Un Etat laïque pour une société multiconfessionnelle
par Orélien Péréol
mardi 26 mars 2013
La Cour de cassation vient de prendre deux décisions à propos de licenciements pour ports de signes religieux au travail. Elle a validé le licenciement dans une entreprise publique et l’a cassé dans une entreprise privée.


Ce faisant, elle a cassé une interprétation de la laïcité contraire à l’essence de cette laïcité, et qui court dans les discours publics et dans les esprits depuis quelques années. Ce faisant, elle est revenue à la laïcité en ce qu’elle est vraiment : une obligation de l’Etat à la neutralité religieuse et non pas un commandement de l’Etat à ce que les citoyens professent publiquement un athéisme quelles que soient leurs convictions religieuses réelles. La laïcité est un arbitrage (de l’Etat et seulement de l’Etat) de la présence des religions dans la société dans une indifférence positive envers chacune. Notre nouvelle laïcité est une profession d’athéisme par l’Etat dont il s’autorise pour commander un affichage d’athéisme aux citoyens. Cette laïcité athéisme public implique une division des personnes entre un espace privé et un espace public qui n’obéissent pas aux mêmes règles.
Une loi dite « contre le voile à l’école » a mis cette laïcité athéisme public à la place de la laïcité arbitrage. Elle a renversé à 180° la signification de la laïcité : d’une organisation de la liberté des citoyens, elle a fait une contrainte.
Cette position est intenable psychologiquement puisqu’elle impose d’avoir deux personnalités : une personnalité de l’entre soi avec un esprit religieux et une personnalité de la rue, des trains, du travail… qui ment aux autres en affichant un athéisme de façade.
Cette position est intenable politiquement car il faudrait sortir de l’espace public toutes les manifestations de religion, principalement les églises, les cathédrales, les calvaires à la croisée des chemins…etc. ce qui n’est pas envisageable.
Au lieu de prendre ces décisions de la cour de cassation comme une occasion de réfléchir à la laïcité, d’en discuter, les commentaires publiés sont tous dans le même sens d’une dénonciation, horrifiée bien souvent : il s’agirait là d’un renoncement au principe de laïcité.
Bien des commentaires expriment l’idée que la laïcité ne s’appliquerait pas partout de la même façon. C’est un contresens. La laïcité n’est pas la laïcité de la société. Il n’y a pas de comportement laïque des personnes. Il n’y a pas de laïcité des citoyens.
Philippe Valls parle de « mise en cause du principe de laïcité » ! C’est tout le contraire ! C’est une décision qui s’appuie sur la laïcité-arbitrage et la promeut. La République sort renforcée de cet arrêt. C’est une base à laquelle il faut revenir, sans prendre cinq ans, sans mobiliser les derniers recours du ministère de la Justice. Nous devons l’avoir en nous et la faire fonctionner. Il nous faut retrouver la laïcité-arbitrage et quitter ce qui s’appelle maintenant laïcité et qui est une autorisation pour l’Etat de contraindre les citoyens.
Cette décision applique la laïcité : l’Etat dans ses diverses administrations ne peut permettre qu’un de ses serviteurs affiche sa religion. Tous les autres font ce qu’ils veulent.
Au lieu de cela, les hommes politiques vont proclamer de nouvelles lois du côté de la laïcité-athéisme public et augmenter les problèmes sociétaux, faisant apparaître la nécessité pour eux de nouvelles lois, encore de nouvelles lois, ainsi qu’on peut voir cette augmentation depuis la loi « sur le voile ».