Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les profs sans jamais oser le demander

par republicain
lundi 2 avril 2007

Peut-être devrions-nous suivre une thérapie ? La petite enfance laisse parfois des traumatismes indélébiles. Pour les uns, les épinards, pour moi les endives à la béchamel et pour Claude Allègre, un papa pas gentil prof en prépa et un échec à Normale sup qui lui firent détester les classes préparatoires jusqu’à la fin de ses jours.

Il faut bien l’avouer, nous avons tous un compte à régler avec le « corps enseignant », un avertissement de travail pour le petit dernier, le souvenir d’une injustice, les discours de Philippe Mérieux...

Etrange malédiction qui frappe une profession accusée de paresse par ceux qui ne tiendraient pas une heure face à une bande d’ados déchaînés... La preuve, ceux qui critiquent les profs peinent parfois à gérer, le soir venu, les deux ou trois sauvageons qu’ils ont eux-mêmes conçus treize ou quatorze ans auparavant ...

Les profs font de la résistance

En octobre 2006 un sondage montrait que les attentes des profs et celles des parents se rejoignaient Les uns et les autres veulent renforcer l’autorité des professeurs et les sanctions, la transmission des valeurs civiques

Les profs sont à une écrasante majorité favorables au soutien individualisé et plus prudents que les parents face à la panacée internet.

Un autre sondage, pour le Monde de l’Education paru en mars 2007 crée la surprise ; les profs veulent la mise en place après les heures de cours d’un soutien scolaire assuré par les enseignants qui seraient rémunérés pour cela. Travailler plus, oui mais pour ne pas se prolétariser.

Ils sont favorables à une autonomie accrue pour les établissements scolaires mais refusent la mise en place de la bivalence (enseignement de deux matières par un même professeur).

Ils rejettent la présence d’un autre adulte aux côtés du professeur dans la classe ou la présence des enseignants dans les établissements à raison de 35 heures par semaine.

Réalistes, ils repoussent l’instauration d’une scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans.

Parents, profs, même combat... Mai 1968 semble bien loin.

Les zélateurs de la « modernité » présentent volontiers les profs et leurs deux syndicats majoritaires comme des forces obscurantistes hostiles au bonheur des têtes blondes.

Les choses ne sont pas aussi simples : une enquête de l’OCDE, l’enquête Pisa, prouve en toute objectivité que notre système tient la route et que l’école n‘est pas responsable de tous les maux.

Ainsi, les élèves dont les parents possèdent un emploi bien rémunéré, un bon niveau d’instruction et, à la maison, des biens "culturels", ont en moyenne, dans tous les pays, des résultats bien meilleurs que ceux qui n’ont pas ces avantages. Toutefois, l’écart n’est pas partout le même. L’Australie, le Canada, la Finlande et le Japon se distinguent par des niveaux élevés tant pour la qualité que pour l’équité.

Dans l’ensemble, les pays riches tendent à obtenir de meilleurs résultats que les pays pauvres en matière d’éducation, mais il y a des exceptions : le revenu national de la Corée, par exemple, est inférieur de 30 pour cent à la moyenne de l’OCDE, mais ses élèves figurent parmi les meilleurs des pays de l’OCDE. Il n’est pas non plus indispensable de dépenser beaucoup pour réussir : l’Australie, le Canada, la Corée et le Japon réalisent un bon "rapport qualité-prix" dans leur système éducatif. Cependant tous ces ’économes’ paient bien leurs profs.

Les enseignants coréens sont des privilégiés et les japonais doivent assurer seulement 500 heures d’enseignement par an. Partout, surtout en Chine , la discipline est la règle.

Les systèmes éducatifs des six pays de l’Asie de l’Est (Chine, Corée...) qui ont pris part à l’évaluation 2003 du PISA figurent parmi les dix meilleurs et par ailleurs réussissent sans oublier en chemin un grand nombre d’élèves. Les pays qui réussissent , ceux qui réduisent les inégalités sociales, sont donc ceux qui ne transforment pas leurs profs en animateurs.

En revanche, 20 % des jeunes de 15 ans en moyenne dans l’Union européenne et plus d’un quart aux Etats-Unis obtiennent des résultats classés au niveau 1 (le niveau le plus faible dans l’évaluation du PISA) ou en dessous. L‘Italie, les Etats-Unis et l’Allemagne ont des résultats déplorables.

Dans ces pays, la dégradation des résultats se traduit par un véritable débat. Au Québec, en Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne les « modernisations » des dernières années sont remises en question, le pédagogisme doit rendre des comptes.

La France, elle, se situe au-dessus de la moyenne.

Par ailleurs, les classements internationaux mettent en en évidence le succès des grandes écoles.

Mais pourquoi diantre le gouvernement a-t-il demandé un rapport de la mission d’audit de modernisation » (P. Lepetit et A. Beurrier, IGF, en octobre 2006 ) ?

Pour revenir sur des mesures fâcheuses, réhabiliter les profs ?

Oh ! non ! Il envisage exactement le contraire : des économies drastiques et l’annualisation du service des enseignants.

