Un monde fracturé plus que jamais

par Dr. salem alketbi
samedi 10 octobre 2020

Ce qui se passe dans les relations internationales ces derniers temps, en particulier depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, est peut-être du jamais vu, du moins depuis la fin de la guerre froide. Le monde de la guerre froide était nébuleux pendant des décennies, jusqu’à la désintégration du bloc soviétique et la chute du mur de Berlin, dans le dernier quart du XXe siècle.

Aujourd’hui, lors des réunions annuelles de l’Assemblée générale des Nations unies, les mots des présidents et des dirigeants du monde entier brossent un tableau sombre de ce qui arrive dans le monde. Il est vrai que les paroles ont été enregistrées et diffusées par vidéo en raison de la pandémie. Mais le climat a été assez expressif de la situation mondiale tendue.

Cette situation n’est certainement pas surprenante pour les observateurs et les spécialistes. Depuis des mois, on constate une absence totale de coopération internationale face au déclenchement de l’épidémie de coronavirus. Féroces disputes sur la production de vaccins aussi. Une situation qui reflète le déclin, sinon l’effondrement, de la coopération et de la coordination internationales.

Les ententes et accords de coopération mutuelle, produits de la mondialisation en divers domaines, ont disparu du paysage. En effet, la menace qui pèse sur les liens internationaux est bien plus préoccupante que l’avertissement d’une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine lancé par le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres.

La «  direction très dangereuse  » vers laquelle le monde se dirige, comme l’a dit Guterres, ne présage rien de bon. Les clivages qui divisent le monde ne le séparent plus seulement en deux parties qui pourraient faire éclater une guerre froide, estime-t-il.

Bien pire. Outre le fossé qui se creuse entre la Chine et les États-Unis, il existe des divisions transatlantiques entre Washington et ses alliés européens. Il y a des fissures au sein même de l’Europe.

Le chaos plane sur diverses parties du monde, en raison de l’absence de leadership mondial consécutive au recul du rôle des États-Unis dans la direction de l’ordre mondial ; le gouvernement américain actuel n’est pas passionné par ce rôle. Les répercussions ont été aggravées par d’énormes défis mondiaux que les institutions internationales concernées n’ont pas été en mesure de relever, notamment lla l’épidémie du coronavirus.

Selon le secrétaire général des Nations unies, «  un fossé technologique et économique risque inévitablement de se transformer en un fossé géostratégique et militaire. Nous devons éviter cela à tout prix.  » Le gouffre technologique et économique est beaucoup plus nocif que les divergences militaires et géostratégiques. Ces dernières sont déjà là.

On ne peut pas dire qu’il existe une coopération ou une entente entre les grandes puissances militaires et en matière de concurrence géostratégique. Mais ce qui est nouveau, c’est la transformation du progrès technologique et de la concurrence féroce dans ce domaine en un champ de bataille plus farouche que les autres. Synonyme de richesse, d’économie et d’avenir, la technologie est la boussole qui détermine le classement des nations au XXIe siècle.

Dans ce contexte, le président américain Donald Trump, accusant la Chine d’avoir provoqué une pandémie du coronavirus, a appelé le monde à tenir la Chine pour responsable. «  Nous devons tenir pour responsable la nation qui a déclenché ce fléau dans le monde : la Chine.  »

Pour sa part, le président chinois Xi Jinping, dans son discours, a semblé plus calme et plus diplomatique, soulignant que son pays ne cherchait pas une nouvelle guerre froide. «  La Chine est le plus grand pays de développement au monde, un pays qui s’est engagé dans un développement pacifique, ouvert, coopératif et commun. [...] Nous n’avons pas l’intention de mener une guerre froide ou une guerre chaude avec un pays quelconque,  » a-t-il déclaré, rejetant ce qu’il a décrit comme une politisation de la pandémie, le signe que les intentions des deux parties ne concordent pas.

Les États-Unis veulent accélérer et régler le conflit polaire pour repousser le dragon chinois au plus tôt. Quant à la Chine, elle se retranche derrière sa patience stratégique historique, qui voit le temps d’un point de vue totalement différent de celui de l’Occident. La Chine ne veut pas précipiter, ni même avoir un affrontement, parce qu’elle a une vision stratégique claire de l’avenir.

Ce qui compte, c’est que l’état du monde, tel qu’il est apparu dans les discours des chefs d’État, donne une image lamentable des relations internationales. Le système d’action collective tombe en ruine.

Le roi Abdallah II de Jordanie a exprimé ce sentiment en disant que la crise du coronavirus a placé un miroir devant notre monde, qui montre les faiblesses de notre système global. Certes, les faiblesses et les défaillances de notre monde existent depuis de nombreuses décennies. Mais la nouvelle est que les effets et les implications de l’érosion du rôle et de la faiblesse des Nations unies n’ont jamais été aussi marqués que maintenant.

L’organisation est totalement absente de la scène internationale. On ne l’entend plus. Elle ne joue plus aucun rôle dans les grands dossiers mondiaux, à l’exception des déclarations officielles faites par les fonctionnaires des Nations unies après chaque développement ou crise au monde.

Reste maintenant à savoir si les Nations unies peuvent se relever ou sauver leur rôle de l’inévitable. Il est question de la présence d’une volonté de reconsidérer le rôle de l’ONU et d’autres organisations internationales à la lumière des leçons tirées.

On voit bien par contre que cette volonté n’est pas encore cristallisée. L’ONU continuera à être soumises aux interactions de l’après-coronavirus dans les relations internationales et pourra être repensée, restructurée ou réactivée en fonction des résultats de ces interactions, ce qui pourrait prendre quelque temps.


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