Ukraine : De l’histoire d’un pays à la réécriture de son histoire

par Christophe
lundi 26 juin 2023

Nombre d'écrits historiques ont été diffusés par des pays tels que le Canada et les USA, mais il faut vérifier les faits pour s'assurer que toute l'histoire de l'Ukraine faite par ces pays n'est pas une simple romance pour s'exonérer de son cynisme. Le soutien canadien, américain et britannique au nazisme européen des années 20 jusqu'au début des années 40 est un fait historique, mais l'histoire du soutien de ces mêmes nations au nazisme préservé par leur financement et leur accueil est tout aussi historique dès lors que nous écartons les inventions historiques que les universités soutenant la propagande anglo-saxonne ont porté pendant des décennies.

Aujourd'hui beaucoup d'entre nous connaissent l'Ukraine, il eût été préférable de la connaître sous d'autres hospices que cette guerre. Cependant, si cette guerre, comme toute guerre, est une erreur de l’humanité, une de plus, elle a permis de mettre à bas les masques des grandes démocraties autoproclamées.

La réécriture de l’histoire par l’université du congrès ukrainien canadien (UCC) a consisté à blanchir la Waffen SS Galicie, l’OUN et l’UPA dans son ensemble et de placer les nationalistes ukrainiens dans la position de victimes alors que la recherche historiographique récente démontre qu’ils étaient les bourreaux. L’histoire à un moment ou à un autre finit par s’exprimer par des faits, or beaucoup d’historiens canadiens et américains ont eu une forte tendance à écrire des ouvrages historiques sans référencement dans le monde réel, comme ce fût le cas de l’Holodomor introduit en 1986 par Robert Conquest dont certains ouvrages ont été édités par Praeger Press, une société américaine publiant des ouvrages pour les besoins de la CIA. Aujourd’hui c’est un autre historien américain, plus orienté vers l’historiographie, Mark Tauger qui dans son ouvrage Famine et Transforrmation agricole en URSS mettra à mal la théorie complotiste anti-communiste.

L’ethno géographie ukrainienne et le nationalisme

L’Ukraine est un pays qui existe depuis 1920, il est constitué de différentes cultures ou comme l’indique l’approche russe des différences ethniques.

C’est dans la partie ouest de l’Ukraine actuelle que sont nés les mouvements ultra nationalistes dès 1920 et ont conduit à la création de l’OUN et de l’UPA.

Quelques faits historiques

Mais l’histoire de ce pays met en évidence des dissensions antinomiques entre les différentes régions, il faut centrer les éléments déterminants et le nationalisme ukrainien est un des rouages les plus porteurs de dissensions dans un pays aussi éclaté ethniquement. A l’inverse des discours propagandistes occidentaux, la tendance nazie de l’OUN n’avait rien d’opportuniste.

Au cours des années 1930, l’OUN a son siège à Rome, reflètant son affinité initiale avec le régime de Mussolini. Après l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, pour des raisons à la fois idéologiques et géopolitiques, l’OUN s’oriente de plus en plus vers le régime nazi. Les principaux membres de l’OUN travaillent avec et pour les services de renseignements de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, et les cadres s’impliquent dans les campagnes d’assassinats de responsables polonais et soviétiques. Tout ce beau monde est formé en Italie aux côtés de membres de l’Oustacha, le mouvement fasciste croate que les nazis placeront au pouvoir en avril 1941.

En 1940, l’OUN s’est scindée en deux groupes afin de déterminer la meilleure façon de collaborer avec l’Allemagne nazie pour obtenir un État national ukrainien. Dans la poursuite de cette collaboration et de leurs visions rivales d’un État fasciste, les deux factions ont commis des crimes horribles. Elles ont toutes deux soutenu la guerre d’anéantissement des nazis contre l’Union soviétique et ont participé à l’holocauste des Juifs d’Europe.

L’OUN-M de Melnyk a cherché à travailler au sein du régime d’occupation de l’Allemagne nazie et a favorisé la formation de la division Galice de la Waffen SS qui fût reçu et hébergée par le Canada après la guerre. C’est à cette organisation qu’appartenait le grand-père de la vice-première ministre actuelle du Canada, Chrystia Freeland.

