Un statut d’Etat reconnu pour la Palestine à l’ONU : pour la paix ou la guerre ?

par guylain chevrier
jeudi 29 novembre 2012

Dans quelques heures, ce 29 novembre, les Palestiniens vont demander à l’ONU d’être reconnus comme Etat dit « observateur ». Ce vote, qui aura lieu soixante-cinq ans après la résolution 181 qui prévoyait l’établissement de deux États, met en jeu la reconnaissance de l’État palestinien par la communauté internationale. Il intervient également dans un contexte de tensions extrêmes comme l’illustre la situation à Gaza.

On nous explique que ce serait « probablement » la meilleure chance de paix depuis des décennies. La France y a apporté son soutien par la voix de son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, après quelques hésitations. On le comprend lorsqu’on regarde les choses d’un peu plus près que ce que donnent à voir les grandes déclarations d’intention sur la dynamique de paix que cela déclencherait, car ne serait-ce pas plutôt le risque de la guerre ? On ne peut tout de même pas complètement faire abstraction d’un contexte d’une extrême violence et d’islamisation de la Palestine comme du monde-arabo musulman dans lequel cette demande arrive devant l’ONU.

Un nouvel épisode de violence favorable au Hamas qui n’a rien de l’improvisation.

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a félicité, jeudi, le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, pour sa "victoire" après la conclusion d'un cessez-le-feu avec Israël, a annoncé le bureau d'Ismaïl Haniyeh dans un communiqué. "Lors d'une conversation téléphonique, le président Abou Mazen (le surnom de Mahmoud Abbas, NDLR) a félicité Ismaïl Haniyeh du Hamas pour sa victoire et exprimé sa sympathie aux martyrs", précise le communiqué.

L'agence de presse palestinienne Wafa, basée à Ramallah (Cisjordanie), a précisé que Mahmoud Abbas « a salué la détermination (palestinienne) face à l'agression et a souligné l'importance de parvenir à un cessez-le-feu et d'épargner les ravages de la guerre".

De leur côté, Ismaïl Haniyeh et deux autres dirigeants du Hamas, Ahmed Bahr et Mohammad al-Hindi, ont apporté leur "soutien à l'initiative nationale pour demander le statut d'État observateur à l'ONU le 29 novembre". Mahmoud Abbas a officialisé le 27 septembre à la tribune des Nations unies son projet pour que la Palestine obtienne à l'ONU le statut d'État non membre d'ici la fin de l'année à l'Assemblée générale, où la majorité simple requise lui semble acquise.

On voit ici le jeu qui s’est installé entre les deux entités palestiniennes pour obtenir une reconnaissance à l’ONU et sur quel fondement.

Le Hamas a renforcé sa légitimité en utilisant l’arme la plus sûre, l’engrenage de la violence avec son flot de haine et de désir de vengeance qui nourrit sa propagande religieuse. Curieusement, cela est intervenu à la proximité de ce rendez-vous de l’ONU ! Il n’y a ici aucun hasard.

Au poker menteur, le Hamas est passé maître en martyrologie. Il n’a pas hésité, comme plusieurs reportages au journal de France 2 l’ont montré dans la semaine qui a précédé le cessez le feu, à travers les groupes armés halogènes qui se chargent de ce « sale boulot », à faire tirer des roquettes au cœur des quartiers populaires immédiatement frappés par des tirs de riposte israéliens impliquant nécessairement des civils. Un bilan que l’on dit de 160 morts et de nombreux blessés dont des enfants inévitablement. L’horreur tout simplement ! On connaissait l’utilisation de la population comme bouclier humain là, c’est tout simplement la sacrifier pour mieux semer les graines empoisonnées de la vengeance qu’appelle la mort de ceux qui ici passent du statut d’otages d’un régime islamiste qui les exposent au pire, à celui de martyrs.

De la Palestine du Hamas à l’Egypte de Morsi, l’islamisme joue son va-tout.

Voilà ce que cautionne Mahmoud Abbas lorsqu’il félicite le Hamas. Il faut dire que cette légitimité est aussi tirée du rôle qui a été attribué par Américains interposés, au Président Egyptien, Mohamed Morsi, dans les négociations du cessez le feu, comme au bon vieux temps de Moubarak comme si rien n’avait changé. Un Mohamed Morci qui a dépêché son Premier ministre, Hicham Qandil, à Gaza, pour rencontrer le Hamas dans ce contexte, qui en a tiré une reconnaissance diplomatique inespérée et ce, avec la bénédiction des Etats-Unis présomptueux à penser encore tenir les ficelles derrière tout cela.

Monsieur Morsi ne laisse pas de doute sur sa stratégie et le choix de son camp comme de l’écoute attentionnée dont il bénéficie de la part des Etats-Unis : Avec M. Obama, "nous avons discuté de la nécessité de mettre fin à cette agression et qu'elle ne se répète pas", a –t-il dit, tout en affirmant « nous veillons aux relations avec les Etats-Unis » (Sic !).

Les Frères musulmans ont depuis longtemps été choisis par l’administration américaine pour prendre la suite, sans risque pour les intérêts et l’influence US jusqu’à plus ample informé et toujours sur ce mode reconnaissable propre au pays à la bannière étoilée : celui de l’éléphant dans le magasin de porcelaine.

Cette résolution s’inscrirait soi-disant, dans la lignée des mouvements du Printemps arabe en faveur de la démocratie et de la liberté au Proche-Orient, et ouvrirait la voie à un processus de paix « plus juste » entre les deux pays. Mais comment l’entendre alors que M. Morsi, de son côté et pour faire l’équilibre, a profité de cette nouvelle aura internationale que lui a procuré ce rôle diplomatique pour s’attribuer les pleins pouvoirs en Egypte, enterrant les espoirs du Printemps arabe, phénomène de marche arrière de l’histoire qui affecte pratiquement tous les pays où il s’était manifesté. L‘espoir de la liberté a été remplacé par une nouvelle domination religieuse écrasant les droits et les libertés. 

