Trop de mensonges tuent le mensonge

par Michel Tarrier
lundi 19 novembre 2012

La promesse de délivrer la Planète et le Vivant de l'infernale emprise humaine qui les enserre, ne serait-ce que dans l'égocentriste intérêt de notre propre devenir, est évidemment un méga mensonge. C'est la tromperie de notre nouveau testament, celui écologique. Il prit le relais d'un premier mensonge qui dura 2000 ans, celui de dieu. Homo sapiens, espèce intelligente et appropriative, a évidemment besoin d'une illusion pour vivre, survivre, jouer les prolongations, d'un faux semblant pour racheter sa mauvaise conscience et continuer ainsi à se mentir à elle-même.
 

Il y a déjà quelques temps que le système dominant, qui brille par son cynisme, a détroussé les écologues et les écologistes, à leur insu, pour s'accaparer de leur discours sans y croire un instant. Obtenir le consensus d’une société a priori peu portée au souci écologique est une bonne chose, mais faire accroire à des solutions miracles qui de toute évidence en resteront à leur effet d’annonce, qui plus est désamorcer l’inquiétude en rassurant les esprits citoyens, est grave parce que mensonger. C'est ainsi que mythomanie et schizophrénie sont devenues les monnaies courantes de l'écologie politique, avec un relais économique aussi retentissant que grotesque.

Le thuriféraire officiel et mythomane ment le plus souvent parce qu'il craint la réaction qu'entraînerait l'aveu de la réalité et le pataquès politique ou financier qui en résulterait. Cette pathologie tend ainsi à s'auto-entretenir. Circonstance atténuante : contrairement au simple menteur, le mythomane psychopathe n'est pas totalement conscient de son mensonge. Il ne ment pas, mais il se trompe en sachant qu'il se trompe ! Telle est la trame sur laquelle, chaque jour, chaque heure, on nous ressasse les oreilles d'une cause dont, finalement et hélas, tout le monde se fout : celle de l'écologisme et que l'on dit écologique par un raccourci non innocent et aveu d'ambiguïté. Parce que, finalement, nul n'ignore que l'écologie n'a rien à voir avec l'écologisme. Santé, environnement, alimentation, nature..., c'est ainsi que triomphe cette imposture écolo qu'est le mensonge vert. On peut crier "bas les masques", le filon vert n'est plus déboulonnable, il est normalisé, reconnu, parfois même assermenté et fait l'affaire de tous.

Ce succès est directement hérité de l’expiation de la faute postindustrielle de nos sociétés coupables de la dégradation de notre qualité de vie et du grand saccage du patrimoine naturel. Le lobby bio en est le fer de lance, passé de l'obscure, innocente et sincère production de produits naturels à un juteux contre-marché planétaire s'octroyant les têtes de gondole des grandes surface sous couvert de quelques mesurettes qualitatives et sanitaires qui ne résisteraient pas à un examen sérieux de la question.

Durabilité des énergies fossiles, enjeux démographiques, développement dit durable, compensation carbone, économie d’énergie et d’eau, alimentation bio, tri et recyclage, protection des espèces et conservation des espaces… ne sont que des leurres de l’écologie politique ou de marché. Après avoir trop longtemps nié les problèmes écologiques, les gens de pouvoir, leurs suppôts et leurs sbires ont imaginé leur propre réponse toute émaillées d' affabulations majeures. La communication officielle et celle relayée par les commis sont des vérités biaisées ou des messages fallacieux, ou portent sur des sujets illusoires et purement inventés de toutes pièces. Mais ces grandes illusions bricolées et proclamées par l’oligarchie du commerce mondial, reprises à gros moyens et sans répit par les hauts parleurs des médias mensonges ont la dent dure, font des dégâts et nous mènent au pire. Sous couvert d’une fausse écologie orchestrée par le monde marchand, notre planète sera victime de cette énorme propagande. Très loin derrière, les voix d’une vraie écologie plus scientifique qu’idéologique, ne sont pas entendues, toujours discréditées et disqualifiées à traits grossiers, accusées de radicalisme, de terrorisme, de sectarisme.



La formule du conservatisme malin n’est-elle pas celle de Lampedusa dans Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change » ? « Il faut que rien ne change pour que tout change », pourrait-on dire aujourd’hui.