L’OUN-B de Bandera, dont de nombreux membres ont également trouvé refuge au Canada après la Seconde Guerre mondiale, a également mis ses forces au service des nazis tant en Pologne qu’en Union soviétique. Mais l’OUN-B, après avoir pénétré dans Lviv en juin 1941, dans le cadre de la force nazie qui envahit l’URSS, déclare la création d’un État ukrainien, dont elle souligne qu’il fera partie intégrante de la Nouvelle Europe dirigée par les nazis. Bien que l’Allemagne nazie n’accepte pas cette nouvelle nation, les deux camps s’efforcent de maintenir leur alliance jusqu’à la fin de la guerre, l’OUN-B dirigée par Bandera et son Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) collaboreront avec les nazis et la Wehrmacht contre l’Armée rouge et les partisans soviétiques, terroriseront la population et extermineront les Juifs d’Ukraine. Ils ont également tué des dizaines de milliers de Polonais dans leur quête d’une Ukraine ethniquement pure.

Suite à la Proclamation du pouvoir d’État ukrainien par l’OUN-B, le 5 juillet 1941, Bandera est arrêté par la Gestapo et emmené à Berlin. Stetsko, qui s’était autoproclamé premier ministre de l’Ukraine, a suivi une semaine plus tard. Pendant leur détention à Berlin, Bandera et Stetsko ont continué à jouir de leur liberté politique. Libérés le 14 juillet, Bandera et Stetsko ont continué à négocier avec le régime nazi, proposant divers projets à différents organes militaires et policiers nazis. Dans une lettre de protestation à Hitler, datée du 3 août 1941, concernant la séparation de la Galicie du reste de l’Ukraine et son incorporation au gouvernement général, qui était elle-même en partie une réaction à la proclamation de l’OUN-B, Bandera affirma son profond respect pour Hitler en tant que camarade nationaliste de la marque occidentale.

Stetsko, pour sa part, affirmait qu’une Ukraine sous leur gouvernance fonctionnerait comme un camp national de travail forcé pour l’Allemagne nazie : Je sais que la reconstruction d’un État ukrainien souverain et uni n’est possible qu’avec la victoire de l’Allemagne (nazie)... nous soutenons le soutien économique complet de l’Allemagne par l’Ukraine avec tous les moyens disponibles...

C’est l’assassinat par les bandéristes de Mykola Stisiborskyi, un dirigeant rival et idéologue de l’OUN-M qui a amené les nazis à détenir à nouveau Bandera et Stetsko. Les partisans et les apologistes de l’OUN aiment dépeindre la détention de Stetsko et Bandera comme quelque chose d’équivalent au type d’emprisonnement brutal que les nazis infligeaient aux communistes, aux Juifs, aux Roms et aux prisonniers politiques. Les brochures de l’OUN parlent sinistrement des camps de concentration dans lesquels Stetsko et Bandera ont été placés.

En réalité, les dirigeants de l’OUN-B étaient détenus en « Sonder und Ehrenhaft », un statut de détention spécial et privilégié que les nazis réservaient aux diplomates et aux chefs d’État. En outre, ils ont été autorisés à continuer à correspondre avec leurs partisans intégrés dans l’appareil répressif nazi, bien que les nazis aient pris des mesures pour renforcer leur surveillance et leur contrôle en intégrant les membres des milices et des groupes d’intervention de l’OUN dans les unités de police ukrainiennes.

Pendant sa détention, Stetsko a produit un document auquel les nationalistes ukrainiens n’aiment pas se référer, son « Zhitiepys » ou « Histoire de vie ». Il atteste en outre du soutien de l’OUN à l’extermination des Juifs et de son caractère fasciste : Je considère le marxisme comme un produit de l’esprit juif, qui a cependant été appliqué en pratique dans la prison des peuples moscovites par les peuples moscovites-asiatiques avec l’aide des Juifs. Moscou et la juiverie sont les plus grands ennemis de l’Ukraine et les porteurs d’idées internationales bolcheviques corrompues. Je mesure pleinement le rôle indéniablement néfaste et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir l’Ukraine.... Je suis donc favorable à la destruction des Juifs et à l’opportunité d’introduire en Ukraine les méthodes allemandes d’extermination des Juifs.

