Une fusillade de plus aux Etats-Unis... Merci la NRA !

par Samuel Moleaud
lundi 17 décembre 2012

 27 morts dont vingt gosses, six adultes et l'assassin lui-même le 14 décembre près de New-York. Un taré a tiré sur 26 personnes dans une même classe d'école. Stupeur et énième épidémie de peur à Babylone, première puissance mondiale, pays du crime gratuit et de l'horreur. Pour ces vingt mômes, la fin du monde vint bien avant le 21 décembre 2012...

Cinq ans après le massacre de l'université de Virginia Tech, qui avait été relaté comme le pire massacre de l'histoire des Etats-Unis par la presse, voici qu'un autre pire massacre arrive au bout de la plume des journalistes. Après les tueries de Columbine (Colorado, 1999), celle de Virginia Tech (Blacksburg, 2007), Newtown est une autre école à agrafer avec les chefs-lieux d'accusation de crime contre l'Humanité au procès que les familles des victimes pourraient intenter aux marchands d'armes ainsi qu'à la NRA (National Rifle Association). Comment peut-on abattre de sang froid des marmots qui ne demandaient sans doute rien d'autre que de vivre ? Pourquoi, dans un pays où les armes se vendent aussi facilement qu'un paquet de pain de mie, ce ne sont jamais des banquiers de Wall Street, des dirigeants de lobbies ou de multinationales qui se trouvent par hasard devant les meurtriers de fusillades gratuites ? Loin de souhaiter la mort des gens, il y a des injustices partout, même dans l'assassinat.

-Papa, pourquoi mes camarades sont morts ?

  J'imagine un enfant "rescapé" de la classe adjacente demander à son père pourquoi ses amis si jeunes ont été abattus. Il faudrait répondre à ce bambin que la mort survient du jour au lendemain parcequ'il vit dans un Etat capitaliste qui assassine son propre peuple ainsi que des milliers de femmes, hommes et aussi leurs enfants dans le monde, particulièrement en Palestine via Israël et au Moyen-Orient. Que depuis la création de son pays (au gamin) en 1781, son gouvernement est un Empire criminel qui a toujours eu besoin d'être en guerre pour conserver son pouvoir. Evidemment, le président B. Obama pourrait proposer de pénaliser le port d'armes à feu aux Etats-Unis. Mais cela lui coûterait son poste, vu le pouvoir du lobby des armes, la NRA. Ce lobby est l'un des plus influents au sein des institutions politiques américaines, et défend le Second amendement de la Constitution étasunienne, c'est à dire le port d'armes en toute impunité aux Etats-Unis.

-Second amendement ?

  Il est établi le 15 décembre 1791. Deuxième chapitre de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique, il fut instauré par les rédacteurs de la Déclaration des Droits (Bill of Rights) en réaction à la peur que le gouvernement fédéral ne puisse désarmer le peuple pour lui imposer une milice, et réprimer ainsi toute dissidence politique. Avant cette loi, il était possible pour certains dirigeants fédéraux de se servir de l'illégalité du port d'armes pour opprimer le peuple : désarmer les gens, à l'époque, signifiait empêcher la révolte. Encore une histoire de rapports de forces entre une classe possédante minoritaire qui a peur d'une classe dominée, exploitée et majoritaire, susceptible de se révolter contre ceux qui l'oppriment. Du coup, lors de l'indépendance américaine, les rédacteurs libéraux de la Constitution déclarent libre et légal le port d'armes, sans doute par souci de libéralisme politique...Voilà comme les américains sont bercés depuis trois siècles : par le mythe que l'Etat fédéral est inefficace et qu'il faut se faire justice, se défendre par soi-même. Ils feraient mieux de poser des bombes au pied de Wall Street et des buildings bancaires. Aujourd'hui, des citoyens américains peuvent donc acheter une arme à feu facilement parce que son port est régi selon des lois archaïques, datant d'une époque féodale et belliqueuse.
  


  Le concept idéologique du port d'arme individuel pour se défendre en cas d'urgence avant l'intervention de la force publique, remonte à une autorisation du Roi d'Angleterre Henry II, au XIIème siècle. A l'époque, le roi ordonne aux hommes libres de s'armer autrement qu'avec des couteaux, car l'armée est aussi stable que peu fiable, pas réellement constituée. L'Amérique donne l'autorisation d'armer son peuple comme si elle était en situation de guerre civile permanente. Je ne suis pas américain, je n'ai donc pas cette vision du port d'arme comme étant une protection mais un danger, une porte ouverte à la violence. Et je ne suis évidemment pas le seul à dire qu'il serait temps d'abolir le port d'armes et de révoquer le Second Amendement mais peut-être que si Mr. Obama et ses ministres lobbyistes le faisaient, ils n'auraient plus le soutien de la NRA aux élections, et eux-mêmes seraient révoqués, forcés de démissionner ou bien même assassinés. J'entends déjà Barack Obama déclarer que les US ont connu trop de fusillades. Alors il se rendra sur le lieu de la tragédie pour soutenir les familles. Mais les armes à feu restent commercialisées...

  Comment aurait réagi David Keene, actuel président de la NRA si son fils avait été inscrit dans cette classe meurtrie ce vendredi 14 décembre ? Aurait-il déclaré qu'il faut des armes dans la poche des écoliers pour prévenir du danger provenant des débiles ? Le summum de la bêtise.

