Une cohabitation Sarkozy-PS en 2012 pourrait signer la fin de la cinquième république

par Bernard Dugué
lundi 21 novembre 2011

La peur est mauvaise conseillère. Cet adage s’applique parfaitement à la situation en Europe et surtout en France où paraît-il, l’inquiétude imprègne la société, que ce soit dans le domaine de l’innovation technologique ou celui de la sécurité et de l’économie. Les Français consomment beaucoup d’anxiolytiques vendus dans les pharmacies et bouffent également une dose quotidienne d’anxiogènes propagés dans les journaux écrits, radiodiffusés et autres JT. La France a peur. La traduction politique de cette inquiétude pourrait alors se traduire par une préférence envers un chef d’Etat qui inspire le sentiment de confiance, se plaçant dans la posture du superman qui court partout dès qu’il y a un début d’incendie. Cette description vous évoque quelqu’un ? Eh bien vous n’avez pas tort. C’est un peu le portrait de Nicolas Sarkozy. Son concurrent direct, François Hollande, essaye de passer pour un Mitterrand du 21ème siècle et si un réalisateur faisait un casting pour un téléfilm retraçant la vie du président socialiste pendant les années 80, il choisirait certainement Hollande qui a su se mettre dans le rôle avec un talent de comédien inégalé. Cette posture ne fera pas pour autant de Hollande le gagnant de 2012, même si l’intéressé a des qualités, des compétences, un sens de l’Etat, une équipe sérieuse. Le problème de 2012, ce n’est pas François, Marine ou Nicolas, c’est la crise sociale. L’arrivée de Mitterrand en 1981 fut précédée d’une période d’élan, d’invention, d’enthousiasme collectif, d’idéologie, d’utopie. En 2012, difficile de faire rêver quand l’avenir vire au cauchemar. Le Français moyen pourrait préférer un Sarkozy pouvant se prévaloir d’une expérience dans la conduite d’un pays secoué par une mondialisation en crise. Il faut regarder la réalité en face. La droite a obtenue sa plus grande victoire en Espagne, non pas en faisant rêver à un avenir meilleur mais en essayant de rassurer pour éviter le pire. Alors, imaginer une France dirigée par un président de droite en 2012 est une hypothèse sérieuse.

 

Examinons maintenant une autre hypothèse tout aussi crédible, celle d’une majorité de gouvernement à gauche propulsée à l’Assemblée Nationale en 2012. Les médias semblent l’oublier, la constitution française prévoit que l’électeur se déplace aux urnes pour élire ses députés qui vont compter dans la vie politique. Pas simplement pour se donner en spectacle les mardis et mercredis lors des séances de questions retransmises par FR3. Car le premier ministre est « normalement » issu de la majorité dégagée à l’Assemblée. Et cette majorité peut se révéler être différente de la couleur politique du président de la république. Cette situation est arrivée trois fois en France depuis 1986. Elle a même duré un mandat de législature lorsque Lionel Jospin gouvernait à Matignon alors que Jacques Chirac régnait à l’Elysée. Cela dit, une Assemblée de gauche est-elle une hypothèse crédible en cas de victoire de Sarkozy à la présidentielle ? Eh bien on pourrait imaginer que c’est possible, l’électeur souhaitant infléchir la politique dans un sens moins rude. La gauche pourrait ne pas être majoritaire en voix lors des législatives mais c’est le nombre de sièges qui compte et donc il faudra compter avec le jeu du Front national qui, en cas de score honorable de Marine le Pen, pourrait être tenté de « perturber » le scrutin législatif en secouant le premier ennemi de Marine qui est le président actuel. Avec 15 à 18 points au niveau des votants, le FN, avec le jeu des triangulaires, peut faire gagner à la gauche les 30 à 50 sièges qui lui manquent pour faire une majorité (c’est déjà arrivé par le passé). Le scénario de la cohabitation est donc envisageable.

 

La suite risque d’être assez troublante. On n’imagine pas Sarkozy faire profil bas et accepter toutes les mesures votées par une gauche soucieuse de revanche et prête à mener une offensive sociale, pour ne pas dire socialiste, en votant des textes phares, comme l’abolition de la loi Hadopi ou une fiscalité intensifiée pour les plus riches. La constitution prévoit que le président puisse bloquer des textes de loi qui en ce cas, restent inopérants. C’est un peu le fonctionnement institutionnel des Etats-Unis mais à l’envers, car là-bas, c’est le Congrès qui peut bloquer les décisions prises à la Maison Blanche. Les Etats-Unis sont rompu depuis des siècles à cette gymnastique gouvernementale. Par contre, une cohabitation à la française menée avec une présidence offensive et déterminée dans une conjoncture sociale difficile pourrait engendrer une crise politique comme on n’en a pas connue sous la cinquième république et l’hypothèse la moins probable, mais tout à fait concevable, serait que la France ne résiste pas au stress test de la cohabitation et se dirige vers une crise majeure dont la sortie serait l’adoption d’une nouvelle constitution. Les médias n’évoquent pas cette hypothèse mais on peut être sûr que dans les cercles de réflexion politique, cette cohabitation ait pu être envisagée et étudiée.

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