Une bande audio de l’Ayatollah Montazeri provoque la consternation en Iran
par Mazdak Teherani
mercredi 14 septembre 2016
C'est avec consternation que les Iraniens ont découvert le mois dernier la bande audio de l'ayatollah Montazéri décrivant le massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988 en Iran. « C'est le crime le plus terrible perpétré en République islamique depuis la révolution et pour lequel l'histoire va nous condamner, » a-t-il déclaré dans cet enregistrement de 40 minutes de propos tenus lors d'une réunion à huis clos entre ce dauphin du fondateur de la République islamique et les quatre membres de la commission chargée de mener « l'épuration » des prisons iraniennes.
Me William Bourdon, avocat et célèbre défenseur des droits humains, a appelé le 6 septembre à Paris le pour la mise sur pied d’« un tribunal ad hoc par une juridiction pénale internationale pour répondre à l'exigence des victimes du massacre de 1988 en Iran. Il faut que la lumière soit faite sur ce crime contre l'humanité de grande amplitude et unique dans son genre ».
C'est la première fois que ce sujet sensible est évoqué dans les médias en Iran. Les autorités ont toujours cherché à éluder cet épisode sanglant de leur règne, de crainte d'éventuelles poursuites devant un tribunal pénal international pour ce qu'Amnesty International a décrit comme « crimes contre l'humanité ». Or depuis la publication de l'enregistrement audio publié par le fils de l'ayatollah Montazéri, à l'occasion du 28e anniversaire de « l'été sanglant », les appels des opposants, mais aussi des figures du régime, pour faire la lumière sur « le massacre des prisons » sont de plus en plus nombreux.
William Bourdon, qui intervenait lors d’une conférence de presse organisée par l'opposition iranienne, a déclaré : « L'insolente impunité dont jouissent les auteurs de ces crimes doit cesser. Car ces derniers continuent de détenir des postes clés au sein du régime iranien. Il y a une culture de la terreur qui s'est installée de ce fait et qui doit être combattue. Une culture qui fait qu’aujourd’hui on continu de pendre à grande échelle dans un pays qui détient le record mondiale d’exécution par tête d’habitant »
Dans cet enregistrement sonore, posté par son fils, on peut entendre les propos échangés, le 15 août 1988, entre Montazeri et les membres de la « commission de la mort ». Montazeri proteste contre le massacre des prisonniers politiques commencé quelques semaines plutôt en application d’une fatwa du dictateur Khomeiny et affirme : « Le crime le plus important commis sous la République islamique et pour lequel nous serons condamnés par l’Histoire, c’est vous qui l’avez commis et c’est pourquoi l’Histoire enregistrera vos noms en tant que criminels (…) Notre peuple a (le principe) du Guide suprême en abomination. Ce n’est pas comme ça que je voulais que ça se passe. Dans 50 ans, Khomeiny sera jugé comme une figure sanguinaire et cruelle ».
Le député Ali Motahari, qui est également vice-président du parlement des mollahs, a demandé des explications à trois des quatre membres de la « commission de la mort », qui continuent à détenir des postes clés au sein de l'État : Mostafa Pour-Mohammadi, actuel ministre de la Justice du gouvernement Rohani, était le représentant du ministère du renseignement (Vevak) au sein de la sinistre commission, Hossein-Ali Nayeri, actuel chef de la Cour suprême, était juge islamique et Ebrahim Raïssi, en charge de la puissante fondation Astane-Qods-Razavi, était procureur général. « MM. Raïssi, Nayeri et Pour-Mohammadi, qui étaient impliqués dans ces évènements, doivent s'expliquer et clarifier la question pour le peuple. Et, bien entendu, s'il y a eu lacune dans la manière d'appliquer les peines, ils doivent alors présenter des excuses », a déclaré Ali Motahari à la tribune du Majlis.
Mostafa Pour Mohammadi, le ministre actuel de la Justice, a répondu dans une interview télévisée le 3 septembre : « Le commandement de Dieu concernant les Moudjahidine du Peuple n’est autre que leur mise à mort. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait ».
Dans un communiqué, l’Assemblée des Experts a cherché à intimider les objecteurs. Cette haute instance du régime, responsable de la désignation du future Guide suprême, a décrit le massacre de 30.000 prisonniers politiques comme « une décision historique et révolutionnaire de Son Excellence l’Imam Khomeiny (…) une décision prompte pour en découdre sérieusement et de façon résolue avec les monafeghine (terme péjoratif pour désigner les Moudjahidine du peuple), illustrant la compréhension profonde et pointue de l’Imam en la matière. »
Khomeiny avait écrit dans son funeste décret religieux en aout 1988 : « Tous ceux qui sont emprisonnés à travers le pays et qui persistent dans leur hypocrisie sont condamnés à mort car ils sont en guerre contre Dieu. Il serait naïf d'être clément à l'égard de ceux qui ont déclaré la guerre contre Dieu. L'intransigeance de l'Islam à l'égard des ennemies de Dieu fait partie des principes intangibles du régime islamique. J'espère que votre colère et votre haine révolutionnaire contre les ennemis de l'Islam produiront la satisfaction de Dieu. Que les Messieurs chargés de prendre les décisions ne fassent preuve d’aucune hésitation, ni doutes, ni atermoiement. Ils doivent s'efforcer à réprimer les mécréants avec la plus grande violence. »
Nous sommes face à un crime contre l’humanité et un génocide sans précédent par ses particularités spécifiques dirigés contre des prisonniers politiques. Mais plus important encore, est le fait que le régime actuellement au pouvoir en Iran est toujours dirigé par les responsables de ce même crime. L’Organisation des Nations Unies, selon ses propres responsabilités et attributs, doit constituer une mission d’enquête pour jeter la lumière sur ce massacre et faire le nécessaire pour faire traduire les responsables de ce crime monstrueux devant la justice.