L’alliance avec les nazis dans l’Holocauste et la violence génocidaire contre d’autres ennemis perçus de la nation ukrainienne ont été préfigurés et préparés politiquement dans le développement de son idéologie et de son discours dès le début des années 1930. Les plans de meurtre de masse ont été discutés et élaborés dans les écrits des idéologues de l’OUN et lors de leurs congrès. L’un de ces documents était intitulé La doctrine de guerre des nationalistes ukrainiens. Son contenu ne souffrait d’aucune ambiguïté : Notre soulèvement, n’est pas destiné à changer seulement l’ordre politique. Il doit nettoyer l’Ukraine de l’élément étranger et hostile et de notre élément misérable. (...) Plus l’élément étranger sera tué au cours du soulèvement, plus il sera facile de reconstruire l’État ukrainien et plus il sera fort. Il a ensuite préconisé l’extermination massive des Juifs, citant le chiffre potentiel d’un demi-million, car plus il y aura de Juifs tués pendant le soulèvement, mieux ce sera pour l’État ukrainien.

En décembre 1939, les nazis étaient si satisfaits du soutien de l’UTSC (dirigée par l’OUN-M) en Pologne qu’ils ont autorisé la création d’une maison d’édition, en utilisant une presse volée à un journal juif basé à Cracovie, Nowy Dzennik, dont les propriétaires ont ensuite été assassinés au camp de la mort de Belzec. L’UTSC crée rapidement son propre journal, Krakivski Visti (Nouvelles de Cracovie). C’était le seul journal en langue ukrainienne autorisé par le gouvernement général et devint le journal ukrainien le plus influent de l’Europe nazie jusqu’à l’effondrement imminent du Troisième Reich ce qui le contraignit à cesser sa publication à la fin du mois de mars 1945. Le quotidien Krakivski Visti a été dirigé par Mykhailo Chomiak, le grand père maternel de la vice-première ministre actuelle canadienne Chrystia Freeland.

Chomiak a été très bien récompensé pour sa propagande nazie et a personnellement bénéficié de la dépossession des Juifs de Pologne. Il a reçu un appartement de luxe dans le palais Pugetów au 15 Starowiślna, comme le montre le courrier qu’il a envoyé le 19 septembre 1940 à l’agence d’État allemande prédatrice officiellement chargée de dépouiller les Juifs de leurs biens. Comme cette lettre le laisse entendre, Chomiak a été en tête de file pour le butin de l’Holocauste à Cracovie

 

Je pourrais vous parler en détail du contenu de ce journal ventant le nazisme, Hitler et les génocides mais il n’est pas nécessaire de donner plus de détails de ce que défendait l’OUN. Cependant ce cours pamphlet dans son journal résume l’état d’esprit de Chomiak : Jamais dans l’histoire il n’y a eu de guerre plus juste que celle déclenchée par les troupes allemandes le dimanche 22 juin 1941. La guerre qui a commencé aujourd’hui est en quelque sorte une immense croisade pour la libération de l’homme, pour la libération des nations, pour la libération du monde entier du terrible fantôme de l’antéchrist. Aujourd’hui, le Führer allemand sera le sauveur de tous les peuples asservis par Moscou la Rouge ... le sang des soldats allemands qui étaient déjà morts et qui continueront à mourir héroïquement dans cette guerre sainte deviendra le fondement d’un nouvel avenir pour tous les peuples libérés d’Europe de l’Est, d’Asie occidentale et de toute l’humanité.

L’histoire et l’histoire réécrite

La Waffen SS Galicie ainsi que nombre de membres de l’OUN-B et de l’UPA trouveront refuge, malgré la condamnation par Nuremberg, au Canada, Ils seront accueillis au congrès ukrainien canadien (UCC), qui depuis ce temps promeut, défend et blanchit l’OUN, ainsi que les impérialistes qui les financent à Ottawa, Washington et Londres. Ils font une série d’affirmations intéressées et totalement fantaisistes sur le bilan de l’OUN pendant la Seconde Guerre mondiale, toutes ces affirmations sont un tissu de mensonges.