Atermoiement, moratoire, faux-fuyant, faux-semblant, tangente, sourde-oreille, perplexité, embarras, dilemme, expectative, récupération, dubitatif, valse-hésitation, mesurette, façade, calendes grecques, fin de non-recevoir, déni, reniement, tromperie, mauvaise foi, équivoque, sujet à caution, duperie, supercherie, trahison, entourloupe, esbroufe, boniment, manipulation, désapprobation, antinomie, billevesée, potion magique, double langage, illusion, trompe l’œil, faux derche, poltron, langue de bois, omerta, marché de dupes, pleutrerie, fiasco, ratage, bide, plantage, coup d’épée dans l’eau, eau de boudin, feu de paille, pétard mouillé, tour de passe-passe, faux-pas, promesse fallacieuse, déception, désillusion, pierre d’achoppement, queue entre les jambes, bec dans l’eau, vessies pour lanternes, piège à cons, capotage, siphonage, déconfiture, arnaque, fausse route, impasse, hypocrisie, fourberie, imposture, infantilisation, lénifiant, antalgique, aboulie, lobotomie, blanchiment vert, calcul politique, compromission, connivence, complaisance, serviabilité, veulerie, subornation, clientélisme, favoritisme, mauvaise conscience, lobbyisme, électoralisme, démagogie, populisme…

C’est quoi ? Un lexique de bien vilains mots qui sont ceux susceptibles de définir sans excuser l’écologisme de pacotille et de marché qu’on nous balance à tours de bras. C’est la politique proposée et utilisée pour faire croire que l’on "répare" la planète avec des rustines, tandis qu’on la détraque au CO2 et aux OGM. Ce sont les basses œuvres des marchands de faux-espoirs que sont les mouvements majeurs d’écologisme politique, ainsi que les ONG conniventes et profiteuses d’un créneau juteux. On retrouve ces entités malveillantes et souvent mafieuses dans tous les pactes les plus véreux. C’est tout au mieux de l’écologisme pour gagner du temps..., car le temps c’est de l’argent. Ne généralisons pas, il existe des partis et des associations probes et sincères, mais elles ne font pas recette. Cette recette est simple : pour être écolo sans déplaire, il suffit de ne pas l’être.

Cette énorme nébuleuse du mensonge éhonté et organisé permet le blanchiment vert, désormais décomplexé et outrancièrement pratiqué par une économie bluffante prétendant à pareille couleur. Cette OPA des affairistes sur l’écologi(sm)e est un évident marché de dupes aux ficelles énormes. Les étiquettes écolo et bio sont en floraison exponentielle et font donc les choux gras d’un capitalisme en fin de course. La crise écologique fait l’objet d’une grande lessive et ce blanchiment vert touche autant les produits que les esprits.

Les proclamations étatiques tant du sauvegarde du milieu naturel et de la biodiversité que d'un retour (d'ailleurs impossible) à une agriculture saine relèvent de la forfaiture. Ils ne sont qu’un dérivatif aux préoccupations majeures qui sont sempiternellement les mêmes, celles de miner toujours plus les réserves et les ressources. Là opèrent aveuglement les lobbies prééminents et c’est avec une certaine condescendance amusée qu’ils laissent la mouvance écolo agiter son hochet. Ça ne mange pas de pain. Le mot néantisation peut servir à désigner cette véritable philosophie sociétale de la profanation des valeurs naturelles. Il convient d’apprécier à sa lamentable mesure cette notion de protection symbolique, seule attitude de fait possible, les preuves ayant été données tous azimuts pour que l’initiative de protection effective apparaisse dénuée de tout recours face à la priorité économique, touts formats politiques confondus.

Notre mièvrerie consiste peut-être, après tant de promesses fallacieuses, à prendre pour argent comptant de strictes gesticulations et de vaines incantations. Le libéralisme est pavé de bonnes intentions et nous n’en pouvons plus de cette surenchère, de cette tautologie de mesures cosmétiques et de poudre aux yeux. Tout est éco et ce qui ne l’est pas est évidemment bio. Tout un chacun sait ce qui se cache derrière ces labels incantatoires. Et ce dont nous héritons dans nos assiettes est devenu exécrable, tant en saveurs qu’en hauts risques pour notre santé. Prôné par de hauts nababs, ce capitalisme funambule, travesti d’amendes honorables et repeint de vert chlorophyllien, tente de nous faire avaler des couleuvres dont les herpétologues peuvent témoigner qu’elles n’ont jamais été autant éradiquées que depuis qu’il s’agit de les protéger par l’image. L’effet démago s’est hypertrophié depuis la conférence de Rio, site carnavalesque opportun pour le déguisement mirlitonien d’une cause pourtant légitime et essentielle. Cette cause écologique n’est assurément plus que le cache-sexe d’un capitalisme pur et dur. Il ne faut pas être très malin pour évaluer comme un oxymore de plus la mise dans un même panier politique des intérêts aussi opposés que la barbarie économique et la sauvegarde biopatrimoniale.

Vigilance, résistance, dissidence, dédain sont les attitudes les plus appropriées pour répondre à cet immense numéro de récupération.

" Rio + 10, Stockholm + 30, Johannesburg 2002. On m’invite à miser sur ces conférences. D’un point de vue éducatif, j’ai perdu confiance en ces forums. Je ne gage plus sur ces rencontres entre les chefs des nations, où règne une langue de bois. Non, où règne plutôt une langue morte, une langue de béton. Ils sont trop inféodés à une vision comptable et marchande du monde où la croissance économique est devenue le principal impératif." Tom Berryman
 


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