TSCG : Requiem pour une démocratie

par Ariane Walter
mardi 9 octobre 2012

 Gaby Charroux, député FDG, maire PC de Martigues est membre permanent de la commission des finances de l’Assemblée. Pour retarder le vote du TSCG et permettre plus de réflexion sur un sujet si grave, il tente une dernière manœuvre d’ordre juridique : il propose que le texte organique soit renvoyé en commission. Ce qui sera refusé. Même EELV, ne le vote pas. A ce moment du débat, ce parti se positionne entre son intérêt et ses avantages. C’est sa morale. 

 

Ainsi, ce traité va être adopté .

Face à notre démocratie condamnée nous avons plusieurs cas de figures :

-d’une part des citoyens français qui ignorent tout du TSCG, du MES et de la vie politique en général. Ils votent rarement ou pas du tout et sont fiers de dire « je ne m’occupe pas de politique ». Ils ne sont informés de rien. On attire leur attention sur des faits secondaires, des pains au chocolat. Ce dont leur avenir va dépendre ils l’ignorent. C’est une faute. Elle est volontaire. Ce gouvernement en porte l’entière responsabilité. Quand ces gens-là s’apercevront que leur salaire baisse, que leur hôpital ferme, que l’école de leurs enfants est payante, qu’il n’y a plus d’indemnités de chômage, que la pension de leurs parents est baissée, ce sera trop tard.

-Il y a les députés, c’est leur fonction, qui doivent voter les lois. Pour beaucoup de ceux que l’on interroge, ce TSCG est essentiel à l’équilibre de notre démocratie. Ils l’affirment haut et fort. Malheureusement, quand on les interroge d’une manière plus précise on s’aperçoit qu’ils n’ont même pas lu le traité. C’est un piège qui leur a été tendu par canal plus et qui, dans n’importe quelle profession, serait sanctionné par un renvoi. Ce sont des godillots qui coûtent cher à la nation.

-Il y a les députés qui ont été élus d’après leur étiquette. Ainsi, des socialistes, sensés être de gauche, pour qui des gens ont voté parce qu’ils défendent les intérêts du peuple. Malheureusement ils défendent l’intérêt de la finance. Pour s’en dédouaner ils répètent des éléments de langage qui ne trompent personne. Parmi eux, Guigou, qui avait animé il y a quatre ans un atelier de la trilatérale dont le thème était « Comment libérer les peuples de la dictature des référendums » (Circus politicus). Leur attitude, vu leur étiquette, n’est que forfaiture et abus de langage.

-Il y a les députés de droite, dont ce sont les convictions, qui vont voter pour une loi libérale. Mais, même de droite, ils réfléchissent quand même un peu. Ils ne peuvent pas ignorer tout à fait qu’ils vendent leur pays à la Finance. Ou bien pensent-ils qu’ils abandonnent les plus pauvres, comme on abandonne un chien, et que ce n’est pas grave ?

-Il y a tous ceux, quand même, de gauche et de droite qui ont conscience de l’extrême gravité de ce moment. Ceux qui ont défilé dimanche dernier et à qui on ne fera même pas la grâce d’un référendum. Ceux qui vont voter « non » à ce traité. Parmi eux Gaby Charroux et le FDG qui dénonce, étudiant cette loi article après article, une dictature de la finance vers laquelle on nous dirige. Je vous laisse découvrir son discours.

 

Nos débats sont en réalité parfaitement superflus. Nous pouvons débattre de quantité d’amendements sur ce texte, faire « comme si », nous sommes dans le simulacre.

Nous écrivons cette loi sous l’œil et le contrôle scrupuleux de la Commission européenne et des autres États membres. 

Si la Commission européenne estime en effet que les dispositions dont nous discutons ne sont pas conformes à l’article 3 paragraphe 2 du traité, il y aura saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. La Commission ne pouvant le faire elle-même, cette saisine sera introduite par un autre État membre, cet État pouvant encore agir de son propre chef, sans même y avoir été invité par la Commission.

C’est l'institutionnalisation de la délation entre États et c'est à la lettre ce qu’énonce l’article 8 du Traité que vous vous apprêtez à autoriser la ratification. Un article qui a lui seul devrait vous alerter sur la gravité des atteintes portées à la souveraineté budgétaire du Parlement et aux prérogatives de notre assemblée.