Ils prétendent que l’OUN et l’UPA bandériste étaient un mouvement de libération nationale. En réalité, il s’agissait de fascistes, inféodés à l’Allemagne nazie et plus tard à l’impérialisme canadien, britannique et américain.

Katchanovski, en exploitant les biographies de 119 dirigeants de haut rang et de 210 dirigeants de rang intermédiaire de l’OUN-B et des commandants de l’UPA, a démontré à quel point ce soi-disant mouvement de libération nationale était dirigé et doté de sbires nazis. Sur la base des preuves disponibles, il a établi que 55% des cadres moyens de l’OUN/UPA ont activement collaboré avec l’armée, la police ou les services de renseignements nazis, tout comme 77% des dirigeants de haut rang de l’OUN et de l’UPA. Il souligne que les pourcentages réels sont probablement plus élevés en raison du manque d’informations.

Lubomir Luciuk, professeur au Collège militaire royal du Canada et lauréat de la médaille Shevchenko du Congrès ukrainien canadien, voudrait nous faire croire que l’UPA a combattu à la fois les nazis et les Soviétiques. Mais les engagements militaires anti-allemands étaient peu nombreux et sans conséquence. Katchanovski a démontré que 6% des principaux commandants de l’OUN et 3% des principaux commandants de l’UPA sont morts à la suite de frictions militaires avec les Allemands, alors que 54% sont morts au combat contre les forces soviétiques. Bien que 32% des chefs de l’OUN aient été faits prisonniers par les Allemands, ils ont presque tous été libérés peu après. Des faits objectivement vérifiables contredisent les mensonges colportés par les nationalistes ukrainiens et leurs alliés impérialistes occidentaux.

Face à la perspective d’une défaite imminente, les nazis libèrent Bandera de sa captivité en septembre 1944. Il en résulte une coopération encore plus étroite entre l’UPA, l’OUN-B et les nazis dans la lutte contre l’avancée de l’Armée rouge. Selon le biographe de Bandera, Grzegorz Rossolinski-Liebe : Bandera, ainsi que d’autres politiciens ukrainiens de premier plan tels que Melnyk, Kubiyovych et Pavlo Shandruk, ont accepté d’aider les Allemands à mobiliser les Ukrainiens pour la lutte contre l’Union soviétique.

Alors que l’Armée rouge soviétique infligeait défaite après défaite à la Wehrmacht allemande en 1944 et au début de 1945, laissant de plus en plus présager l’effondrement de l’Allemagne nazie, les nationalistes ukrainiens de l’OUN ont fui vers l’ouest. Le grand-père de Freeland, Mykhailo Chomiak, et ses collaborateurs se sont rendus à Vienne, où ils ont continué à publier Krakivski Visti. Le dernier numéro est paru en mars 1945.

Les défenseurs actuels des fascistes ukrainiens prétendent qu’ils n’ont joué aucun rôle dans l’Holocauste pourtant de nombreux documents et publications de l’OUN, pendant et même bien avant le début de la Seconde Guerre mondiale, préconisaient la violence de masse contre les Juifs. Des recherches historiques récentes ont documenté avec détails la participation des cadres de l’OUN et de l’UPA à l’Holocauste (rassemblement des Juifs, leur massacre et la dotation en personnel des camps de la mort ), le meurtre de plus de 100.000 Polonais dans le cadre d’opérations de nettoyage ethnique et de dizaines de milliers de partisans soviétiques russes et ukrainiens.

Michael James Melnyk, descendant du chef de l’OUN-M, a écrit trois livres sur l’histoire de la division Galicie où il décrit dans les moindres détails les opérations qu’elle a menées contre la population locale d’Ukraine et contre les Slovaques. Mais en tant que fils d’un ancien membre de la 14ème division Waffen SS, il part tout simplement du principe que toutes les victimes de l’unité l’ont mérité, en tant que communistes ou partisans. Il est donc utile de comparer la description que fait Melnyk du massacre de Huta Pieniacka au printemps 1944 avec les récits de l’Institut polonais du souvenir national et de l’Académie des sciences ukrainienne.

