UE, TAFTA, RDIE… etc : avec les traités, c’est la démocratie qu’on assassine

par Laurent Herblay
lundi 12 mai 2014

Aujourd’hui, on ne questionne pas le fait de signer des traités. C’est devenue une routine de notre vie diplomatique : accords commerciaux, accords de défense, ou associations, souvent entre Etats d’une même zone géographique. Mais ces traités ne sont pas neutres pour la démocratie.

Une démocratie en cage
 
Le principe de la démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Comme depuis des décennies, cela suppose qu’une majorité de la population peut élire des représentants qui mèneront la politique qu’ils souhaitent. C’est ainsi qu’en 1981, les Français ont voté pour un changement politique radical, impliquant des mesures aussi fortes que des nationalisations ou une baisse du temps de travail. En 1986, ce fut un tournant d’inspiration néolibérale, avec des privatisations touchant parfois des entreprises nationalisées cinq ans auparavant. Cela est parfois brusque, mais c’est le principe de la démocratie que de permettre au peuple de changer de direction s’il le souhaite majoritairement.
 
Mais la démocratie est de plus en plus battue en brèche par des traités qui limitent considérablement les capacités d’action des gouvernements. L’UE est en sans doute le meilleur exemple. Au Japon, le Premier Ministre a relancé l’économie en utilisant le levier monétaire après avoir gagné les élections. Dans la zone euro, cela est impossible puisqu’elle est confiée à la BCE… L’UE empêche également toute restriction aux mouvements de capitaux, de biens ou de personnes. Elle peut également nous imposer des normes qui n’apportent aucun progrès, comme celle dégradant la qualité du chocolat ou permettant la présence de 0,9% d’OGM dans les produits Bio. C’est également un objectif du traité transatlantique que de remettre en cause la capacité de nos gouvernements à décider des normes dans nos pays.
 
De la politique et du droit

Jacques Sapir a très bien analysé comment le droit et le juridisme minent la démocratie dans un essai publié en plusieurs parties, que j’avais résumé en trois papiers (un, deux, trois). Il y dénonce les « tyrranies techniciennes  » qui se fondent sur des traités institués en normes indépassables qui finissent par retirer aux gouvernements toute latitude d’action. En fait, pour lui, « il s’agit de règles de coopération et non de règles de subordination. Elles restent donc nécessairement limitées et temporaires et peuvent être récusées à tout moment par l’un des partenaires ». Il rappelle justement que « les frontières construisent en réalité les espaces politiques sans lesquels la démocratie ne saurait fonctionner  ».

Certes, ces traités sont en général ratifiés de manière démocratique, mais ils affaiblissent la démocratie en limitant la capacité d’action des majorités futures (à moins de les dénoncer). On franchit une nouvelle étape avec les mécanismes dits d’arbitrage (RDIE), qui mettent les multinationales sur le même plan que les états, et surtout à l’abri des considérations démocratiques. Lentement mais sûrement, la démocratie est mise en cage par la mise en place grandissante de restrictions à la capacité d’action de majorités démocratiquement élues, à moins de rompre avec les traités, comme ont pu le faire le Vénézuela et l’Argentine récemment. Mais cela reste vu pour l’instant comme des choix très radicaux.

Comme l’a parfaitement analysé Jacques Sapir, les traités sont appréciés par les néolibéraux qui y voient un moyen de figer les politiques économiques dans leur sens. Mais tous ces traités ne sont que des prisons de papier, qui seront tôt ou tard déchirées. La façon de le faire dépendra du mal qui aura été fait avant.


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