Les rapporteurs envisagent de récupérer 2 000 à 8 500 emplois par la suppression des décharges et en faisant travailler les enseignants durant les périodes de stage par une annualisation du temps de travail. Pour les auteurs du rapport, les périodes de stage ne créent pas du travail pour les enseignants : ils semblent ignorer que les élèves sont suivis et visités durant ces périodes.

Un pays est allé dans ce sens-là, les Etats-Unis. La charge d’enseignement des professeurs est de 1 000h par an, les salaires sont médiocres, les résultats aussi.

Etrange France où modernisation signifie copier ce qui ne fonctionne pas ailleurs et casser ce qui fonctionne.

Ainsi une autre idée se profile : les Cpge disposent par étudiants de moyens conformes à ce que l’on trouve dans les autres pays, il faut donc réduire ces moyens pour les aligner sur la grande misère de l’Université française.

Le rapport inspirera, dit-on rue de Grenelle, le futur ministre quel qu’il soit... Circulez il n’y a rien à voir

Touche pas à mes décrets de 50

Au même moment, deux économistes publient une étude qui fait mal dans les salles de classe : depuis le début des années 80, les profs ont perdu 20% de pouvoir d’achat. Pendant la même période le pouvoir d’achat des Français progressait lui d’un tiers.

Pendant cette même période, le Parti socialiste a occupé le pouvoir seize ans et la droite onze ans. Les profs seraient-ils trahis par leurs élus ?

Une candidate, et pas la dernière, enfin pas encore, madame Royal, veut faire travailler ces paresseux 35 heures par semaine... Car chacun sait bien qu’il n’y a ni cours à préparer, ni copies à corriger ni stress à gérer.

Etrange madame Royal, elle dit aimer les profs et après l’augmentation du smic annoncée par elle, un prof avec un bac plus 5 gagnera... le smic. Un certifié débutant gagne actuellement moins de 1 300 euros.

Jadis, elle fit de belles circulaires pour dénoncer ces mêmes profs comme des pédophiles en puissance ; elle laissa de mauvais souvenirs du côté de Montmirail et s’étonne encore que les profs, ces ingrats, ne soient plus que 30% à voter pour elle...

Il faudra toute l’habileté du gouvernement et plus encore celle de M Sarkozy pour réconcilier les profs et Ségolène.

Un ministre, et non le moindre, M. Copé, annonce qu’un prof en fin de carrière gagne plus de 4 000 euros nets... et les malheureux « certifiés hors classe dernier échelon » croient en vain comprendre que le ministre du Budget leur annonce une augmentation de 50% de leur traitement...

Pauvres profs de France, ils sont plus mal payés que leurs collègues portugais, ont un temps de service dans la moyenne de l ‘Europe et leur ministre, M de Robien, explique que l’intérêt de nos têtes blondes et brunes est d’annualiser le temps de travail des profs et d’amputer leur pouvoir d’achat.

Il faut préciser que les profs, à la différence des autres « bac plus 5 » de la fonction publique, n’ont pas de primes pour compléter les salaires . S’ils veulent faire bouillir la marmite, ils doivent faire des « heures sup »...

L‘heure supplémentaire, le Sésame du prof « à charge de famille , est rendue possible par des décrets datant de 1950 . Les décharges de service, les effectifs pléthoriques, les heures de labo... tout est comptabilisé dans les fameux décrets que déteste M. de Robien.

Or les profs le savent bien, si les décrets disparaissent, si leur temps de travail est annualisé comme le souhaitent les audits réalisés par des hauts fonctionnaires (qui eux doublent leur salaire grâce aux primes), les profs perdront la possibilité de gagner plus en travaillant plus. Les décrets de 1950 sont bien le dernier rempart contre la logique comptable de la rue de Grenell.

Quand Mme royal parle de 35 heures par semaine au collèg, les profs qui font déjà plus de 35 heures effectives comprennent : remise en question des décrets de 1950, fin des heures sup, perte de pouvoir d’achat.

Quand l’UMP parle de « suspendre le décret de Robien pour remettre à plat les décrets de 1950 », les profs regrettent déjà M de Robien car ils envisagent le pire.

La « séduction « de Nicolas Sarkozy se transforme en provocation. Comment rassurer les profs en annonçant la « remise à plat des décrets de 1950 » ou encore une marge de manœuvre financière avec 22 000 équivalents emplois de décharge à supprimer ? Dix fois plus de suppression que ce que Robien voulait économiser.

Les profs savent ce qu’ils perdront, ils n’ignorent pas qu’à la place, en compensation, ils n’auront rien ou pas grand chose.

Ainsi la prime « zep » pour les téméraires ou plutôt les bizuths envoyés dans un établissement difficile, s’élève à 1 108,08 euros pour l’année, soit moins de 100 euros par mois.

Les bons vieux décrets de 50 avec leurs heures sup sont plus généreux car ils remontent eux à une époque où les profs étaient mieux payés que les femmes de ménage.

Alors les profs deviennent méchants et rancuniers, ils s’interrogent. Mais qui donc parmi les candidats n‘a pas été traumatisé dans sa petite enfance ? Qui donc sera capable sinon de les aimer tout au moins de les comprendre ?


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