Un chef d’oeuvre de la littérature fantastique : l’élixir de longue vie de Balzac...

par rosemar
vendredi 8 juin 2012

Ce bref récit fantastique de Balzac peu connu du public, est pourtant une pure merveille d’écriture baroque.

Balzac reprend à sa manière le mythe de Dom Juan, personnage de libertin égoïste qui ne pense qu’aux plaisirs de la conquête. Le début de la nouvelle nous fait découvrir Dom Juan dans un palais somptueux de Ferrare où il reçoit des convives, des courtisanes. La fête bat son plein alors que le vieux père du séducteur est en train d’agoniser… Le fils ingrat ne pense qu’à l’héritage qui va lui être dévolu et ne songe nullement à s’attrister de la mort de son père.

Le récit se déroule autour d’un élixir magique capable de redonner la vie à un cadavre : le thème de la résurrection est récurrent dans le registre fantastique… Cet élixir merveilleux a été créé par le père de Dom Juan… qui demande à son fils d’en recouvrir son corps aussitôt que la mort l’aura atteint.


Bien sûr, Dom Juan refuse d’accorder cette immortalité à son géniteur et veut conserver le précieux élixir pour lui-même… Sceptique, il fait tout de même un essai sur l’œil de son père : l’œil frotté de cet élixir magique se met à revivre soudainement et le regard du père porté sur son fils est effrayant et terrible… Aussitôt Dom Juan écrase l’œil pour lui ôter toute vie. Le thème du parricide monstrueux relève aussi de la littérature fantastique.

Cette nouvelle de Balzac nous transporte dans un univers onirique et somptueux. La mort rôde, elle semble hanter les personnages qui la refusent, et, ce faisant, refusent leur condition d’êtres humains. Victimes d’hybris, de démesure, ils voudraient acquérir une immortalité divine et échouent dans leur entreprise.

N’est-ce pas là un récit plein d’enseignements ??

L’homme moderne n’est il pas lui-même soumis à cet excès d’orgueil, à ce trop plein de certitudes, à cette envie de vaincre la mort même ? N’en vient il pas à détruire ce qui est le plus cher, la nature, son environnement ? Ne veut-il pas s’égaler à Dieu lui-même en se livrant à des manipulations génétiques, en recréant la vie à sa façon ? L’homme moderne ne se perd-il pas dans une vie étourdissante de plaisirs ? Oubliant l’essentiel, il préfère les plaisirs frelatés aux bonheurs les plus simples…

L’écriture de Balzac foisonnante et somptueuse nous fait vivre ce récit fantastique dans la pénombre, la peur, l’angoisse, ingrédients indispensables dans ce genre littéraire. Balzac est bien un maître de la littérature fantastique, il nous plonge dans un univers où tout est possible, où s’affrontent les forces du bien et du mal.

Mêlant habilement deux mythes, celui de Dom Juan et celui de Faust qui vend son âme au diable, Balzac nous fait réfléchir à la condition de l’homme, qui doit affronter un jour la mort, une fin inéluctable, l’homme qui se doit d’accepter cette finitude.

Le récit s’achève dans une atmosphère satanique, baroque, anticléricale et on peut y voir aussi une dénonciation de l’église, de ses croyances…

Cette nouvelle de Balzac, riche de significations mérite bien une lecture ou une relecture…

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