Dans son texte, titré Haute trahison, elle ose la formule de "coup d’Etat", argumentée ainsi : "comment le président de la République peut-il décider seul, alors que
le peuple français a juridiquement rejeté l’intégralité du traité, de
faire cependant ratifier par voie parlementaire la majeure partie des
dispositions qu’il contenait au motif que celles-ci ’n’auraient pas
fait l’objet de contestations’ ? (...) On pouvait peut-être apercevoir que le ’non’ de gauche déplorait
davantage la menace sur l’Etat-providence et le ’non’ de droite la
perte de l’Etat régalien, mais il est certainement impossible et
inconcevable de sonder le cerveau de chaque Français en prétendant y
déceler des dispositions qu’il aurait rejetées et d’autres qu’il aurait
approuvées. La démarche du président de la République prétendant
interpréter seul la volonté du peuple français est totalement
arbitraire et confine à la dictature. (...) on ne peut qu’être bouleversé par le coup d’Etat ainsi
perpétré en France. Si le président a la conviction que les
dispositions restant dans le traité modificatif ont fait l’objet d’une
approbation implicite des Français, encore faut-il qu’il s’en assure en
organisant un nouveau référendum tendant à obtenir leur accord
explicite. Comment qualifier et sanctionner, dès lors, un tel coup
d’Etat ? Le texte de la très populaire Constitution de 1793 n’y allait
pas de main morte en disposant, dans son article 27 : ’Que tout
individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par
les hommes libres’. La peine de mort étant désormais prohibée par la
Constitution française il convient de s’y conformer et de se tourner
plutôt vers l’article 35 du texte de 1793 qui affirmait
solennellement : ’Quand le gouvernement viole les droits du peuple,
l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le
plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs’. La
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée au
préambule de l’actuelle Constitution, range aussi la résistance à
l’oppression parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Notre texte constitutionnel affirme encore que le
principe de la République est ’gouvernement du peuple par le peuple et
pour le peuple’ et que son président est élu au suffrage universel
direct pour veiller au respect de la Constitution, assurer le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat
et garantir l’indépendance nationale. Le terme qui vient à l’esprit
pour désigner le mépris présidentiel de la volonté populaire est
évidemment celui de haute trahison. Malheureusement, une révision des
dispositions sur la responsabilité pénale du chef de l’Etat, intervenue
en février 2007, a substitué à l’antique et belle formule de haute
trahison, l’expression affadie et banale de ’manquement à ses devoirs
manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat’. Cela
manque singulièrement d’allure et de force, mais l’on s’en contentera
cependant en proposant aux parlementaires, au lieu de commettre
eux-mêmes une forfaiture en autorisant la ratification d’un traité
rejeté par leurs mandants, de se constituer en Haute Cour pour
sanctionner le coupable. Sans insurrection ni destitution, nous n’aurons alors
plus qu’à pleurer sur notre servitude volontaire en réalisant que nos
élus représentent bien ce que nous sommes nous-mêmes devenus : des
godillots."
Et en plus, il avoue !
Le futur président l’avait annoncé clairement
dès mars dernier : il n’organiserait pas de référendum justement par
crainte que le vote ne soit négatif. Un cran dans le cynisme vient
d’être franchi, comme le rapporte le quotidien britannique The Telegraph dans son édition d’hier. Sarkozy a en effet déclaré, lors d’une réunion à huis clos de parlementaires européens à Strasbourg : "La France n’était qu’en avance sur les autres pays dans son vote pour le ’non’.
La même chose arriverait dans tous les Etats membres si un référendum y
était organisé. Il y a un clivage entre les peuples et les
gouvernements. Un
référendum aujourd’hui mettrait l’Europe en danger. Il n’y aura pas de
traité si un référendum a lieu en France, et il en va de même pour un
référendum au Royaume-Uni."
S’il ne veut pas de référendum, ce n’est donc pas de peur que la
réponse soit négative, mais parce qu’il en possède la certitude : c’est
bien en quoi celui qui incarne la souveraineté du peuple français, en
violant délibérément sa décision, se rend effectivement coupable de
haute trahison. A noter qu’aucun média français ne s’est fait l’écho de
la scandaleuse déclaration présidentielle. Seuls en parlent sur le web
le Collectif du 29 mai, qui a mis en ligne une pétition, et Solidarité & Progrès, le parti du controversé Jacques Cheminade. Pour notre part, après un premier billet titré La démocratie confisquée, nous avons publié un Appel à la gauche parlementaire,
non pas à réunir la Haute Cour de justice pour destituer le félon -
nous n’osons en rêver - mais simplement pour refuser la modification
constitutionnelle nécessaire à la ratification parlementaire, et ainsi
à obliger Sarkozy à organiser un nouveau référendum. Faute de quoi,
comme l’écrit Anne-Marie Le Pourhiet, ils commettraient eux-mêmes une forfaiture. Nous réaffirmons évidemment cette exigence.