Une double exigence morale : non ŕ l’euthanasie, oui au suicide assisté

par Fergus
mardi 13 mai 2025

 

Depuis le lundi 12 mars les députés sont appelés à débattre de la proposition de loi d’Oliver Falorni visant à introduire dans la législation le « droit à l’aide à mourir » pour les malades incurables soumis à de terribles souffrances. Ce texte divise les élus de la nation mais également les éditorialistes, ici pour des raisons morales, là pour des motifs d’idéologie politique. Que faut-il en penser ?

À l’image de la romancière Anne Bert en 2017 et de l’ancienne ministre Paulette Guinchard en 2021, certains de nos compatriotes ont choisi de mettre fin à leur existence en recourant au suicide assisté. Tous étaient atteints d’une pathologie incurable et exposés à des souffrances physiques et psychologiques réfractaires à tout traitement. Ces malades en grande détresse ont dû, pour mettre fin à leurs indicibles souffrances et faire cesser la torture qu’ils subissaient au quotidien depuis des mois, voire plus longtemps encore, aller en Suisse ou en Belgique et s’en remettre aux structures médicales ou associatives locales, faute de loi adaptée dans notre pays.

Outre l’exigence compassionnelle qui est au cœur de la proposition de loi d’Olivier Falorni, force est de reconnaître que le voyage à l’étranger pour bénéficier d’un suicide assisté est inaccessible en termes financiers au plus modestes de nos compatriotes, ce qui induit de facto une discrimination entre les malades aisés et ceux qui ne le sont pas. Cette réalité est, chacun peut en convenir, très choquante et justifierait à elle seule l’évolution du référentiel législatif qui encadre la fin de vie des malades incurables.

Nombre d’opposants à l’ouverture de notre droit au suicide assisté se retranchent derrière les soins palliatifs pour arguer de l’inutilité d’une loi sur le suicide assisté. La plupart sont de bonne foi, mais ce n’est pas le cas de tous. Notamment dans les rangs d’une partie des professionnels de santé qui savent parfaitement que les personnes placées dans les unités de soins palliatifs sont de fait en fin de vie à une échéance de quelques semaines.

Or, tel n’est pas le cas de certains malades en proie à des pathologies invalidantes et neurodégénératives irréversibles. C’est notamment le cas des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, et plus encore de Charcot dont les souffrances, de plus en plus terribles au fil des jours, sont appelées à durer de longs mois, parfois plus d’un an avant que survienne une mort atroce par étouffement au terme d’un processus de paralysie progressive !

Nul ne sait à ce jour quel texte sera présenté au vote définitif des parlementaires. Probablement sera-t-il assez différent de la proposition de loi initiale, eu égard aux nombreux amendements dont il sera l’objet. Puisse la future loi – si elle est votée in fine – définir des processus suffisamment rigoureux pour éviter toute dérive de nature à ouvrir trop largement le droit au suicide assisté. Celui-ci doit en effet être strictement réservé aux malades atteints d’une pathologie incurable et exposés à des souffrances réfractaires dûment constatés par un collège de médecins.

Reste le cas de l’euthanasie. Celle-ci ne doit pas être inscrite dans la loi, encore qu’il en existe d’ores et déjà une forme légale dans la sédation profonde et continue* mise en œuvre à la demande du malade en fin de vie dans les unités de soins palliatifs. En dehors de ces cas, elle doit être réservée aux seuls cas de malades en état de mort cérébrale irréversible, là aussi dûment constaté par un collège de médecins.

Écoutons pour terminer l’amie de la défunte Paulette Guinchard, Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional de Bourgogne-France-Comté. Jamais elle n’a admis pas que l’on oblige les malades incurables à attendre des mois dans la souffrance qu’ils puissent avoir recours aux seuls soins palliatifs : « La loi doit évoluer. Elle n’est pas suffisante pour honorer les volontés de celles et ceux, lucides, qui souffrent et se savent condamnés. Car pour les aider, on les condamne une seconde fois : à vivre l’épreuve de la déchéance intellectuelle et physique, à partir de laquelle, seulement, des solutions médicales et encadrées peuvent intervenir. Ce n’est pas digne de notre pays » !

Outre la proposition de loi d’Olivier Falorni, un autre texte – dissocié du premier par la volonté du Premier ministre – a été présenté aux députés le lundi 12 mai pour être débattu. Il a notamment pour objet de rendre obligatoire la création d’unités soins palliatifs dans tous les départements et de renforcer les moyens alloués à cette mission. Nul doute que ces évidences trouveront un consensus chez les élus. 

Rappelons que la sédation profonde et continue définie dans la loi Claeys-Léonetti consiste : d’une part, à arrêter les traitements thérapeutiques devenus vains et, de manière concomitante, à plonger le malade dans un état d’inconscience proche du coma afin de le protéger de toute forme de souffrance ; d’autre part, à cesser de l’alimenter et de l’hydrater jusqu’à ce que mort s’ensuive au terme de quelques jours, parfois plus d’une semaine.


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