UFC Que Choisir manipule-t-elle les Français pour les municipales ?
par PrivéPublic
mardi 4 décembre 2007
L’UFC Que Choisir est la première association de consommateurs en France. Elle s’affiche indépendante des partis et des groupes d’intérêts et ses dirigeants s’affirment apolitiques. Certaines de ses prises de position (déprivatiser les services d’eau, taxer un groupe pétrolier), et son vocabulaire reprennent des arguments politiques très marqués politiquement à gauche, et l’association nourrit le débat politique à gauche pour les élections municipales. A en croire ses statuts, ce n’est pas son rôle.
Le récent dossier sur le prix de l’eau potable publié le 30 octobre 2007 par l’UFC Que Choisir conclut qu’il est de l’intérêt du consommateur que les collectivités locales mettent en oeuvre un projet de "déprivatisation de leur service d’eau potable" pour obliger les sociétés privées à réduire leurs "bénéfices faramineux" sur la vente de l’eau en France.
Et de citer à l’appui de sa thèse les régies municipales d’Annecy, Chambéry, Grenoble et Clermont-Ferrand, qui proposeraient un "juste prix" du m3, alors que d’autres grandes villes (en particulier en Île-de-France mais toutes les villes en prennent pour leur grade) pratiqueraient des surfacturations. Discours étayé d’exemples et de détails techniques difficilement comparables.
Il n’est pas venu à l’idée d’UFC Que Choisir que ces quatre villes de montagne bénéficient d’une ressource en eau plus abondante, moins chère que d’autres. Il n’a pas été porté à la connaissance de Que Choisir qu’il est quasiment impossible de comparer les prix d’une régie publique (qui investit peu) à un exploitant privé (qui investit à la place de la commune et doit rembourser ses investissements). Vous êtes intéressé par le sujet, allez sur mon blog. Dans tous les cas, c’est un débat d’experts.
J’ai distribué de l’eau il y a dix ans. Je connais le sujet. Si l’exploitant privé s’engage pendant 15 ans sur le prix de l’eau, il est obligé de faire des gains de productivité dont une partie est répercutée dans le prix du service. Dans une régie municipale, la bonne gestion, les gains de productivité, ce n’est pas son problème. Au bout de quinze ans, à votre avis, qui facturera le m3 le plus cher (à périmètre comparable) ? Le privé ou le public ? Eh bien si la régie publique investit autant que le privé, la gestion publique coûtera 30 à 40 % de plus au consommateur. Donc la régie municipale investira moins pour compenser son inefficacité. Et le service va se dégrader, et cela coûtera une fortune à remettre le service en état. En guise d’illustration, connaissez-vous la "fable du château d’eau" : http://www.prix-eau-potable.com/dossier/contrat ?
Je résume : je pense qu’UFC Que choisir pratique de la désinformation, soit en toute innocence (ils n’ont jamais distribué de l’eau), soit à des fins d’alimenter un débat politique, le débat des municipales. Ceci est contraire à ses statuts, car UFC est indépendante des partis. Et je trouve cela choquant : pour les raisons suivantes :
1. cela jette le discrédit sur les élus et sur la gestion des villes. Ils seraient incapables de signer des contrats dans de bonnes conditions. Ce n’est pas de la bonne démocratie ;
2. cela cautionne des discours politiques extrémistes en reprenant indirectement des thèses qui jugent indécent de faire payer l’eau, voire de laisser le privé faire des "bénéfices" sur l’eau potable. Ces discours étaient jusqu’ici très minoritaires dans le pays ;
3. c’est un plaidoyer pour l’augmentation du périmètre du Secteur public : en ces temps de "révolution sarkozienne", où une majorité de Français s’est engagée sur un programme de réformes en particulier dans le secteur public. Un plaidoyer en faveur de la déprivatisation des services municipaux ne peut pas être présenté comme une thèse "apolitique" ;
4. il s’agit d’une prime, pour les élus, à céder à la pression de "la rue", un lynchage médiatique des exploitants privés qui assurent aujourd’hui 80 % de la distribution d’eau en France. S’ils étaient inefficaces, cela se saurait et la part du public serait supérieure ;
5. il s’agit d’un amalgame regrettable : service public marchand (téléphone, électricité, transport aérien, eau, etc.) et secteur public sont deux notions très différentes. Sauf dans les thèses de certains partis non majoritaires. Le service public, c’est 3 garanties : permanence de services, égalité tarifaire, libre accès à tous. Ce n’est pas le même concept que travailler pour l’Etat, les collectivités ou un hôpital ou une entreprise publique (secteur public) ;
6. le seul service public à la française que nous parvenons à exporter et qui crée de la valeur pour le pays, c’est le modèle de ces exploitants privés.
Je pense que le privé gère mieux que le public un service public marchand, mais tous les lecteurs d’Agoravox ne sont pas forcés de partager mon opinion. Je pense que le service rendu à la clientèle est meilleur dans le privé que dans le public (ma poste est encore en grève, ma gare RER a été fermée 9 jours, etc.), mais tout le monde n’est pas censé partager mes opinions.
Mais voir une association de consommateurs, qui revendique son apolitisme, prendre part aussi nettement dans le débat électoral donc dans les choix de sociétés des Français, et revendiquer une indépendance tout en nourrissant les arguments des tenants d’une déprivatisation des services municipaux, et accréditant la thèse que la gestion publique serait préférable à une gestion privée encadrée, c’est un scandale. C’est cette même association qui soutient un projet d’impôt sur un groupe pétrolier. Ne pourrait-on pas plutôt réaménager la TIPP ?
Si on prétend représenter les consommateurs, et si on utilise une rhétorique partisane aux extrêmes pour s’aligner sur des thèses défendues par des partis politiques minoritaires à 5 mois des municipales, on ne peut pas se prétendre apolitique ni indépendant.
Ce qui m’a choqué le plus, c’est que TOUS LES MEDIAS ont repris, sans esprit critique, les thèses d’UFC Que choisir. Confortant le grand public dans l’idée que le Secteur public a du bon pour distribuer de l’eau. Et menaçant d’échec aux municipales les élus courageux qui décideraient de privilégier la bonne gestion malgré le lynchage médiatique.
Je demande une mise au point de Que Choisir sur ce traitement partisan d’un sujet qui intéresse tous les consommateurs, et pas seulement ceux qui votent à l’extrême gauche. Ses responsables ont eu la courtoisie de me répondre par mail, mais considèrent que c’est un débat de société donc que c’est "normal et sain d’interpeller les maires à ce sujet". Et comme leur "panel d’agglomération respectait la parité gauche-droite", ils seraient neutres politiquement.
On n’a pas le droit, sur internet, de présenter des informations politiquement partisanes comme étant neutres et représenter l’intérêt général. C’est soit de la désinformation, soit de la manipulation. La manipulation est haïssable.
Je pense que l’avènement de la web-démocratie, c’est aussi tordre le cou à certaines manipulations trop voyantes. Et chaque internaute doit jouer son rôle. Soit UFC revendique un positionnement à l’extrême gauche (taxer les multinationales, déprivatiser les services municipaux) et, dans ce cas, elle assume ses choix et l’annonce à tous ses adhérents. Soit elle respecte le débat démocratique et, dans ce cas, elle reste en dehors des débats électoraux.