Un jugement incompréhensible

par Denis Robert
jeudi 7 décembre 2006

Les journaux et agences ont annoncé que Clearstream venait de gagner un procès en diffamation contre moi et que j’étais condamné à 1500 euros d’amende pour avoir dit à VSD le 24 mai dernier que la multinationale ayant son siège à Luxembourg était « le poumon de la finance parallèle. » Tout est faux dans cette information.

Le jugement me condamnant hier pour propos diffamatoire est incompréhensible tant par la lourdeur des sommes mises à ma charge que sur le fond et sur le précédent qu’il crée. D’abord ma condamnation est beaucoup plus lourde... Je dois verser 1500 euros de dommages et intérêts à Clearstream, 2000 euros à Richard Malka, l’avocat de Clearstream et 4000 euros en frais de publication.

Ce jugement est exécutoire. Cela signifie que même si je fais appel, et je ferai appel, je dois payer. Et je paierai.

Par ailleurs, je n’ai pas été condamné pour la raison évoquée plus haut. Il suffit de comptabiliser les milliers de comptes ouverts par Clearstream dans la quarantaine de paradis fiscaux qui figurent dans les listes de mes livres pour trouver ce jugement encore plus incompréhensible.

Si j’avais dû me défendre, j’aurais au moins amené ces documents... Mais je ne me suis pas défendu sur le fond. Je n’avais aucune raison de le faire, puisque je n’avais pas accordé d’interview à VSD. Mon avocat a plaidé cela. Le texte publié par VSD est en effet le fruit d’un sombre bidouillage et l’a été sans mon accord. Les mots de cet article ne sont pas les miens. Je ne l’ai découvert que plusieurs semaines après sa publication. La condamnation d’hier, incroyablement lourde, est le fruit d’une réflexion juridique très alambiquée. Le président du tribunal a jugé que comme je ne m’étais pas opposé à cette publication, je la cautionnais. Ce qui n’est pas le cas. Ce qui n’a jamais été le cas. D’où mon effarement aujourd’hui.

Pour comprendre, il faut remonter à la période précédant la sortie de mon livre Clearstream, l’enquête. J’étais sollicité de toute part pour faire des interviews. Parmi ces sollicitations, un pigiste régulier de VSD. Journaliste sympathique connaissant mes livres, introduit par mon éditeur, il m’interroge par téléphone. Je lui réponds... Il me renvoie l’interview par mail. Je la corrige et donne mon accord. L’interview passe sans problème le 17 mai.

A mon retour de vacances, je trouve une plainte de Clearstream et découvre que VSD a publié sans mon accord cette fois un second entretien réalisé à partir des scories du premier, avec une titraille accrocheuse et des photos prises « de l’intérieur de Clearstream ». Voyage au cœur de la lessiveuse... Etc. Le journaliste (ou son rédacteur en chef), dans la frénésie de l’affaire, invente questions et réponses, fait des coupés-collés avec des passages de mon livre Révélation$... Envoyé, c’est pesé !

C’est pour ce simulacre d’interview que j’ai été condamné hier. Se sentant très limite déontologiquement dans cette histoire, VSD avait proposé de prendre en charge mes frais de défense si j’assumais les propos de l’article. J’ai failli accepter. « Tu as déjà assez de procès pour des propos que tu as tenus, pas la peine d’en rajouter pour des propos que tu n’as pas tenus », m’avait conseillé, à juste titre, mon avocat Michel Zaoui. Je l’ai écouté. Je ne le regrette pas, même si ce soir je suis blessé par cette injustice.

Il en va ainsi de cette affaire Clearstream. Je paie aujourd’hui pour ma liberté de parole. Clearstream va utiliser jusqu’à la corde ce jugement dans tous les procès qui me sont intentés. Des médias, en nombre, peu informés, ont déjà publié la triste nouvelle de cette condamnation sans chercher à comprendre. Et encore moins à s’informer.

Quand je m’exprime sur ce dossier, on me met en examen ou on me poursuit quasi systématiquement. Quand je ne m’exprime pas, on me condamne. Quelle alternative me reste-t-il ?

Nous faisons appel et réfléchissons à une action en justice contre VSD. Le combat continue. Je ferai bientôt sur mon blog (http://www.ladominationdumonde.blogspot.com) un point détaillé des actions intentées et de leur coût. Ceci pour répondre aux internautes qui sont de plus en plus nombreux à participer à mon comité de soutien (http://lesoutien.blogspot.com). Et que je remercie. Sans eux, mon moral aurait tendance à flancher ces derniers temps. Surtout que les jours qui s’annoncent sont difficiles. Mise en examen le 12 décembre. Procès en appel contre Clearstream les 14 et 15.

Je n’ai jamais pensé en arriver là. Je n’ai écrit que des livres dénonçant les pratiques troubles d’une multinationale de la finance. Je jugeais que ces livres étaient utiles à l’information du public. Voilà mes seules motivations. Voilà pourquoi je me bats. Voilà pourquoi je suis si violemment attaqué aujourd’hui. Voilà pourquoi tout cela est insupportable.


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