Trois femmes et un coussin (ministériel) !
par Georges Yang
jeudi 28 juin 2007
Trois femmes issues de l’immigration ou, autrement dit, des minorités visibles sont au gouvernement ! Certains exultent, d’autres applaudissent des deux mains, certains à gauche regrettent de ne pas l’avoir fait quand ils étaient au pouvoir. Personne n’ose critiquer frontalement l’initiative. Tout le monde a distingué les trois femmes, leur origine, personne n’a remarqué qu’aucun homme issu d’une minorité ethnique n’a été nommé au gouvernement. L’explication est pourtant simple, Sarkozy a senti que l’opinion publique, orientée par son inconscient collectif, n’était pas encore prête pour accepter des ministres mâles un peu trop pigmentés.
Sans nier les qualités humaines, professionnelles et intellectuelles des trois personnalités féminines entrées au gouvernement, il faut remarquer qu’il était judicieux de les choisir sans avoir le risque de provoquer crainte ou colère. La présidentialisation à outrance ne s’embarrasse pas de compétences non médiatisables. Il fallait un panel, que dis-je un casting de femmes photogéniques non ménopausées, si possible d’origine étrangère pour faire les prochaines couvertures de Paris-Match. Remarquons donc que si Clémentine Autain à gauche a été approchée, aucune éléphante socialiste défraîchie n’a eu l’honneur d’un contact téléphonique.
Le précédent Azouz Begag nous montre qu’il n’est pas facile de faire sa place quand on sort ethniquement de l’ordinaire pour un homme. Il suffit de lire et d’entendre Begag pour constater que sa position de cinquième roue du carrosse n’était pas facile à assumer. Sarkozy semble-t-il ne lui a pas montré d’empathie ou d’intérêt particulier, mais plutôt de l’indifférence pour ne pas dire du mépris. Selon ses propres mots, Begag a été le "mouton dans la baignoire" et pourtant, il n’a jamais été arrogant, toujours loin de l’image de l’islamiste barbu ou du rappeur agressif. La gauche n’a d’ailleurs jamais défendu le membre du cabinet Villepin parce qu’en plus de se dire villepiniste, il portait costume et cravate, parlait un français intelligible au lieu d’arriver pieds nus à l’Elysée, habillé en street wear et en disant « telmor, la meuf ! ». Car à gauche, on apprécie les caricatures de Noah et de Debbouze pour les personnes issue de l’immigration. Faudel en a fait les frais. Son soutien à Sarkozy lui a valu encore plus de lazzis qu’à Doc Gynéco. Johnny, Line Renaud, Mireille Mathieu et autres stars dites de souche n’ont ni gagné ni perdu de leur popularité en soutenant le candidat UMP. L’arabe de sexe masculin quand il est médiatisé, doit être de gauche ou il perd sa légitimité, il n’a pas même le droit d’être centriste. Begag et Bourras en ont fait les frais aux législatives.
Sarkozy a donc choisi des femmes d’origine étrangère car il a compris qu’elles n’attirent quasiment jamais d’hostilité. Si Le Pen a osé douter de la francité du "Hongrois", il n’a jamais osé dire quoi que ce soit d’une femme arabe ou noire !
Dans la rue, dans le métro, les hommes se retournent sur les jeunes et jolies filles, noires, antillaises, chinoises ou arabes. Les femmes dites blanches sont envieuses, jalouses ou admiratives. La femme, même très bronzée sans recours aux UV est en général bien vue par la société française ou du moins elle ne soulève pas l’hostilité, sauf si elle est gitane soupçonnée de vol à la tire ou mère de famille nombreuse de surcroît en costume traditionnel. En ce cas, elle est considérée comme une envahisseuse potentielle capable de mettre en danger l’équilibre ethnique du pays quand elle encombre les bus avec ses poussettes et sa marmaille.