La Palestine est-elle prête ? Et si non, les conséquences risquent d’être incalculables !

L’ONU, la Banque mondiale et le FMI seraient unanimes nous dit-on : les Palestiniens seraient prêts pour l’indépendance si l’occupation cessait. Mais de quoi parle-t-on ? Il reste des questions majeures irrésolues y compris par-delà la guerre, en ce qui concerne l’absence d’un véritable Etat de droit, car le législatif est loin d’être soustrait à la domination du religieux, c’est même le Hamas qui fait figure de modèle de résistance y compris pour M. Abbas, alors que ce mouvement a dans ses objectifs la destruction pure et simple d’Israël et l’édification d’une République islamique. Pour l’ONU, la banque mondiale, le FMI ou les Etats-Unis, on se moque de savoir si on pactise avec l’islamisme et des conséquences pour les peuples palestinien et israélien et au-delà, puisque l’essentiel est qu’on ne touche pas au système, qu’on le pérennise !

Est-ce donc bien le moment de franchir le pas pour proposer la reconnaissance de l’Etat palestinien, au moment même où c’est la violence et cette martyrologie organisée cyniquement au nom d’Allah qui prévaut ? Alors que cette reconnaissance à l’ONU s’appuie sur des pays en voie d’islamisation et une Palestine elle-même que le Hamas semble incarner au-delà de tous ses espoirs, rejoignant un mouvement d’ensemble des pays arabo-musulman inquiétant pour la stabilité du monde et justement pour la paix.

Cette Palestine là est-elle représentative du projet d’Etat palestinien souhaitable ? On peut donc en douter.

Ceux qui prétendent qu’il ne s’agirait ici que d’une place d’observateur aux incidences limitées trompent leur monde, car en réalité que disent, y compris en France, ceux qui défendent cette proposition qui ont l’habitude de soutenir la cause palestinienne sans balance ni mesure : Que c’est une proposition légitime et non-violente qui représente une extraordinaire occasion de rompre avec les sempiternels pourparlers menés par les États-Unis, qui ne font que cautionner la dépossession illégale des terres palestiniennes par les « colonies » israéliennes. (…) Si la Palestine remporte le vote onusien, cette victoire pourrait marquer le début de la fin de 40 ans d’occupation et paver le chemin de la création de deux États…

On sait que ce statut d’observateur ne saurait procurer à lui seul cela, c’est donc ailleurs et autrement qu’il faut chercher ce que l’on affirme ici. C’est tout simplement dans un soutien dont cet Etat « observateur » pourrait bénéficier à l’ONU ensuite, soutien de toute une série de pays aujourd’hui tombés sous l’islamisme qui ont tous Israël dans le viseur et usent du ressentiment contre ce dernier comme ciment de leur autorité et du pouvoir religieux arbitraire qui y est adossé. Il y a bien le risque que ce soit par la guerre que ces ambitions déclamées, par ces soutiens à la reconnaissance de la Palestine comme Etat observateur à l’ONU, pourraient trouver à être satisfaites ! 

On nous dit encore que l’accès de la Palestine au statut d’État engagera une reconnaissance par l’ONU qui changera les dynamiques de négociation et ouvrira la voie à la liberté et à la paix. Et encore que, dans toute la Palestine, les habitants se préparent, avec espoir et envie, à conquérir une liberté que des générations n’ont jamais connue. Comment peut-on être aussi naïf dans un tel contexte qui donne au Hamas le rôle majeur, une organisation islamiste et terroriste, au projet politique contraire à ce que l’on considère ailleurs comme les droits fondamentaux de l’homme, qui n’hésite pas à sacrifier la population qu’il est censé représenter sur l’autel de la martyrologie religieuse qui sert ses ambitions, son idéologie destructrice et guerrière.

 

Il n’y a de solution que politique et d’Etat palestinien viable que laïque.

Les morts n’ont que la valeur qu’on leur donne dans une stratégie qui vise à la diabolisation de l’ennemi historique avec de l’autre côté, ceux qui, à l’extrême-droite religieuse israélienne en tire leur profit répondant à un extrémisme par un autre qui tout à coup devient lui aussi légitime. L’engrenage de la violence profite ici aussi, avec des colonies qui se justifient d’autant mieux car plus la terre occupée s’élargit, mieux il peut être possible de la défendre comme terre promise par un dieu contre un autre…

En réalité, il n’y a de solution à la question d’un Etat-palestinien qu’à la condition qu’il soit un Etat laïque, comme le souhaitait Yasser Arafat. Car, c’est sur le plan politique que ce conflit israélo-palestinien trouvera à se résoudre, en tout cas pas sur le contentieux religieux qui lui est indépassable, dogme contre dogme. Aussi, reconnaitre dans ce contexte l’Etat palestinien, ne serait-ce qu’à travers un statut d’Etat d’observateur à l’ONU, c’est à cette heure prendre le risque d’encourager l’engrenage de la violence sur lequel prolifère l’état actuel des choses, miné par un fond religieux. Une situation qui n’a jamais été aussi près d’une véritable guerre entre la Palestine, ses alliés et Israël. Craignons que cette reconnaissance ne soit déjà inscrite au registre de l’histoire comme la mèche qui embrasera le tout. L’alternative est plus que jamais entre laïcité ou islamisme !

 

Guylain Chevrier, historien.


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