Un Grenelle contre la connerie, pour un développement intelligent

par Bernard Dugué
vendredi 25 février 2011

Parmi les maux qui menacent l’Europe, l’un s’avère furtif, caché, disséminé, travesti souvent sous la figure du bon sens populaire mais à long terme, il risque de conduire les sociétés vers leur chute. Ce mal, c’est la connerie humaine, un fléau plus dévastateur que la finance et le climat réunis. La connerie crée de l’entropie positive sans espoir de la détourner en harmonie organisée. La connerie, c’est de la déperdition, du gaspillage, du temps et surtout de l’argent perdu. Il est urgent d’organiser, sous l’égide de quelques philosophes et autres libres penseurs, le Grenelle de la connerie, un état des lieux sur les bêtises qui ont été commises et risquent de l’être encore si rien n’est fait. Le protocole de Kyoto limite le rejet des gaz à effet de serre. C’est une idiotie. Signons le protocole contre les Idiots, pour faire cesser ce tournant stupide pris par les sociétés. Un tournant qui bien évidemment, fait gagner de l’argent aux uns, en contrepartie des pertes et autres gaspillages financés par les contribuables. La Cour des comptes dénonce les gaspillages publics tangibles, évidents, comme des salaires perçus sans travail effectué, ou des salles de sports qui ne sont pas utilisées. Mais d’autres dépenses inutiles sont avérées si on les ramène au ressort qui les a produites, la bêtise, souvent associée à des lubies idéologiques, notamment les principes de précaution ou du développement durable. Ensuite, il y a les conneries qui façonnent la bêtise citoyenne, font perdre du temps, rendent stupides, participent à l’édification d’une société sous culturelle, où des ânes de cirque emplissent leurs poches tandis que d’authentiques artistes et inventeurs sont mis sur la touche. C’est cela la connerie contre laquelle un Grenelle doit s’opposer.

La connerie diffuse dans le système de la santé a coûté presque un milliard d’euro lorsqu’il fut question de vacciner les Français contre une grippe moins sévère que les années passées. Ces faits ont été établis par diverses commissions. Mais ce que l’on ignore, c’est le coût pour les soins palliatifs accordés au porte-avion Clemenceau qui aurait dû finir dépecé en Inde et qui, à cause de quelques arguties écologistes, fut rapatrié aux frais du contribuable. La suite est grotesque. Il fallut draguer une rivière anglaise pour l’accueillir afin qu’il soit démantelé, non sans avoir été gratté auparavant pour ôter les débris organiques et autres mollusques accrochés. Ce qui laisse penser qu’un tel bâtiment pourrait servir de récif artificiel. Justement, c’est ce qu’on décidé les autorités américaines lorsqu’elles ont coulé au large de la Floride le Oriskany, un beau joujou plus long que le Clemenceau. Du reste, les autorités de New York font de même en coulant des centaines de rames de métro au large de Manhattan, pour le plus grand plaisir des poissons. La connerie nous coûte cher. Derniers exemple en date, les lycées répondant au protocole de Kyoto dont la spécificité est de consommer zéro énergie fossile et même produire de l’électricité, comme le futur lycée de Bègles concocté par les bureaucrates du Conseil régional d’Aquitaine, pour satisfaire les lobbys verts et les lubies écologistes du coin. Un « lycée Kyoto », dont le coût sera de 60 millions d’euros, c’est-à-dire 3 à 4 fois le prix d’un lycée standard. Les promoteurs de ce projet arguent que le surcoût sera amorti du fil du temps. Difficile à avaler sachant que le chauffage d’un lycée coûte 50 000 euros l’an. Faites le calcul sur trente ans, période de référence car à cette échéance, les panneaux solaires risquent d’être morts et promis au remplacement. Cela dit, avec un baril de pétrole à 2000 dollars, l’investissement pourrait être rentable. C’est un argument qu’il faut oser, mais comme l’énonce la fameuse réplique d’Audiard, les cons ça ose tout et c’est même à ça qu’on les reconnaît ! On ne résistera pas à ironiser sur l’indice de carbone mentionné sur un banal paquet de pâtes. Comme si cette donnée avait une quelconque utilité, surtout que dans les cercles oligarchiques, les jets privés sont utilisés pour transporter une demi-douzaine d’happy few afin de leur éviter les tracas des salles d’embarquement et les séjours dans les terminaux. Après, on va culpabiliser le clampin moyen en lui affichant quelle quantité de gaz carbonique il rejette en osant ouvrir un paquet de biscottes ! La connerie, c’est aussi faire payer aux mutuelles des lunettes griffées pour bobos alors que des tas de gosses pauvres n’ont pas de quoi se payer des verres de correction. La connerie, n’est-ce pas la moitié du temps de présence consacrée par le personnel hospitalier à remplir des formulaires pour tout consigner, juste pour se prémunir d’un éventuel procès intenté pour une erreur médicale ?

Une question profonde mais pas métaphysique surgit alors. Quels champs méritent d’être ciblés par le Grenelle contre la connerie ? Si celle question se pose, c’est que la connerie est logée dans les moindres recoins des actions individuelles et collectives. Nous ne disposons pas de philosophie de la connerie, ni de traité de connologie. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse en risquant une tyrannie de l’intelligence qui en fin de compte est une belle connerie. Chacun est libre d’engager sa propre connerie, d’agir stupidement, tant qu’il ne menace pas autrui. Il faut même tolérer un peu de connerie et puis si ça peut faire fonctionner la croissance, pourquoi pas. Lutter contre la connerie est tout aussi difficile que limiter le rejet des gaz à effet de serre mais c’est bien plus utile car l’essentiel est de léguer aux générations futures un monde vivable, autrement dit un monde pénétré d’un minimum de raison et d’intelligence. Le Grenelle contre la connerie plaide pour un développement intelligent des sociétés. Les politiques sont invités à signer des engagements pour 2012 afin qu’ils luttent contre la bêtise. Sans doute faudra-t-il associer les responsables médiatiques car les grandes chaînes sont les espaces où se propagent avec le plus d’intensité les bêtises. Combien de petites phrases stupides, de scoops inutiles, de potins mondains, sont véhiculés par les journalistes ? La télé rend bête, surtout les JT. L’information est stupide au point de générer des peurs et des inquiétudes, des névroses et même des psychoses, en mettant en avant les accidents, les faits crapuleux, les drames personnels. Et après, il faut dépêcher des cellules psychologiques pour réparer les dégâts. Sans compter ces shows où des célébrités ânonnent forces banalités et lieux communs. Mais n’est-ce pas le propre de la paresse intellectuelle que de se complaire dans la bêtise parce que c’est plus évident et parfois un peu drôle. Le système capitaliste ne supporte pas que l’on soit paresseux face au travail mais il encourage la paresse intellectuelle et c’est cela le drame du monde qui nous attend. Aussi, il est temps que le Grenelle contre la connerie soit organisé en haut lieu. Sous le patronage posthume de Michel Audiard, Pierre Desproges et Coluche.


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