Trois savoirs universitaires

par Pierre Arrighi
mardi 10 juillet 2007

Les débats sur la réforme de l’université se polarisent autour de la sélection. La sélection pure et dure est une solution aussi facile et aussi nécessaire qu’inefficace. Elle ne résoudra pas le problème considérable de l’université qui est de réformer ses contenus et de sélectionner positivement par des propositions diversifiées et améliorées.

Eternel blocage

Il y a un blocage durable : quand on propose une formation plus appliquée, certains hauts placés rétorquent que l’université n’est pas là pour ça. L’université c’est la recherche, c’est le savoir, ce n’est pas la formation professionnelle.

 

Résultat, dans de très nombreux champs, et notamment dans les sciences humaines si déterminantes dans nos sociétés, les étudiants sortent avec de longs diplômes mais avec très peu de savoir-faire réel.
Deuxième résultat : l’étudiant, pour s’en sortir, se lance dans une professionnalisation ou dans des stages et finit par se "former" en fonction des besoins immédiats de l’entreprise. Toute l’ouverture d’esprit promise par ses anciens professeurs part alors en fumée.

Professionnaliser

L’université a une idée étroite de la professionnalisation. Pour elle, un professionnel, c’est quelqu’un qui travaille dans le privé, non quelqu’un qui sait créer et qui produit des choses utiles et performantes. La vision étriquée du professionnel chercheur d’emploi conduit à une vision étriquée de ce qu’est la professionnalisation : c’est se caler par rapport à l’offre.

Cette vision non créative de la professionnalisation pose le problème suivant : elle va à la traîne, elle cale les savoirs à l’arrière-garde du mouvement de la société. Elle ne crée pas d’entreprise, elle ne prépare pas les réponses aux besoins profonds. On comprend alors la cohérence du raisonnement : le professionnel est limité, la professionnalisation aussi, restons recherche.

Ce mélange des questions qui concernent l’ANPE dans les discours universitaires ne tient pas la route. Faudrait-il former des médecins qui ne soignent pas, qui ne sont pas destinés à être des professionnels ? Et en sciences humaines, faut-il continuer à former des professeurs d’art qui ne savent pas tenir un crayon et des anthropologues du football qui découvrent soudain l’existence du jeu de rue ?

Nouveaux savoirs à développer

Le monde a changé. Il y a trente ans encore on pouvait l’envisager comme partagé entre l’entreprise et le monde du travail. Mais depuis quinze ans les choses ont beaucoup changé, notamment par la vaste diffusion de moyens de production (ordinateurs, logiciels, machines, réseaux, etc.) dans la société et par le caractère gestionnaire croissant de la direction industrielle. L’industrie se décharge d’une bonne part de la recherche productive pour se consacrer à la seule réalisation. Elle prétend asservir et tenir l’initiative productive sociale.

Cette situation crée trois perspectives de savoirs : la recherche fondamentale, la formation professionnelle directe et la production de savoir social. C’est la non-prise en compte de cette dernière possibilité qui pose problème aujourd’hui. Qui fait que, dans de nombreux domaines, la recherche décroche et que, dans d’autres domaines, la professionnalisation échoue.

C’est le rôle de l’université de se moderniser et de proposer les savoirs dont la société des gens, avec l’ouverture créative et porteuse de futur qui doit être sienne. Pas que pour faire un livre ou pour baisser le chômage des autres. Mais pour redonner aux gens une vraie initiative dans la création productive du pays.


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