Melnyk justifie l’atrocité comme suit : Le village (qui compte environ 1000 habitants) est ouvertement reconnu comme étant devenu un bastion armé bien fortifié et un important centre de résistance pour les groupes de partisans dirigés par les Polonais et les Soviétiques. Ces partisans, en plus de harceler les colonnes de ravitaillement allemandes et de perturber les zones arrière de l’armée allemande, sont également connus pour avoir combattu l’UPA ainsi que pour avoir terrorisé la population ukrainienne locale en faisant des raids dans les villages environnants. Melnyk admet ensuite que le village a fait l’objet d’une action de pacification qui a finalement conduit à la destruction du village et à la liquidation d’une grande partie de la population civile restante, mais que c’était l’œuvre des Allemands. Melnyk omet également le fait que les habitants de Huta Pienacka avaient fui les massacres de plus de 100.000 Polonais et Juifs perpétrés par l’OUN-B l’année précédente. L’action de pacification les a achevés.

Les Polonais ont un souvenir différent : ... le crime a été commis par le 4e bataillon de la 14e division le 28 février. Ce jour-là, tôt le matin, des soldats de cette division, vêtus de blanc, en tenue de camouflage, ont encerclé le village. Le village a été soumis à des tirs croisés d’artillerie. Des SS de la 14e division de la SS sont entrés dans le village, tirant sur les civils rassemblés dans une église. Les civils, principalement des femmes et des enfants, ont été divisés et enfermés dans des granges qui ont été incendiées. Ceux qui ont tenté de s’enfuir ont été tués. Les témoins interrogés par les procureurs de la Commission principale ont décrit les détails morbides de l’acte. Le crime a été commis contre des femmes, des enfants et des nouveau-nés.

L’Académie ukrainienne des sciences écrit : L’attaque du village par le détachement SS a été le résultat de la dénonciation à la police ukrainienne par la population de Pidhirtsiv, qui a informé les Allemands que les Polonais de Huta Pieniacka cachaient des Juifs, soutenaient les partisans bolcheviques, stockaient des armes, etc. Les SS ukrainiens sont arrivés dans le village pour effectuer une inspection. Lorsqu’ils ont commencé à voler la population, en parlant ukrainien entre eux, les Polonais les ont pris pour des bandits déguisés et ont commencé à se défendre. Puis, un escadron ukrainien des SS est arrivé dans le village en provenance de Pidhirtsiv. Après avoir encerclé le village, il a commencé à assassiner les gens.

L’historien canadien John Paul Himka, oncle de Freeland et gendre de Chomiak, ancien promoteur du mythe de Bandera en tant que combattant de la libération nationale et promoteur d’une forme de politique d’identité nationale ukrainienne durant toute sa vie, a été forcé d’admettre, en étant confronté à ces faits, que l’OUN était une organisation criminelle qui a participé au génocide des Juifs d’Europe et au nettoyage ethnique des Polonais démentant lui-même les thèses qu’il a soutenu toute sa vie.

Fin de la guerre et utilisation des nazis ukrainiens

Bandera se réfugie à Munich, où il collaborera avec la CIA et les services secrets ouest-allemands. Après une brève suspension de ses activités, l’OUN-B est reconstituée sous les auspices du MI6 britannique en 1946 pour servir d’allié dans une insurrection antisoviétique en Ukraine que les Américains soutiendront secrètement jusqu’à la fin des années 1950. Il semble que Bandera ait été assassiné par un agent du KGB en 1959. Sa femme et son fils se sont enfui à Toronto, au Canada, où ils continuent à promouvoir la cause de l’OUN.