  Je laisse le soin aux journalistes de pleurer le sort de ces pauvres gosses, comme ils savent à merveille verser dans l'émotionnel et le sensibilisme. Les médias vont ainsi se régaler avec ce fait divers pendant quelques jours. C'est le pire massacre jamais perpétré après le pire massacre de 2007. Chaque tuerie est évidemment la pire de l'Histoire, le choix des mots est vendeur car il crée du choc émotionnel direct auprès de millions d'auditeurs et lecteurs. Mais il y eût bien pire, comme "pire tuerie de l'Histoire". Comme le glisse Noam Chomsky dans une interview par D. Mermet (voir le film "Chomsky et Compagnie"), au lendemain du massacre de Blacksburg (Virginia Tech), le 21 décembre 1907, l'armée chilienne mitrailla entre cinq et six mille ouvriers de la mine de Santa Maria de Iquique, au Chili.

-Quel rapport ?

  Vers 1880, des capitalistes anglais prennent le contrôle du marché des ressources naturelles au nord du Chili. Ainsi, les britanniques détiennent de nombreuses usines chiliennes et exportent en Europe ces ressources (nitrate, salpêtre). Les ouvriers travaillaient 12h à 14h par jour et étaient payés en jetons, monnaie fictive créée par le patronat. Une fois par semaine, ces jetons étaient convertibles en monnaie réelle, mais à des taux de change très flottants, très défavorables (ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Les "jeux" de Wall Street ?). Alors, afin de couvrir leurs dépenses, les ouvriers devaient s'endetter auprès de leurs patrons, ce qui aggravait leur soumission. Puis, ils pouvaient aller à la "Pulperia", un magasin où ce dont le mineur avait besoin était horriblement cher. (J'ai déjà vu ça quelque part entre les banquiers, la BCE, les traités de l'UE, les Etats capitalistes et les peuples pris en étau...). Alors, des centaines de mineurs se réunirent en syndicats anarchistes, s'organisèrent en grève générale pour obtenir la fin du système des jetons, quelques centimes de plus de salaire, l'arrêt des licenciement de grévistes, et la fin du monopole des Pulperias. La grève générale prit de l'ampleur et grandit, de centaines en milliers d'acteurs en colère occupèrent le port d'Iquique pour bloquer l'économie locale. Le patronat leur imposa de se regrouper dans une école d'une commune nommée "Santa Maria". 8000 personnes enfermées et 1500 personnes dormant sous tente, furent encerclées. Le 21 décembre 1907, alors que la bourgeoisie préparait ses petits cadeaux à Londres, l'armée mitrailla alors ces gens, hommes, femmes et enfants entassés dans l'école. Ce massacre pour casser une grève fit officiellement entre 3000 et 4000 morts, certainement beaucoup plus en réalité (1). Joyeux Noël...

  En traitant les pires tueries de l'Histoire dans les écoles américaines, la presse oublie trop souvent aussi ce genre de tragédie, elle se sert du malheur de ces familles comme instrument de propagande pour modeler la fabrique des opinions par la peur. Car nous savons hélas tous que derrière les pleurs et les messages de compassion des dirigeants de l'administration Obama, se cachent les profits incommensurables du marché des armes. Nous savons aussi que derrière ces déclarations de compassion, le gouvernement américain donnera toujours raison à la NRA, aussi longuement que tous deux travailleront ensemble, de concert avec le complexe militaro-industriel. J'aimerais aussi que la presse pleure avec ces pauvres écoliers américains, les pauvres petits gazaouites qui meurent bombardés par des bombes à l'uranium, assassinés par une armée de Tsahal israélienne financée par les Etats-Unis et les sionistes du monde entier pour coloniser la Palestine. J'aimerais aussi que la presse rende hommage aux milliers de petits afghans, aux femmes, hommes et enfants irakiens morts pendant la guerre des Etats-Unis pour le pétrole. Aux trépassés du Chili, du Salvador, etc., morts sous les dictatures soutenues par les Etats-Unis pendant que ces mêmes médias dénigraient les tyrannies soviétiques.

  Si c'était le pire des massacres, l'Humanité serait davantage pacifique, or ce n'est pas le cas : que penser du rôle des US dans le soutien donné aux paramilitaires d'extrême-droite, qui assassinent les dissidents et maintiennent les populations dans la peur du Salvador à la Colombie ? Hélas, le gouvernement des Etats-Unis a fermé les yeux plus d'une fois sur des exécutions sommaires commises en groupe...

  Si un débile tue une trentaine d'américains, le drame fait le tour des journaux du monde entier. Mais le criminel est armé par la loi des Etats-Unis qui permet l'achat d'une arme à feu. Si un Etat impérial avide de domination, colonise et assassine des milliers d'innocents au Moyen Orient, ghettoïse des suspects innocents au camp de concentration de Guantanamo, et tyrannise des milliers d'individus aux quatre coins de la planète avec la CIA, on dit que cela s'appelle la liberté ou bien la lutte contre le terrorisme. Le crime est un prisme à plusieurs dimensions. Comme la justice, il possède plusieurs facettes : du côté des puissants, un massacre est libre et légal et ne représente l'horreur que seulement de l'autre côté du Pouvoir.


1. http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2055&id=43


Samuel Moleaud.
16 Décembre 2012.
http://sam-articles.over-blog.com
 


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