Une fronde, M. Drucker, est-ce possible ? Non juste du divertissement - diversion !

par Paul Villach
mardi 15 janvier 2008

Il y a de quoi être éberlué. Le salon mondain que le maître d’hôtel Michel Drucker tient le dimanche sur France 2, dans son émission « Vivement dimanche », serait-il devenu un foyer de fronde face au pouvoir ? Sous la présidence de M. Chirac, l’épouse du chef de l’État et ses amis y étaient comme chez eux, avec leurs bonnes œuvres. Sans doute des humoristes égratignaient-ils ici et là certains travers.

Mais, cette fois, c’est à une charge sans précédent qu’on a assisté, le 8 janvier dernier, devant un parterre écroulé de rires où se distinguaient des gens aussi importants que l’inévitable Mme de Fontenay, épouse Poirot. « C’est bien, hein ? », demandait M. Drucker à son voisin. La caméra guettait les faces hilares en train de s’esclaffer aux bons mots comme aux mauvais de la comique Anne Roumanoff.

Une avalanche indigne de vannes sexuelles


Campant le beauf de comptoir, accoudé devant un ballon de rouge et convaincu avec raison qu’ « on nous dit pas tout  », elle commentait l’actualité. Qu’on ne rêve pas ! Celle-ci se résumait à Laure Manoudou exhibée nue sur internet et aux faits et gestes privés/publics du président Sarkozy depuis qu’il s’est trouvé une nouvelle compagne en l’exhibant avec méthode dans des mises en scène calculées à Disneyland et en Égypte.

Rien à dire aux railleries de l’humoriste à ce sujet. Les bouffonneries américaines de Disneyland choisies pour révéler non une liaison, mais une relation « sérieuse », ne jurent-elles pas avec la gravité de l’événement, comme un nez rouge de clown sur un président de la République ? De même, accréditer une foule de journalistes pour suivre de près un pré-voyage de noces en Égypte ne fait-il pas douter du caractère privé de ces vacances ?

En revanche, on n’a pas souvenir qu’un président de la République en exercice ait été à ce point non pas brocardé, mais offensé par une avalanche de vannes sexuelles qu’un minimum de respect ne tolérerait pas à l’égard de quiconque. Sans avoir droit, selon sa formule préférée, à plus de respect qu’un autre, doit-il se résigner pour autant à ne s’en voir accorder aucun ?

Il n’était question que de stigmatiser élégamment sa petite taille comme celle de son sexe. Disneyland n’en serait toujours pas revenu ; c’était la première fois qu’on voyait « Blanche-Neige (épouser) un nain ». On soulignait l’écart de taille entre lui et sa compagne à seule fin d’en déduire que « pour sortir son poireau » il avait besoin d’ « une asperge » et qu’il ne manquerait pas d’ « être assaisonné ». On imaginait les mots doux de sa compagne dans la campagne égyptienne : « Mon petit sarkophage, montre-moi ton obélisque ! » Et si celui-ci restait à l’état de « bigorneau (endormi) », c’est qu’il aimait toujours son ex-épouse. Les relations franco-américaines avaient, en outre, tout à craindre de visites officielles au cas où Hillary Clinton serait élue, si, pendant les discussions entre présidents, les conjoints se retrouvaient ensemble : on connaît les performances de Bill et « le palmarès de Carla Bruni ». À côté d’elle, Mme Bernadette Chirac, une habituée de l’émission de M. Drucker pourtant, « (aurait été gardée) en Égypte pour (se) faire visiter ! » Comme momie sans doute ! C’est élégant ! Le tout à l’avenant !

Avoir de la dignité pour deux

À ce jeu où l’on se surprend malgré soi à expulser un spasme, on est aussitôt confus et humilié par le rire qu’on s’est laissé arracher. On se sent sali d’applaudir aux salissures jetées sur quelqu’un d’autre. Autrefois, les chansonniers s’en prenaient à l’hypocrisie des dirigeants, mais c’était à celle de leur politique, comme celle de Guy Mollet prétendant pendant la guerre d’Algérie maintenir la durée légale du service militaire en l’allongeant ! Aujourd’hui, qu’un président ne cache pas ses amours, mais les exhibe, justifie-t-il qu’on s’en moque, c’est-à-dire non pas qu’on s’en fiche pour mieux critiquer sa politique, mais qu’on les tourne en dérision pour faire sur ces exhibitions des plaisanteries salaces ?

Qu’on le veuille ou non, il est le représentant légitimement élu de tous les Français et le salir de la sorte ne revient-il pas pour un Français à se salir lui-même ? Le président Sarkozy l’aura bien cherché, trouveront certains comme excuse, en confondant le refus de l’hypocrisie traditionnelle en la matière et l’exhibitionnisme. Faut-il pour autant l’aider à trouver ce qu’il aurait cherché ? Est-ce que cette politique de diversion délibérée excuse qu’on se laisse entraîner sur la pente de l’indignité ?

Si l’on juge que ce président manque de dignité à ainsi exhiber sciemment sa vie amoureuse agitée pour donner un os à ronger à ses détracteurs et éviter qu’on s’attarde sur sa politique, n’est-ce pas au peuple français d’avoir de la dignité pour deux sous peine de s’offenser lui-même ? Et la présentation au pape Benoît XVI du comique sexuel Bigard par le président Sarkozy, sous prétexte qu’il remplit le Stade de France, autorise-t-elle désormais, par « imprimatur » et « nihil obstat », les humoristes à dévoyer leur humour au-dessous de la ceinture ? Paul Villach


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