La reddition de la 14e division (Galicie) de la Waffen SS aux forces britanniques illustre la campagne de mensonges menée par les fascistes ukrainiens pour effacer leurs traces et leur réputation politique afin de se rendre plus acceptables aux yeux de leurs nouveaux maîtres américains et canadiens. Aux alentours du 25 avril 1945, juste avant leur reddition, les membres de la division Galicie de la Waffen SS se sont débarrassés de leurs uniformes et de leurs insignes SS et ont déclaré être la première unité de l’Armée nationale ukrainienne. Ils ont été enfermés pendant plusieurs années avant d’être admis comme immigrants aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie.

Dans les années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement canadien, en étroite collaboration avec ses alliés américain et britannique, a ouvert les portes aux collaborateurs nazis et aux nationalistes d’extrême droite d’Ukraine et d’autres pays d’Europe de l’Est considérant qu’il n’y avait pas de meilleurs alliés dans la guerre froide contre l’Union soviétique que ces fascistes et ultranationalistes.

Les nationalistes ukrainiens d’extrême droite en sont venus à jouer un rôle essentiel dans la politique canadienne au pays et à l’étranger. Par l’entremise du Comité ukrainien canadien, devenu plus tard le Congrès ukrainien canadien (UCC), Ottawa a soutenu le développement d’un réseau d’organisations niant toute participation ukrainienne à l’Holocauste et créant et promouvant une mythologie nationaliste célébrant la lutte « héroïque » des fascistes ukrainiens contre l’Union soviétique pour obtenir un État ukrainien « indépendant » – d’abord en collaboration avec le Troisième Reich, puis avec le MI6 de Grande-Bretagne et la CIA.

En plus du de servir à blanchir les crimes du fascisme ukrainien et à faire la promotion d’un anticommunisme virulent, les nationalistes de droite regroupés autour de l’UCC ont joué un rôle important et de plus en plus agressif dans la politique étrangère du Canada. Lorsque le régime stalinien, sous la direction de Mikhaïl Gorbatchev, a fait des ouvertures à l’Ouest, notamment en autorisant une plus grande liberté de circulation, dans le cadre de son programme de restauration capitaliste, des nationalistes ukrainiens parrainés par l’État canadien ont été déployés pour vanter les merveilles du libre marché et promouvoir le nationalisme. Ils allaient rapidement jouer un rôle de premier plan dans la campagne en faveur d’une Ukraine « indépendante », à la remorque de l’impérialisme occidental.

Un havre de paix au Canada

À partir de 1947, l’État canadien accepte plus de 165.000 réfugiés comme immigrants dans le pays. Loin d’être motivée par des considérations altruistes, cette politique est née du besoin désespéré de l’industrie canadienne de disposer d’une main-d’œuvre supplémentaire. Un « groupe spécial » composé d’agents de la GRC et de responsables du renseignement, créé en 1947, est chargé d’exclure les communistes ou les sympathisants de gauche parmi les personnes demandant à entrer au Canada.

Pour obtenir des renseignements sur ces nouveaux immigrants, le Canada s’en remet largement aux services de renseignements britanniques et américains, qui ont établi des relations collaboratives avec l’OUN et d’autres nationalistes ukrainiens d’extrême droite dès 1946. La CIA nouvellement créée avait conclu qu’ils pourraient être des alliés précieux dans leurs efforts pour espionner et déstabiliser l’URSS. En fait, la relation naissante de la CIA avec les fascistes ukrainiens allait rapidement devenir le modèle de tout son dispositif de subversion et de « changement de régime » de la guerre froide, selon l’histoire confidentielle de la CIA elle-même. À l’instar de leurs homologues américains et britanniques, les autorités canadiennes étaient parfaitement au courant du contexte politique et des activités des nationalistes ukrainiens d’extrême droite, mais elles ont choisi de s’aligner sur eux lorsque la guerre froide s’est intensifiée.

L’UCC a fait pression sur le Sénat canadien en mai 1946, puis en juin 1947 pour faire venir au Canada des anciens combattants de l’OUN et de la division Galicie. L’Association of United Ukrainian Canadians (AUUC), l’organisation qui succéda à l’Ukrainian Farmer Labour Temple Association, mit alors en garde explicitement le Comité sénatorial de l’immigration et du travail que les camps de réfugiés comprenaient de nombreux criminels de guerre. Ces avertissements, qui faisaient notamment référence à l’appartenance de la division Galicie à la Waffen-SS, ont été délibérément ignorés.