Les trois nouvelles ministres, je le répète, en dehors de leurs qualités professionnelles, sont jeunes, au physique agréable et à ce que je sache ne sont pas mères de familles nombreuses, même si elles en sont issues. La France d’en bas accepte trois gosses et plus pour Boutin ou même Royal, elle le supporterait moins de Dati !
La peur de l’homme venu d’ailleurs ne concerne pas que notre pays et notre époque. C’est un phénomène universel et de tout temps. Je rappellerai que la France a subi des invasions de Vandales, de Huns, d’Arabes à Poitiers, mais aussi de Vikings, d’Anglais et de Teutons. On ne peut nier que cet environnement historique n’ait influé sur les mentalités. L’étranger mâle fait peur car il ramène au temps des invasions, au temps des violences. C’est le Noir et l’Arabe qui brûlent des véhicules. C’est l’homme qui égorge le mouton dans la baignoire, pas la femme. Bien sûr, quand il s’agit d’odeurs, c’est la femme qui cuisine et laisse filtrer sur le pallier des effluves de merguez et de mafé. Mais là encore, c’est la mère de famille nombreuse, celle qui met en danger l’équilibre démographique, pas la petite Black filiforme au string apparent ou la Beurette aux ongles incroyables et au pantalon moulant !
La gauche n’a jamais valorisé d’autres minoritaires en dehors de sportifs, de chanteurs ou d’artistes, alors que ces personnalités ne sont point représentatives de la société quelle que soit l’origine de ses membres. Les débouchés professionnels avec fortes rémunérations ne touchent qu’un pourcentage négligeable. Mais la gauche a aussi fait croire que des diplômes dévalorisés avaient valeur sur le marché du travail et que ceux qui n’obtenaient pas la place escomptée étaient obligatoirement victimes du racisme patronal.
Que signifie d’ailleurs "minorité visible" ? S’agit-il d’une identification sur base ethnique ? Sûrement pas s’agissant des Noirs qui sont antillais, africains, métissés de Blancs ou d’Arabes. Il y a autant de différences entre un Bambara, un Haoussa, un Baluba et un Fang qu’il en existe entre un Portugais et un Suédois ! Quant aux Chinois, quand ils deviennent trop visibles rue de Popincourt, les riverains vont voir le Maire du 11e pour s’en plaindre !
Et doit-on privilégier les composantes arabes, berbères, magrébines ou levantines ? Quant au terme visible, comment l’interpréter ? Les Juifs sont-ils visibles ? Oui, si l’on pense aux Loubavitchs, beaucoup moins, voire pas du tout, pour les autres. La question n’est pas neuve. Les nazis ne l’ont pas résolue. Ayant commencé avec des caricatures de Juifs au nez busqué, au teint bistre et aux ongles crochus, ils se sont vite aperçu que beaucoup ne correspondaient pas au cliché et ont eu recours à l’étoile jaune histoire de les rendre pour de bon bien visibles.
D’autre part, le XIXe siècle a développé une littérature et des pamphlets antisémites de Drumont aux anti-Dreyfusards, toujours dirigés contre les hommes de la communauté, on y revient. Il est curieux de noter que parallèlement à la propagande antijuive la plus féroce, se développait le mythe de « la belle Juive » dans la littérature, les feuilletons et la peinture à la même époque. La prostituée juive de Maupassant dans « La Maison Tellier » est si bien intégrée que sa maquerelle l’emmène à une communion solennelle en plein bocage normand !
La femme n’est peut-être pas l’avenir de l’homme en général, elle l’est en ce qui concerne les minorités ethniques !
Parmi les prochains membres du gouvernement, il y aura un jour un Français d’origine arabe ou africaine, mais probablement à un poste de responsabilité inférieure à celle des Guyanais Félix Eboué ou Gaston Monnerville nés au XIXe siècle !
NDLR : Contactés par le cabinet de Clémentine Autain, adjointe au Maire de Paris chargée de la jeunesse, celui-ci dément que Clémentine Autain ait été "approchée" par l’actuel gouvernement.