Tripadvisor, mode d’emploi

par Fergus
mercredi 28 août 2019

Le 7 août, je publiais sur AgoraVox un article intitulé « Fesses nues, un bistrotier en guerre contre Tripadvisor ». Le sujet : un limonadier malouin à l’évidence beaucoup plus intéressé par une recherche de publicité pour son établissement que par la lutte contre un site dont l’existence n’a pas la moindre incidence sur son chiffre d’affaire. Précisément, comment fonctionne Tripadvisor dans le domaine de la restauration ? Et quels sont principalement les utilisateurs de ce site ?

L’article paru début août m’a valu de nombreux commentaires de personnes qui avaient un a priori négatif sur Tripadvisor ou qui se nourrissaient d’idées reçues sur son mode de fonctionnement. Des personnes qui, manifestement, ignoraient tout, pour la plupart d’entre elles, du système d’évaluation des restaurants et de l’usage qui en est fait par les internautes. A contrario, les usagers du site qui se sont exprimé ont souligné leur satisfaction du service rendu. C’est pourquoi il m’a paru utile d’apporter quelques précisions sur le mode de fonctionnement de Tripadvisor afin de démêler le vrai – facilement vérifiable en ligne – de ce qui relève trop souvent du fantasme d’internautes vent debout contre « les dérives du libéralisme et du consumérisme ».

Je suis d’autant plus à l’aise avec cette question que j’étais moi-même très réticent il n’y a pas si longtemps à l’égard des plateformes qui se multiplient dans différents domaines avec l’objectif revendiqué de faciliter la vie des internautes. Or, il s’avère que mes expériences, alliées à celles de personnes de mon entourage et à de nombreux témoignages glanés ici et là, m’ont progressivement démontré l’incontestable utilité de Tripadvisor pour les voyageurs. Lorsqu’on débarque dans une ville inconnue loin de chez soi, a fortiori à l’étranger, il est en effet très difficile – ne serait-ce que par manque de temps – de faire un choix de restaurant à la seule lecture des cartes affichées. Rien n’est d’ailleurs plus trompeur ! Une carte alléchante et une belle façade peuvent en effet cacher un établissement médiocre en termes de qualité de cuisine et d’accueil du personnel alors qu’un restaurant peu séduisant en apparence peut recéler une table d’excellente qualité et un service impeccable. Tout le monde sait cela ; il suffit pour s’en convaincre de se référer aux restaurants de son propre lieu de résidence pour s’en convaincre.

Certes, le voyageur en terre inconnue peut avoir recours aux conseils de son logeur, qu’il s’agisse d’un hôtelier ou du gestionnaire d’une chambre d’hôtes. Mais comment se fier à son avis alors que l’on ne connaît strictement rien de ses goûts ? Alors surtout qu’il peut avoir partie liée avec tel ou tel restaurateur dont il se garde bien de dire qu’il s’agit d’un ami, d’un parent, voire d’un professionnel qui lui renvoie l’ascenseur lorsque les clients se prévalent de sa recommandation. Encore faut-il, en outre, pouvoir se comprendre, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans les pays d’Asie.

C’est pour ces raisons qu’un site comme Tripadvisor peut se révéler très utile. Et je le reconnais bien volontiers : depuis que je m’appuie principalement sur les notes du site et les avis déposés par les clients pour affiner mes choix lors de mes voyages, je ne connais plus jamais les très mauvaises surprises qu’il m’est arrivé de subir en quelques occasions dans le passé, aussi bien en France qu’à l’étranger. Mieux : grâce à ce site, j’ai découvert – dans différents types de cuisine – des établissements de grande qualité où je n’aurais sans doute jamais mis les pieds, soit parce qu’ils ne paient pas de mine, soit parce qu’ils sont implantés à l’écart des lieux d’animation, parfois même dans une localité extérieure.

Je n’ai pas la prétention de convaincre par le biais de cet article ceux qui campent sur une opinion bien arrêtée, le plus souvent dictée par des considérations idéologiques. Mais au moins ai-je l’intention d’indiquer comment fonctionne réellement une évaluation. En tout premier lieu, il est demandé à l’internaute qui souhaite apporter sa contribution de juger l’établissement sur une échelle de cinq qualificatifs : horrible, médiocre, moyen, très bien, excellent. Cela fait, le contributeur doit ensuite préciser pour quel type de repas il est venu et rédiger un commentaire d’au moins 100 caractères pour justifier sa note globale. Après quoi, il doit encore – toujours sur la base des cinq qualificatifs ci-dessus – se prononcer sur trois critères essentiels en matière de restauration : le service, la cuisine, le rapport qualité-prix. Ayant enfin répondu à quelques questions annexes, notamment sur l’accessibilité aux handicapés, sur la possibilité de réserver une table ou bien encore sur l’adaptation de l’établissement aux familles, l’internaute peut enfin poster sa contribution.