Le gouvernement libéral contrôlé par la grande entreprise de Louis St-Laurent n’était que trop disposé à fermer les yeux lorsqu’il s’agissait d’accepter des collaborateurs fascistes, et pas seulement ukrainiens. Des fascistes et des collaborateurs nazis slovaques, roumains, hongrois, croates et des États baltes ont été admis au Canada au cours de cette période.

En 1948, le gouvernement canadien commença à accepter en masse des immigrants ukrainiens provenant des camps de réfugiés. La majorité des personnes acceptées étaient des cadres et des partisans de l’OUN et de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne de l’OUN-B, ainsi que leurs familles. Parmi eux se trouvait Mykhailo Chomiak, rédacteur en chef du quotidien ukrainien pronazi Krakivski Visti (Nouvelles de Cracovie) et futur grand-père bien-aimé de Chrystia Freeland, vice-première ministre de l’actuel gouvernement du Canada.

En 1950, l’OUN-B comptait 30 sections à travers le Canada. Elle a également créé la Canadian League for the Liberation of Ukraine [Ligue canadienne pour la libération de l’Ukraine], qui resta distincte de l’UCC pendant une décennie, jusqu’en 1959, en raison de son soutien inconditionnel à Stepan Bandera.

Dans un premier temps, les vétérans de la division Galicie sont restés interdits de séjour au Canada. La Waffen-SS avait été déclarée organisation criminelle dans son ensemble lors du procès de Nuremberg, ce qui signifiait que tous les membres de la Division Galicie étaient des criminels de guerre. Toutefois, cette réticence initiale de l’État canadien à admettre les collaborateurs nazis les plus explicites a été rapidement surmontée grâce aux efforts de lobbying de l’UCC et aux impératifs de la guerre froide d’Ottawa et de Washington. Finalement, plus de 2.000 anciens combattants de la Division Galicie ont été réinstallés au Canada, où ils ont été protégés de toute responsabilité pour leurs crimes au cours des décennies suivantes grâce aux efforts combinés de l’UCC et de l’État canadien et de son establishment politique.

L’histoire plus récente de l’Ukraine

Comme le souligne Grzegorz Rossolinsli-Liebe la diaspora ukrainienne du Canada est revenue en force en Ukraine de l’ouest, financée en cela par ses alliés canadiens, britanniques et américains. Il souligne que : au lendemain de la dissolution de l’URSS, de nombreux monuments consacrés aux victimes des nationalistes ukrainiens ou aux héros de l’Union soviétique se sont trouvés remplacés par des monuments consacrés à Bandera et aux héros de l’OUN et de l’UPA. […]Bandera et les nationalistes révolutionnaires ukrainiens sont redevenus des éléments importants de l’identité ukrainienne occidentale, […] non seulement les militants d’extrême droite, mais aussi le courant dominant de la société ukrainienne occidentale, y compris les enseignants du secondaire et les professeurs d’université, considéraient Bandera comme un héros national… dont la mémoire devait être honorée pour sa lutte contre l’Union soviétique.

Rossolinsli-Liebe a fait l’observation significative et troublante suivante : La politique mémorielle postsoviétique en Ukraine a complètement ignoré les valeurs démocratiques et n’a développé aucune sorte d’approche non apologétique de l’histoire.

