Une adhésion à l’Otan apporte aussi des inconvénients

par Patrice Bravo
vendredi 13 mai 2022

L'Otan mène la « politique de la porte ouverte » pour accroître la stabilité et la sécurité en Europe. Cette expansion réalisée par l'arrivée de nouveaux pays membres pourrait, cependant, causer des problèmes à l'Alliance.

La Finlande et la Suède souhaitent adhérer à l'Otan en raison du conflit en Ukraine. Moscou a déclaré que cela aura « de graves conséquences militaires et politiques ». Pourtant, une enquête menée par le site Yle a révélé que 53% des Finlandais soutiennent l'adhésion de la Finlande à l'Otan, 28% étant contre et 19% incertains. Pour Yle, le résultat est historique car jamais auparavant, il n'y a eu autant de soutien pour l'adhésion à l'Otan en Finlande. Il faut aussi voir ce que cela signifie d'être membre de l'Otan. 

La défense collective. L'Otan est une alliance entre 30 pays membres dont la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie. La Macédoine du Nord a été la dernière à y rentrer en 2020. Cette organisation militaire et politique a été fondée en 1949, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour s'opposer à l'Union soviétique et assurer la paix en Europe. Son slogan est de dire qu' « une attaque contre un Allié est considérée comme une attaque contre tous les Alliés ». Les Etats membres contribuent aux activités et aux opérations mondiales de l'Alliance sous différentes formes et à différentes échelles avec des soldats ou du matériel. L'Otan a, actuellement, quatre groupements tactiques multinationaux en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne qui ont un effet dissuasif sur d'éventuelles attaques extérieures. Le Royaume-Uni, le Canada, l'Allemagne et les Etats-Unis, avec un nombre total d’environ 4 957 troupes, dirigent ces quatre groupements tactiques ce qui montre la solidarité, la détermination et la capacité des Alliés à défendre le territoire et les populations de l'Alliance.

Avec le conflit en Ukraine, les Alliés de l'Otan ont décidé de mettre en place quatre autres groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie. Cela porte à huit le nombre total de groupements tactiques multinationaux s'étendant de la mer Baltique au nord à la mer Noire. L'organisation a aussi des partenariats avec l'UE, l'Onu et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour gérer d'autres problèmes mondiaux comme la crise des réfugiés.

 Promouvoir le dialogue, le consensus. En reliant les pays européens et nord-américains, l'Alliance crée une plateforme de dialogue et de coopération outre-Atlantique en affirmant la promotion de la coopération entre ses membres, la protection de leur liberté, le combat pour la démocratie et de l'Etat de droit. C'est au sein de son Conseil de l'Atlantique Nord (CAN), dont chaque Allié est membre et dont les décisions sont prises par consensus, qu'elle agit. Les pays doivent voter à l'unanimité une décision pour qu'elle soit promulguée, comme l'adhésion d'un nouveau membre.

La seule obligation, pour les membres d'y participer, concerne la défense collective au titre de l'article 5. L'Otan étend aussi la coopération aux non-membres en accordant à certains pays un statut connu sous le nom d’EOP (Enhanced Opportunities Partnership, ou opportunités de coopération renforcée). Les pays non membres qui ont apporté des contributions importantes aux opérations et missions dirigées par l'Otan sont concernés. Après avoir fourni des troupes aux opérations alliées, notamment en Afghanistan et au Kosovo, ainsi qu'à la Force de réaction de l'Otan et à ses exercices, l'Ukraine a été reconnue comme partenaire tout comme l'Australie, la Finlande, la Géorgie, la Jordanie et la Suède.

Pour adhérer, les pays doivent répondre à certains critères politiques, économiques et militaires qui incluent un système politique démocratique fonctionnel basé sur une économie de marché et une volonté de résoudre les conflits pacifiquement. L'adhésion pourrait améliorer la démocratie chez les membres potentiels et conduire à une plus grande stabilité en Europe. Pour certains observateurs, c'est discutable, car, selon eux, les coûts et les risques de l'élargissement de l'Otan dépassent ses avantages potentiels. L'ajout de nouveaux membres peut accroître les tensions avec la Russie et diminuer la probabilité d'une coopération sur les problèmes mondiaux. Cela provoque des inconvénients.

Des tensions avec la Russie. Vladimir Poutine a averti pendant des années que Moscou résisterait à une nouvelle expansion de l'Otan sur les pays limitrophes, la considérant comme une menace directe pour son pays. Les Etats ex-soviétiques comme l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, sont déjà membres de l'Otan et l'Ukraine et la Géorgie sont des partenaires non membres. John Feffer, directeur de Foreign Policy in Focus de l'Institute for Policy Studies, a affirmé que l'expansion de l'Otan provoque inutilement la Russie, déclarant en 1996 : « L'expansion est un acte agressif qui menace de défaire des décennies de coopération en matière de sécurité et de faire pencher la Russie vers une alliance anti-occidentale avec la Chine ou... l'Irak ».

Dépendance financière envers les Etats-Unis. Les Alliés de l'Otan ont convenu en 2014 de consacrer au moins 2% de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense pour assurer la préparation militaire de l'Alliance. Mais, la majorité des membres n'a pas atteint l'objectif. Selon l'Otan, les Alliés non américains dépensent ensemble moins de la moitié de ce que les Etats-Unis dépensent pour la défense. Le volume des dépenses de défense des Etats-Unis représente environ les deux tiers des dépenses de défense de l'Alliance dans son ensemble créant une dépendance importante. Les critiques estiment que les Alliés devraient atténuer cet effet en investissant et en construisant leurs propres systèmes de sécurité et de défense.

Ainsi, d'autres membres de l'Otan comme l'Allemagne, avec le début de l'offensive russe en Ukraine, ont affirmé vouloir augmenter leurs dépenses de défense. En outre, les nouveaux membres doivent mettre leurs équipements aux normes de l'Otan. L'Alliance affirme que cette normalisation est utile à la communauté d'Europe de l'Est en permettant une utilisation plus efficace des ressources en améliorant l'efficacité opérationnelle de l'Alliance.

Implication dans un conflit. Si l'engagement de défense collective de l'Otan protège les Alliés, ces derniers peuvent être contraints de participer à un conflit si un autre Allié est attaqué. Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l'Otan a invoqué l'article 5 pour la première fois de son histoire, s'engageant à soutenir les Alliés actuels de l'époque contre le terrorisme international. Dans le cadre de l'opération Eagle Assist, des avions de l'Otan ont patrouillé dans le ciel des Etats-Unis pendant sept mois après l'attaque. Et dans le cadre de l'opération Active Endeavour, des forces navales de l'Otan ont été envoyées en Méditerranée orientale pour mener des activités de contre-terrorisme. S’il y a plus de pays à rejoindre la coalition, force est de constater que le risque d'être entraîné dans plus de conflits augmente en parallèle pour les Alliés.

Actuellement, si le conflit en Ukraine s'étend aux territoires de l'Otan, les pays alliés devront s'impliquer directement, ce qui aggravera encore les tensions en une véritable guerre mondiale. 

Pierre Duval

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Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=3853


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