Plus il y a d’évaluations, plus Tripadvisor est fiable

Comme on peut le constater, il ne s’agit pas de noter un restaurant de manière impulsive en un clic enthousiaste ou dépité ! Ce qui ne veut bien entendu pas dire qu’il n’existe pas d’évaluations, ici résolument dithyrambiques, là carrément hostiles pour des établissements de bonne tenue, mais qui, à l’évidence, ne méritent ni tant d’honneur ni tant d’agressivité. Fort heureusement, le nombre – sans cesse croissant – des contributions postées par les clients des restaurants élimine de facto l’influence des évaluations trop décalées, celles-ci se trouvant noyées dans la masse. Et c’est sans doute la meilleure garantie de fiabilité pour les internautes qui consultent le site en recherche d’une table de qualité.

Parmi les autres griefs entendus ou lus par les adversaires idéologiques de Tripadvisor figure l’accusation d’un classement des restaurants « délirant » ou « débile » car il mêle des établissements gastronomiques à des crêperies et des pizzérias, voire des restaurants ouvriers ou des « kebabs ». Certes, ce classement existe, mais il n’a pas vocation à hiérarchiser les types de restaurants dans l’absolu. Le phénomène est tout simplement dû au fait que, dans une ville donnée, il peut se trouver qu’une modeste crêperie ou un simple bar à tapas fasse l’unanimité de ses clients alors que le restaurant gastronomique local – salué le cas échéant par le Gault et Millau ou le Pudlo – ne recueille pas la même unanimité de louanges de la part de ses propres clients. Ce n’est d’ailleurs pas ce classement général – il n’a qu’une valeur anecdotique – qui intéresse le plus les internautes en quête d’un restaurant de qualité, mais plus sûrement le classement particulier par type de restauration.

Tripadvisor propose à cet effet différentes catégories auxquelles chacun peut se référer en fonction de ses goûts et du type de restaurant qu’il recherche : cuisine française, italienne, japonaise, indienne, fruits de mer & poisson, crêperie, etc. Mais pas seulement : en fonction de l’offre existant dans la ville en matière de restauration, l’internaute peut puiser dans un registre plus ou moins étendu, jusqu’à une centaine de types de cuisine dans les grandes métropoles européennes. Vous êtes à Paris, à Rome ou à Berlin, pas de problème : si vous recherchez un restaurant grec, marocain ou russe, il suffit de cliquer sur ce critère, et Tripadvisor liste les établissements correspondants qui sont implantés dans ladite ville avec leur note et les commentaires qu’ils ont suscité de la part des contributeurs.

De manière générale, les restaurateurs ne se plaignent pas de Tripadvisor. Et contrairement à ce que l’on pouvait entendre il y a quelques années, la plupart ne mettent plus en cause l’objectivité des jugements portés sur leur établissement, malgré quelques dérapages ici et là. Certains professionnels reconnaissent en outre apprécier la publicité qu’un excellent classement et des commentaires élogieux leur procurent gratuitement par le seul biais de l’apport contributif des internautes. Quant aux plus réticents à l’égard du site, c’est sans surprise parmi ceux dont le restaurant plonge dans les profondeurs du classement que l’on peut les trouver. À noter qu’un nombre croissant de professionnels choisissent de répondre aux commentaires, parfois pour présenter des excuses en cas de dysfonctionnement avéré du service. Mais ils restent très minoritaires.

Un mot pour terminer : dans le débat qui a suivi mon article du 7 août, j’ai proposé aux intervenants hostiles à Tripadvisor de se rendre sur ce site pour prendre connaissance des notes et des commentaires attribués aux restaurants de leur ville ou de ses environs dont ils ont pu eux-mêmes évaluer la qualité de la cuisine et de l’accueil. Un test que lesdits contradicteurs se sont bien gardés de faire. Pour ma part, j’ai fait ce rapprochement et j’ai constaté que les restaurants qui, à mon goût, étaient les meilleurs dans leur catégorie étaient tous très bien classés et bénéficiaient de commentaires très positifs. A contrario, les établissements de moindre qualité, que ce soit en termes de cuisine ou d’accueil, étaient relégués plus loin dans le classement et suscitaient des commentaires mitigés. Ce test est intéressant car il met de manière évidente à mal le soupçon d’une hiérarchie fabriquée. Ce type d’accusation n’a d’ailleurs quasiment plus court, pas même dans les rangs des restaurateurs et des représentants de l’UMIH*. Il est vrai que s’y côtoient les gagnants du système, autrement dit les professionnels de talent, et les autres, en l’occurrence tous ceux que Tripadvisor oblige à se remettre peu ou prou en cause.

En conclusion, il faut se rendre à l’évidence : la mise en ligne des contributions participatives sur des sites comme Tripadvisor va dans le sens de l’histoire. Et c’est très bien ainsi car cela apporte une mine de renseignements aux internautes, et tout particulièrement aux voyageurs. Encore faut-il que les éventuelles dérives soient non seulement combattues mais éradiquées. Ce processus est en cours sur différents sites. Mais d’ores et déjà, le nombre toujours plus élevé des contributions participe très largement à la marginalisation, et par voie de conséquence à l’innocuité des interventions malveillantes.

UMIH : Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie. Elle comprend quatre branches, dont l'une dédiée aux Cafés et aux Brasseries, et l'autre aux Restaurants.


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