Ce même historien interroge lorsqu’il expose que Iaroslav Stets'ko, le bras droit de Bandera a été reçu en 1983 au Capitole et à la Maison-Blanche, où George Bush et Ronald Reagan ont reçu le dernier premier ministre d’un État ukrainien libre. Un état libre nazi sous l’égide de l’Allemagne nazie. Comme en 1982, le 11 juillet, durant la semaine des nations captives le drapeau rouge et noir de l’OUN-B, introduit lors du deuxième grand congrès des nationalistes ukrainiens en 1941, a flotté au-dessus du Capitole des États-Unis. Personne n’a compris qu’il s’agissait du même drapeau qui avait flotté sur l’hôtel de ville de Lviv et d’autres bâtiments, sous lequel des civils juifs ont été maltraités et tués en juillet 1941…

L’histoire est quelque peu difficile à déchiffrer surtout lorsque des nations à fort potentiel économique ont donné des moyens énormes, dont la création d’une université pour former des historiens spécialistes de l’Ukraine à l’UCC canadienne. Mais l’historiographie récente, fouillée par des spécialistes, principalement le seul spécialiste mondial du nationalisme ukrainien, Grzegorz Rossolinsli-Liebe, prouve les mensonges historiques des anglo-saxons, cela alerte et met en perspective le fait que la confiance ne peut plus être mise dans des nations qui réinvente l’histoire pour se donner une bonne conscience.

Pour illustrer la réécriture, le gendre de Chomiak, John-Paul Himka, historien, écrira une belle romance pour exonérer Chomiak de son engagement nazi. Au cours du dernier quart de siècle, Himka a dû s’opposer à certaines parties de ses propres écrits scientifiques antérieurs qui ont servi à présenter les bandéristes comme des combattants de la libération nationale. Ainsi il écrira en 2010 : Je connais bien la légende car j’ai contribué à la promouvoir.

Quant à la vice première ministre actuelle du Canada, Freeland elle expliquera Dans un article de 2015 intitulé Le grand mensonge de Poutine, elle s’est décrite comme un membre fier de la communauté ukrainienne canadienne. Elle a écrit : Mes grands-parents maternels ont fui l’Ukraine occidentale après qu’Hitler et Staline ont signé leur pacte de non-agression en 1939. Ils n’ont jamais osé y retourner, mais ils sont restés en contact étroit avec leurs frères et sœurs et leurs familles, qui sont restés sur place. Pour le reste de leur vie, mes grands-parents se sont considérés comme des exilés politiques ayant la responsabilité de maintenir en vie l’idée d’une Ukraine indépendante, qui avait existé pour la dernière fois, brièvement, pendant et après le chaos de la révolution russe de 1917. Ce rêve a persisté jusqu’à la génération suivante, et dans certains cas jusqu’à la génération d’après. Cette histoire – qu’elle a souvent répétée, souvent accompagnée d’hommages touchants à son grand-père et au rôle qu’il a joué dans son éducation à la culture et au nationalisme ukrainiens – est un faux récit politiquement motivé. En bref, un mensonge.

L’histoire de l’Ukraine émise par les anglo-saxons est construite sur une quantité énorme de mensonges et de manipulations. Seuls certains historiens d’aujourd’hui parviennent à amener des preuves de ces mensonges d’état. L’ensemble des pays occidentaux sont impliqués dans ce type de fourberie dirigée par les grandes démocraties autoproclamées qui n’ont semble-t-il rien de démocratique ; ce type de propagande menée depuis plusieurs décennies et aboutissant à ce que nous voyons en Ukraine nous amène à réfléchir sur le bien-fondé du respect de nos dirigeants politiques.

Beaucoup comprendrons l’attachement des anglo-saxons à soutenir l’Ukraine aujourd’hui, ce serait une défaite de la manipulation menée depuis la fin de la seconde guerre mondiale contre ses propres populations qui aboutirait à un échec.

 

Ouvrages de référence :

Grzegorz Rossolinski-Liebe, Stepan Bandera : The Life and Afterlife of a Ukrainian Nationalist, Facism, Genocide, and Cult, 2015

Grzegorz Rossolinski-Liebe : Faschismus in Europa 1919–1945 (Facisme en Europe 1919-1945), 2017

John-Paul Himka : Ukainian Nationalists and the Holocaust, OUN and UPA's Participation in the Destruction of Ukrainian Jewry, 1941-1944, 2021

Jean-Marc Dreyfus, Centre de Documentation Juive Contemporaine, Nouvelles approches sur la Shoah en Union soviétique, 2021


Lire l'article complet, et les commentaires