Certains de nos collègues ont jugé bon de déposer des amendements, d’affiner par exemple la définition de la notion de « solde structurel » afin d’exclure du calcul de ce dernier certaines dépenses d’investissement jugées stratégiques. L’effort est louable mais condamné à l’échec.

D’autres pensent encore, non sans une certaine naïveté ou une certaine mauvaise foi, qu’il sera loisible au gouvernement de jouer sur le flou qui entoure la notion de "solde structurel" pour engager des politiques contracycliques.

« En nous attachant à ce solde-là, qui donne l’état de santé réel de nos comptes », nous disiez-vous, Monsieur le ministre, « nous conservons la possibilité d’engager une politique économique contracyclique ou résistante au cycle en cas de conjoncture dégradée ou de récession ».

Le propos se veut rassurant. Il est là aussi parfaitement illusoire.

Il est illusoire en effet de penser que l’écart conjoncturel pourra en quelque sorte servir de variable d’ajustement de la politique budgétaire. Comme le rappelait récemment l’économiste Frédéric Lordon, les modes de calcul de la Commission européenne tendent à systématiquement minimiser l’écart conjoncturel, c’est-à-dire à proclamer que la presque totalité du déficit est du déficit structurel. Il n’y aucune respiration, aucune ouverture à attendre de ce côté-là. 

D’autant moins que les stipulations du traité sont là encore très claires. Aux termes de l’article 7, la Commission européenne sera l’unique juge de l’adéquation des politiques budgétaires conduites à l’objectif de réduction des déficits, donc également l'unique instance à décider, en dernier ressort, du mode de calcul et de l’évaluation du solde structurel.

Il en ira ainsi tant que la dette de notre pays sera supérieure à 60% du PIB, nous dit encore l'article 7, c’est-à-dire pour de longues années encore puisque, rappelons-le, la loi de programmation prévoit de ramener la dette publique de notre pays de 85,3 % en 2011 à 80.1% en 2017.

A l’issue du quinquennat, et en nous en tenant aux prévisions gouvernementales, la dette de notre pays sera encore de 20% supérieure au seuil de déclenchement des procédures pour déficits excessifs.

D’ici là et probablement bien au-delà, notre Parlement devra se conformer rigoureusement aux recommandations, mais aussi aux propositions formulées par Bruxelles à moins qu’une majorité qualifiée des États signataires ne s’y oppose.

Il faut là encore prendre la mesure de ce à quoi une majorité de cette assemblée semble prête à souscrire : La dépossession pure et simple de la politique économique et budgétaire.

Ce n'est pas pour rien que, pour la première fois cette année, notre ordre du jour prévoit l'organisation d'un débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, en présence d'un ou plusieurs commissaires européens. Débat au cours duquel les députés ne pourront poser que des questions, ce qui souligne suffisamment le caractère bien peu contradictoire de ces échanges ! 

Il n’est en conséquence pas conforme à la vérité de dire que le traité et les procédures dont nous débattons dans le cadre du projet de loi organique ne modifient en rien les prérogatives du Parlement, comme on l’entend ici ou là.

Ils réduisent en effet ces prérogatives à l’exercice de compétences purement formelles. C’est pour la forme que le Parlement gardera la faculté de voter la loi de finances et de financement de la sécurité sociale, et la faculté de débattre des orientations budgétaires et des lois de finances, pour la forme qu’il contrôlera l’exécution de ces lois, ses pouvoirs de contrôle seront en effet devenus parfaitement redondants et superfétatoires. Nous serons en plein simulacre démocratique car il ne restera bientôt plus de la souveraineté budgétaire qu’un squelette de procédures soumises à un contrôle pointilleux.

« Ce n’est pas nouveau » répondront ceux qui se flattent de dépouiller le peuple et le Parlement de sa souveraineté. "Il n’y a rien dans ce texte qui ne se trouve déjà dans les traités signés par la France".

Sauf que nous passons d’un régime de surveillance à un régime de contrôle actif de la politique économique et budgétaire, assorti d’un régime de sanction automatique.

Nous remettons ainsi très directement les clefs de notre politique économique et budgétaire aux technocrates de Bruxelles et glissons vers le gouvernement des juges, et de manière plus décisive encore, vers une forme douce, juridiquement correcte, de dictature financière.

N’oublions pas en effet que, depuis vingt ans, la Commission européenne n’a jamais œuvré à la construction d’une Europe de la solidarité et de la coopération. Elle n’a jamais œuvré non plus à la construction d’une Europe des peuples, assurant à chacun des conditions de vie dignes.

