lors de sa mise en examen en juin 2017, les chefs d'accusation retenus n'avaient en effet été que ceux d' « abus de confiance » et de « complicité d'abus de confiance ».

 

Le délit de « détournements de fonds publics » est passible de dix ans d'emprisonnement et d'un million d'euros d'amende, contre trois ans de prison et de 375.000 euros d'amende pour l'abus de confiance. Lors de cette convocation, Mme Le Pen n'a pas répondu aux questions des juges sur le fond, au motif que les magistrats n'auraient pas le droit d'enquêter sur cette affaire : « l'autorité judiciaire ne peut s'ériger en arbitre du contenu du travail politique d'un député et de son bien-fondé sauf à violer le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs », a-t-elle déclaré à l'AFP. « J'ai donc indiqué aux magistrats que je répondrai à l'ensemble de leurs questions après que la chambre criminelle ait tranché cette question de principe qui est absolument primordiale par sa nature constitutionnelle, puisqu'elle touche à l'essence même des principes démocratiques de la République », a-t-elle ajouté. Mme Le Pen a en effet fait déposer un recours qui doit être examiné par la Cour de cassation le 27 novembre.

 

Depuis fin 2016, les juges Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke enquêtent sur des actes présumés frauduleux consistant à financer avec les fonds de l'Union européenne les salaires de permanents travaillant en France pour le parti de Mme Le Pen. En d'autres termes, le FN aurait détourné les enveloppes que Bruxelles remettait aux eurodéputés frontistes pour payer leurs assistants parlementaires. Le 28 juin dernier, les magistrats avaient ordonné une saisie de 2 millions d'euros d'aide publique dus au Rassemblement national (RN), montant finalement ramené à 1 million d'euros par la cour d'appel de Paris. Une somme bien faible en comparaison du préjudice dont le Parlement européen s'estime avoir été victime : 7 millions d’euros pour la période 2009 à 2017. L'information judiciaire ouverte cumule à ce stade une quinzaine de mises en examen connues, pour « abus de confiance », complicité ou recel de ce délit. Sont notamment concernés Louis Aliot, le compagnon de la présidente, et Nicolas Bay. Les magistrats envisagent désormais de requalifier toutes les mises en examen existantes.

 

Après la déception du second tour de l'élection présidentielle, le parti de Mme Le Pen semble avoir du mal à redorer son blason. Dans ce contexte, les affaires ne font pas ses affaires ! Le RN est en effet sévèrement handicapé par plusieurs poursuites judiciaires, dont plusieurs de ses responsables font l’objet. Outre l'affaire des emplois dits fictifs, on pourrait parler de l’enquête en cours sur le financement par le FN de ses campagnes électorales entre 2012 et 2015. En ce qui concerne l'image personnelle de la présidente du parti, Marine Le Pen paraît incapable de surmonter le fiasco humiliant de son débat télévisé face à Emmanuel Macron. En dépit de son score présidentiel et de son élection à l’Assemblée nationale, elle n’est toujours pas parvenue à s’imposer dans le rôle qu’elle espérait tenir de première opposante au président de la République. Son image dans l’opinion s’est brutalement dégradée : entre 2013 et juin 2017, plus de 25 % des Français et jusqu’à 30 % par moments souhaitaient lui voir jouer un rôle important à l’avenir, selon le baromètre de la Sofres ; depuis quinze mois, elle stagne autour de 18 %. Quant au nombre d’adhérents du parti, il serait passé de plus de 80.000 au printemps 2017 à seulement plus de 30.000 aujourd’hui. Enfin, le changement de nom du parti, décidé lors du congrès de mars, n’a rien changé : troquer le trop belliqueux Front national pour un Rassemblement national supposé plus œcuménique n’a pas fait du mouvement d’extrême droite un parti de gouvernement aux yeux des Français, ni attiré à lui de nouveaux alliés.


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