Titeuf au secours du sexe !

par Pale Rider
samedi 1er février 2014

En un temps où l’Éducation Sexuelle Nationale se résume au préservatif, la surprise vient d’où on ne l’attendait pas : Titeuf. Dans Le guide du zizi sexuel (Glénat, 2001), le petit personnage rabelaisien de Zep (en collaboration avec Hélène Bruller) donne aux enfants une image plutôt enviable de la sexualité.

Il y a quelque temps, notre fils est revenu d’un voyage scolaire en ayant acheté, lors d’une visite consacrée aux Étrusques, un souvenir : Le guide du zizi sexuel. Évidemment, à la descente du car, il ne parlait que de bite, de couilles, de nichons. Et les Étrusques, au fait ? Ah oui, c’était pas mal, mais tu sais, le livre de Titeuf…

 Le paternel était excédé de cette monoculture conversationnelle tournant toujours sur le même registre, jusqu’à ce que sa charmante épouse, quelques jours plus tard, regarde ce livre, et lui dise : Tu devrais y jeter un coup d’œil : c’est surprenant.

Sexualité joyeuse

 Effectivement, à côté des dessins toujours aussi provocants, crados, indécents mais irrésistiblement marrants de Titeuf et de ses potes, les explications données aux enfants sur la sexualité « surprenaient en bien », comme on dit au pays de Zep. On peut dire que c’est un livre sérieux sur le fond et rigolo sur la forme, que ce soit celle du zizi en érection ou celles des seins des filles. Plus étonnant encore, la sexualité y est présentée d’une manière respectueuse, ou pourrait dire admirative, en tous cas positive, enthousiasmante, joyeuse, tonique.

 Certes, on n’y prêche pas la fidélité dans le mariage et encore moins la chasteté préconjugale (bien qu’on précise que certains font l’amour tardivement, comme c’est leur droit : « on peut avoir du désir sexuel dans son corps et ne pas vouloir faire l’amour dans sa tête parce qu’on préfère attendre. »), il n’y a pas de morale si ce n’est, et c’est essentiel, qu’on fait l’amour quand on a des sentiments, et des sentiments partagés, librement consentis, où c’est le cœur qui parle (le terme revient souvent).

 L’ordre des chapitres donne à lui seul la tonalité du livre : 1) Être amoureux ; 2) La puberté ; 3) Faire l’amour ; 4) Faire un bébé ; 5) Se protéger ; 6) Fais gaffe !

 Le point de départ de la sexualité, c’est d’abord le désir et même le sentiment amoureux. Et, après quelques explications anatomiques aussi bien faites qu’amusantes, on parle de faire un bébé : « Quand ils s’aiment énormément, au bout de quelque temps, les adultes ont envie de faire un bébé ensemble. » Cette présentation de la reproduction comme fruit de l’élan amoureux est extrêmement tonique, optimiste. Suit une description du développement de l’enfant in utero, sujet d’émerveillement sans qu’il y ait besoin de le dire.

 Ensuite seulement, viennent les informations sur la contraception, les MST, les préservatifs. Et, enfin, une excellente et très pratique mise en garde contre les prédateurs sexuels (pédophilie, inceste).

 Titeuf partage donc une vision positive du sexe, avec une sorte de morale laïque qui ne définit ni normes sexuelles, ni normes familiales, mais qui, loin de la consommation du corps de l’autre, fait résolument intervenir l’élan sentimental comme moteur de la sexualité.

Le diktat des hygiénistes

 La lecture d’un manuel de SVT, niveau 4e, est beaucoup moins « bandante ». On est dans le clinique, dans le scientifique. Normal : on est à l’école, on n’est pas là pour s’amuser. Jusqu’ici, rien à dire. C’est ensuite que l’idéologie apparaît. Si le chapitre 2 s’intitule : « Choisir d’avoir ou non un enfant », l’Unité 1 fait immédiatement barrage : « Prévenir une grossesse ». Suivent les lois sur la contraception, le moyen de se la procurer librement et gratuitement, la contraception d’urgence, etc. Entre parenthèses, avec toutes ces informations dispensées en détail à des gosses de 13 ans, on se demande pourquoi l’avortement n’a pas diminué comme moyen (désormais sans restriction aucune) de ne pas se reproduire.

Enfin, évidemment, débarque le préservatif comme moyen de ne pas attraper un gosse ou le sida.

 Dans les cours de récré, on ne parle que de ça : les capotes. Il paraît même qu’on va en distribuer aux élèves. Ainsi, les garçons essayeront de faire croire qu’ils s’en servent parce qu’ils « sortent avec » unetelle (ou untel…), c’est-à-dire exactement le contraire : qu’ils entrent dans unetelle (ou untel…). À peine sorti de l’enfance, on se voit offrir une image (et un accessoire) de la sexualité sous l’emblème de la sécurité, de l’étanchéité et d’une fallacieuse absence de risque. Citation de Pierre Bergé : « Quand va-t-on, dans les collèges –je dis bien les collèges– et dans les lycées, avoir des préservatifs gratuits ? Et quand va-t-on faire des vrais cours d'éducation sexuelle sur le sida ? » (RTL, 4 avril 2013) Le sexe, c’est le sida. Dans le quartier parisien du Marais comme dans le lycée de Guéret, à en croire M. Bergé.

Parlez-moi d’amour

 Même si l’Éducation Nationale doit observer une certaine neutralité (terme qui mériterait un essai à lui seul), rien ne l’empêche de dire que la sexualité humaine n’est pas qu’une affaire de zigounette dans le pilou-pilou (selon la terminologie desprogienne) ou ailleurs (selon M. Bergé) mais une histoire d’élan affectif vers l’autre et, qui plus est, respectueux de l’autre. Eh bien, c’est le très scatologique Titeuf qui vient à la rescousse pour nous rappeler que ce qui fait de nous des humains, c’est que le sexe nous parle d’amour. Les manuels de SVT distillent une idéologie digne du Dernier tango à Paris  : du sexe, mais surtout pas de sentiments. Ce qui était, dans les années 70, l’élucubration d’une « élite » est désormais l’image de la sexualité qu’on enseigne à nos enfants.

« Sécurité / ce-cul-raté » : merci à M. Peillon, à ses prédécesseurs et, je le crains, à ses successeurs (tiens ! il y a une belle contrepèterie dans ce mot). Entre l’époque où, en classe de 1ère, la prof donnait quelques indications anatomiques en rougissant comme une pivoine devant des jeunes de 16 ans guère moins gênés, et notre temps où copuler peut se faire quand on veut avec qui on veut pourvu que le zizi sexuel soit plus capoté qu’une Cadillac Eldorado par temps de pluie, je me demande ce qu’il faut préférer. Le goût de l’interdit, quand on se montrait pendant les inter-classes quelques photos (bien anodines aujourd’hui) de Hara-Kiri concocté par feu Cavanna et ses amis, ça avait quand même un côté sympa. On faisait semblant de s’en foutre, on faisait les malins, mais ces transgressions nous préparaient à un émerveillement sexuel à venir. Plus de quarante ans après, cet émerveillement est toujours là. Comme le dit un Proverbe biblique (5.18-19) extrêmement érotique : « Que ta source soit bénie, et fais ta joie de la femme de ta jeunesse, biche des amours, gazelle gracieuse ; enivre-toi de ses seins en tout temps, sois sans cesse grisé par son amour. »


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