Elle n’a cessé d’œuvrer au contraire à la construction d’une Europe des marchés, où la notion de coopération est remplacée par celle de coordination de la concurrence, libre et non faussée bien sûr... Une Europe douce avec les rentiers et dure avec les peuples, une Europe qui attise la guerre économique, détruit les emplois, dégrade les conditions de travail et de rémunération, dans le seul but de satisfaire l’aveugle avidité des marchés financiers.

Les tenants de l’orthodoxie libérale ont pris depuis trop longtemps l’idée européenne en otage.

Ils tentent aujourd’hui, alors qu'ils ont précipité l’Europe dans la crise, de garder la main et d’imposer leurs politiques d’austérité, pour le plus grand bénéfice des rentiers, en faisant des États et des peuples les principaux responsables de la crise, responsables qui devraient aujourd’hui payer la facture !

Vous nous parlez de réorientation européenne, mais de cette réorientation nous ne voyons trace. Le fameux « pacte de croissance », que vous ne cessez d’invoquer, est sans commune mesure avec l’ampleur des plans d’austérité.

Les 120 milliards de ce "pacte de croissance" ne représentent que 0.85% du PIB européen, alors que les mesures d’austérité nationales représentent 240 milliards d’euros par an. Ce pacte n'est assorti d’aucuns objectifs précis en termes d’emploi ou de croissance. Surtout, ainsi que le rappelle le collectif des économistes atterrés, il ne fait que reprendre des projets engagés, généralement d’inspiration libérale : la nécessité de garantir la viabilité des systèmes de retraites, c’est-à-dire de reporter l’âge de la retraite ou de réduire le montant des pensions, d’améliorer la qualité des dépenses publiques, de favoriser la mobilité de la main d’œuvre, d’ouvrir la concurrence en matière de services, d’énergie, de marchés publics… Est-ce là un programme de progrès économique et social ? 

Ce « pacte de croissance » n’est à l'évidence en rien le signe ou le symbole d’une réorientation de la politique européenne.

Il faut également en finir avec ce pieux mensonge selon lequel une discipline budgétaire renforcée serait le meilleur garant de notre indépendance et, qu’une fois les finances assainies, nous retrouverons rapidement des marges de manœuvre.

Avec le traité et avec ce texte organique, chers collègues, nous ne concluons pas un accord temporaire pour prétendument « redresser la situation », mais nous nous enfermons pour une longue période dans un carcan budgétaire qui n’aura pour effet que de briser l’activité et d’interdire des politiques ambitieuses d’investissements, propres à créer des emplois et à financer la transition écologique.

Tout l'enjeu de notre discussion est là.

Soit la focalisation sur le respect aveugle de normes comptables arbitraires, soit le retour préconisé par Joseph Stiglitz, Paul Krugman et bien d'autres à ce minimum de « raison économique » qui fait entrevoir l’absurdité qu’il y a à pratiquer une politique récessive en période de dépression, politique qui sera d’autant plus récessive que les prévisions économiques sont faibles, l’absurdité qu’il y a aussi à prétendre qu’il est par essence vertueux de présenter des budgets à l’équilibre partout, dans chaque secteur de l'administration, sans la moindre référence aux enjeux non seulement sociaux, mais économiques, qui s’attachent à la qualité de notre système éducatif, de notre système de soins, des infrastructures, des services publics…

Concrètement, ce traité et le texte du présent projet de loi auront des conséquences considérables sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Car toutes les administrations publiques, comme le rappelle le texte, sont concernées : l’État, la Sécurité sociale, comme les entreprises, les services publics et les collectivités territoriales. La logique de réduction drastique des déficits va se traduire par moins de services publics, moins d’hôpitaux, moins d’écoles, moins de trains, etc...

Ne nous y trompons pas, la généralisation progressive à toute l’Europe de prétendus programmes « d’assainissement » comparables aux mémorandums actuels pour la Grèce et l’Espagne, ne peuvent conduire qu’à des résultats analogues à ce que l'on constate dans ces pays : baisse de la croissance, creusements des déficits, drames sociaux, chute de la production…  

Est-ce là le changement voulu au printemps dernier par nos concitoyens ? 

Les nouveaux contours des projets de loi de programmation que dessine la présente loi organique, la création concomitante du Haut Conseil des finances publiques, témoignent malheureusement de la volonté du gouvernement de s’inscrire dans une continuité, de poursuivre le chemin engagé par ses prédécesseurs, de reprendre à son compte les recettes néolibérales qui ont conduit à la situation où nous sommes.

