Une fin tragique pour la mondialisation

par Dr. salem alketbi
samedi 9 avril 2022

Peu après le débat croissant dans la recherche sur l’impact de la pandémie de coronavirus sur le phénomène de la mondialisation, incarné par le petit village global, comme l’a appelé l’intellectuel canadien Marshall McLuhan il y a des décennies, la crise en Ukraine a conduit à une recherche sur le destin du phénomène, du moins dans sa dimension commerciale et économique.

Il est bien connu que le concept ou le phénomène de la mondialisation se manifeste dans différents domaines de la vie. Il est étroitement lié au nouvel ordre mondial qui a vu le jour après l’effondrement de l’ex-Union soviétique et l’unilatéralisme des États-Unis au sommet de la pyramide sous l’ancien président américain George HW Bush.

Le concept a également été associé à l’ouverture des frontières et des marchés.

Cependant, ces dernières années, le monde a connu de nombreux développements qui ont marqué le destin de la mondialisation, de la crise financière de 2008 à la montée des leaders isolationnistes en Occident, berceau de la mondialisation, en passant par l’apparition de la pandémie du coronavirus, qui a ouvert la porte aux gouvernements et aux leaders isolationnistes.

Elle a montré à quel point les règles et les pratiques de la mondialisation sont fragiles. La guerre commerciale menée par l’administration Trump contre la Chine en 2018 a remis en question les règles de la mondialisation. Puis la crise en Ukraine est venue ouvrir le dernier chapitre de l’étude sur le phénomène de la mondialisation et son destin.

La déclaration la plus marquante dans ce contexte est peut-être celle du secrétaire américain au Trésor, Wally Adeyemo, qui a donné aux entreprises internationales le choix d’investir en Russie ou dans des pays occidentaux alliés.

Adeyemo a déclaré que ces entreprises devaient “soit aider la Russie” à envahir l’Ukraine, soit “continuer à faire des affaires avec les 30 pays” qui ont infligé des sanctions.

Ces déclarations sont une preuve importante de la division du monde en deux camps économiques et commerciaux, quelles que soient les raisons et les justifications de cette division et sa légitimité, qu’elle soit politique, morale ou humanitaire. Le monde est revenu à son état d’avant la mondialisation, après avoir changé de camp dans le conflit entre le camp communiste et le camp capitaliste.

Le monde est désormais, du moins jusqu’à la fin de la crise ukrainienne, remarquablement divisé. Le conflit entre la Russie et l’Occident, mené par les États-Unis, est de retour.

On ne peut objectivement plus parler de dérégulation et des applications de la révolution numérique qui permettaient l’échange sans entrave de marchandises et de capitaux, le libre-échange et les investissements transfrontaliers. Le sort de la mondialisation est en jeu, alors qu’elle n’est pas encore arrivée à maturité et qu’elle ne s’est pas répandue et imposée au monde entier comme prévu.

Cependant, de nombreux espaces géographiques se sont récemment révélés inattaquables par les justifications idéologiques, nationales, politiques et religieuses. Je crois que la mondialisation est soumise depuis ses débuts à une interprétation américaine de ses règles, de ses limites et de ses normes d’application.

Les États-Unis ont continué à exercer un monopole sur l’interprétation et la mise en œuvre du concept, en exigeant l’ouverture des frontières commerciales. Mais ils appliquent également des restrictions et des sanctions à leurs concurrents stratégiques, comme la Chine, dans d’autres cas et circonstances.

La rivalité exacerbée entre les deux pays a conduit les États-Unis à s’opposer à la mondialisation, tandis que la Chine est devenue sa locomotive. Certains chercheurs occidentaux voient ce qui se passe comme une nouvelle mondialisation émergente ou fragmentée. En d’autres termes, le monde est devenu de petites régions globalisées entre elles.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un phénomène nouveau, car il existe déjà sous la forme de blocs institutionnels et d’intégration comme l’UE et d’autres. Ce qui est nouveau, c’est que les blocs régionaux et continentaux deviennent un modèle semblable à l’UE, de sorte qu’ils ont une politique économique, financière et monétaire commune.

Il est toutefois difficile de le vérifier dans les circonstances géopolitiques actuelles. Il est clair pour tout le monde que le discours sur la fin de la mondialisation n’est plus l’apanage des cercles de chercheurs.

Larry Fink, patron du conglomérat financier BlackRock, a écrit à ses actionnaires que l’invasion russe de l’Ukraine avait “mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies,” et les politiciens et les partis politiques occidentaux en sont venus à l’idée d’une autonomie stratégique pour éviter les états de guerre et les crises qui entraînent des pénuries de marchandises et d’approvisionnement, comme dans le cas de l’Europe avec le gaz russe.

En d’autres termes, l’émergence de la “régionalisation” comme tendance antimondialisation. Avec tout cela, la mondialisation, ou sa forme traditionnelle et habituelle, est passée ou en voie de disparition. Des sanctions économiques importantes contre un pays comme la Russie auront un impact profond sur l’économie mondiale.

Elles contribuent aux conflits monétaires et à l’autarcie. Dans le meilleur des cas, une mondialisation alternative ou un nouveau modèle de mondialisation a vu le jour, le découplage entre les économies occidentales d’une part et la Chine et la Russie d’autre part devenant de plus en plus évident.

En fin de compte, la mondialisation sous sa forme actuelle est liée à un ordre mondial qui s’effrite, voire se désagrège. On assiste donc à l’émergence d’un nouvel ordre mondial, au sein duquel se développent de nouveaux phénomènes politiques, économiques et commerciaux, dont les règles sont déterminées par les puissances dominantes de ce système.

La mondialisation et les autres phénomènes et concepts intellectuels associés aux trois dernières décennies vont évoluer dans une mesure déterminée par les nouvelles règles du jeu.


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