Une confusion de langage

par Leila
lundi 6 septembre 2010

À l’ouverture des pourparlers israélo-palestiniens, Benyamin Nétanyahou a cité la Bible et la réconciliation de deux « frères », Isaïe, père du peuple juif, et Ismaël, père du peuple palestinien, qui « se sont mis ensemble pour enterrer leur père » Abraham.

De quels peuples s’agit-il ?
En lisant dans le Figaro du jeudi 2 septembre un article consacré aux pourparlers entre Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas à la Maison Blanche, je me suis demandée ce que veut dire Nétanyahou quand il parle du « peuple palestinien ». Pour Mahmoud Abbas, pas de doute : il s’agit évidemment des habitants non-juifs de Gaza et de la Cisjordanie, auxquels s’ajoutent tous ceux qui ont été chassés de ces territoires par Israël. La plupart d’entre eux sont musulmans, mais pour l’Autorité palestinienne, comme chacun sait, ce n’est pas une question de religion. C’est une question de droit du sol. Il serait intéressant d’entendre Mahmoud Abbas exposer à Obama et à ses interlocuteurs américains sa position à ce sujet.
En revanche, je comprends parfaitement ce que veut dire Nétanyahou quand il parle du « peuple juif ». C’est l’ensemble de tous les Juifs de la terre. En raison du principe fondateur que toute personne faisant valoir le titre de juif peut devenir citoyen d’Israël, une immigration massive est organisée depuis la création de cet Etat. La France est devenue l’un des principaux pourvoyeurs de citoyens israéliens. La Russie également, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes d’intégration des nouveaux arrivants.
 
Le sens du mot « peuple » est donc très différent selon que Nétanyahou parle du « peuple juif » et Mahmoud Abbas du « peuple palestinien ». Le premier a besoin de se raccrocher à la Bible pour tenter de justifier son caractère universel, tandis que le second n’en parle que comme on parle du peuple français ou du peuple espagnol. Il serait bon de dissiper une fois pour toutes cette confusion de langage.
 
La question « qu’est-ce qu’un juif ? » est un sujet sensible qui tourne facilement à la polémique. L’historien israélien Shlomo Sand, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv, a écrit un volumineux ouvrage après s’être livré à une étude détaillée sur la question. Une traduction française a été publiée en 2008 par la librairie Arthème Fayard sous le titre « Comment le peuple juif fut inventé ». On y trouve des idées intéressantes.
 
On notera enfin une erreur dans cette citation. Est-elle due au journaliste du Figaro ou à Nétanyahou ? Je n’en sais rien. Le frère d’Ismaël n’est pas Isaïe mais Isaac. Tous deux sont fils d’Abraham, nés de femmes différentes. La mère d’Ismaël est Agar, une esclave, et la mère d’Isaac est Sara, l’épouse légitime. Isaïe est un prophète du huitième siècle.

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