Les récentes déclarations sur le coût du travail vont dans le même sens. Elles participent de la même logique.

Nous payons ici les conséquences de cette forme de servitude volontaire à laquelle nous avons souscrit en confiant les rênes de la politique monétaire à la BCE. Cette politique monétaire uniforme et inflexible contraint en effet les pays membres de la zone euro à être tous aussi compétitifs que le plus compétitif d'entre eux, ce qui les conduit à l'austérité et à la déflation.

Le candidat à la présidentielle François Hollande avait raison de souligner dans ce contexte l'urgence d'une réorientation de la politique européenne et l'impérieuse nécessité de reconsidérer le rôle de la BCE.

Car, ainsi que je l'évoquais en Commission, il n'y a au bout du compte que deux scénarios de sortie de crise.

Le premier consiste à préserver coûte que coûte les droits des créanciers et à promouvoir l'austérité interne comme mode de gouvernance jusqu'au remboursement du dernier sou. C'est la voie qui est choisie aujourd'hui.

C'est une voie est injuste, car elle fait payer aux peuples la facture d'une crise imputable à la finance. La part de la dette imputable en France à la finance, ce sont les 20 points de PIB qui séparent 2007 de 2011 et que vous nous proposez d'essayer d'éponger dans les cinq ans qui viennent à grand renfort de taxes et de coupes budgétaires, alors que les Français n'en sont pas comptables.

C'est une voie dangereuse, pour les raisons sur lesquelles je ne reviendrais pas, car elle expose la France et l'ensemble de la zone euro à la récession, au chômage et au recul des droits sociaux.

C'est une voie sans issue, car elle s'interdit de considérer qu'il existe une alternative, une autre voie, dans le recours à la création monétaire et à la mobilisation conjointe de l'épargne, qui allégerait le fardeau de la dette et donnerait le souffle nécessaire à une vraie politique de relance. 

Nous ne sommes pas ici dans l'incantation. Nous ne prétendons pas que les choses sont simples ni faciles. Mais il nous faut constater, nous rendre à l’évidence qu’il n'y aura pas de nouvelle donne en Europe sans qu'intervienne un profond bouleversement de la politique économique et monétaire, sans des politiques d'investissement ambitieuses, sans un rééquilibrage entre le nord et le sud, sans rompre avec les stratégies non coopératives que l'Europe tente vainement de coordonner.

Vous avez finalement choisi de céder aux exigences de Mme Merkel et aux pressions des marchés.

Ce choix, vous nous le présentez comme celui de la prudence et du sérieux. Mais faute de renégociation, nous nous trouvons confrontés au pire. A la mise en œuvre d'un traité qui ruine toute perspective de relance et qui consacre par surcroît un nouveau recul du droit des peuples.

Après avoir lâché les rênes de la souveraineté monétaire, voilà que vous nous proposez de lâcher les rênes de la politique budgétaire pour les confier, une fois n'est pas coutume, à des instances indépendantes et sans légitimité démocratique.

Chers collègues, si nous demandons aujourd’hui le renvoi de ce texte organique en Commission, ce n'est pas pour débattre à nouveau d'amendements qui ne seront recevables que si la Commission européenne les agrée. Ce n'est pas pour nous livrer une nouvelle fois à ce vain exercice, dont vous concéderez sans doute qu'il n'est pas exactement à la hauteur de l'éminente dignité de notre mandat, qu’il n’est pas non plus à la hauteur du changement promis.

S'il est nécessaire que nous nous réunissions à nouveau, c’est afin que nous puissions débattre en conscience de l’opportunité d’adopter un tel texte, dans un contexte économique aussi périlleux que celui qui nous traversons, marqué par l'explosion du chômage et l'accélération de la désindustrialisation...

C'est afin que nous puissions débattre aussi des graves questions que soulève ce texte, à l’instar du traité, sur le plan du respect des droits du Parlement. 

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter la présente motion de renvoi en Commission.

 

On connaît le résultat.

Jour de deuil pour notre pays.

Bonjour les Grecs !

A ce sujet, notons qu’aujourd’hui, pendant la visite de madame Merkel, le centre d’Athènes est interdit aux voitures et aux piétons.

Ils veulent une Europe sans citoyens.

Et nous que voulons-nous ?

Jusqu’où irons-nous pour notre démocratie et notre liberté ?


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