Une hygiène électorale - Réapprendre à voter

par Jacadi
jeudi 20 mars 2014

Nous sommes nombreux à nous réjouir de la reconnaissance du vote blanc et de la promesse d'une limitation du cumul des mandats électoraux et d'une simplification du « mille-feuille administratif » ; et plus généralement, de la rénovation en chantier de notre chère démocratie.

C'est bien d'attendre de nos représentants l'amélioration de notre système démocratique, mais c'est mieux de commencer chacun par améliorer notre action citoyenne afin de promouvoir cette rénovation nécessaire. En effet, nos institutions sont à notre image et nos élus ne peuvent pas être plus vertueux que nous-mêmes. Ces derniers n'iront pas au bout de ces réformes et ne renoncerons pas à certaines pratiques ou certains privilèges si nous ne les y « aidons » pas.

D'autre part, le non-cumul de plusieurs mandats différents, c'est formidable, mais le non-cumul d'un même mandat dans le temps, c'est encore mieux, et surtout dans nos mains ! Utilisons donc ce puissant levier à notre disposition.

Ne croyez-vous pas, par exemple, que notre président serait d'emblée un peu plus courageux et enclin à prendre le risque des réformes nécessaires au plus tôt s'il savait que seuls d'excellents résultats pourraient lui valoir d'être reconduit dans sa fonction à l'issue de son mandat ? Voyez-vous par ailleurs un meilleur moyen d'indiquer à notre personnel politique que certaines conduites « indélicates » – qui alimentent notamment une actualité particulièrement lourde – ne sont plus acceptables ?

N'est-ce pas une corruption de notre système électoral et de nos esprits qui nous pousse à ré-élire automatiquement, trop souvent, des représentants au bilan insuffisant, sous prétexte qu'ils porteraient nos couleurs partisanes ou bien que nous les connaîtrions ? A ce sujet, notez que le vote blanc va constituer parfois la seule alternative « raisonnable » et le moyen utile d'appeler au renouvellement d'une « offre politique » incomplète – pensez-y.



Certains technocrates mal inspirés voudraient par ailleurs limiter par la loi à deux, le nombre de mandats consécutifs possibles. Cette mesure serait à la fois une stupidité et une régression démocratique. Une stupidité car elle favoriserait le caractère automatique du second mandat (comme une deuxième chance ou mi-temps) et, accessoirement, pourrait nous priver trop tôt de certains talents exceptionnels. Une régression parce qu'elle témoignerait d'un manque de confiance dans l'intelligence des citoyens et voudrait ainsi réduire notre pouvoir de décider.

7 bonnes raisons pour vous convaincre de sortir les sortants - et tous cumulards - par défaut :

1. Un élu soucieux en permanence de satisfaire sa « clientèle » électorale et favoriser sa ré-élection ne peut pas être courageux. Seule la nécessité de résultats incontestables au bout de son mandat – y compris le respect des engagements pris devant les électeurs - peut l'inciter à montrer le courage de réformer.

2. Un candidat nouveau, plein d'ambition et d'entrain, vaudra souvent mieux - à projet « comparable » - qu'un ancien élu moyen, forcément un peu usé par la lessiveuse du pouvoir, qui défend d'abord son « fauteuil » et sa carrière. La politique ne doit pas être un métier mais un honneur, une fonction provisoire et occasion unique de faire avancer son pays ou territoire. Utilisons cette énergie renouvelable et gratuite, l'ambition des aspirants.

3. Une conjoncture difficile place la majorité de la population dans un inconfort économique et un environnement concurrentiel qui l'obligent à progresser chaque jour dans l'exercice de son métier. Pourquoi devrions-nous accorder à nos représentants le confort d'une ré-élection automatique ? Exigeons qu'ils soient eux aussi soumis à une saine concurrence et une exigence de résultat.

4. La qualité, l'intégrité et l'exemplarité de nos représentants sont aussi importantes que leur couleur politique, d'autant que leur positionnement à gauche ou à droite perd chaque jour un peu plus de sens, à mesure que la démocratie progresse, que l'Europe s'immisce dans la partie et que le monde change. Ce qui ne signifie pas que toute opposition politique est désormais factice, mais qu'il est temps d'actualiser nos critères d'évaluation.

5. Quelque soit son camp d'origine, le pouvoir s'exerce par la force des choses près du centre du jeu politique, puisque ses idées deviennent de facto majoritaires. L'alternance autour de ce centre de gravité constitue, dans ces conditions, un mouvement de balancier naturel et sain. C'est encore une énergie gratuite dont il serait dommage de se priver ! Si l'alternance est salutaire, une opposition radicale – par définition hors de ce champ – peut évidemment légitimement prétendre au pouvoir. Après tout, le centre reste une position relative qui a vocation à se déplacer au fil du temps et des événements.

6. Une alliance autour d'un projet politique et d'engagements partagés reste évidemment souhaitable afin de préparer un consensus et favoriser une réforme courageuse. Par définition, une telle alliance mêle plusieurs couleurs politiques. Préférons alors le jeu des nuances à l'obsession monochromatique et ainsi préparons l'alternance.

7. Quelle meilleure façon enfin de favoriser la qualité de l'offre politique que d'assurer la circulation des élus - comme une aération des chambres du pouvoir ? Par contrecoup, les partis politiques seront ainsi incités à répercuter ce mouvement au sein de leur instances, renouveler leur candidats, et aussi former des alliances pour mieux gouverner et prolonger leur action politique. Et nous-mêmes, forcément, nous poserons tôt ou tard la question de notre propre participation - au-delà du vote - à ce système démocratique, et de notre responsabilité, par exemple dans le contexte d'une offre politique local éventuellement pauvre (c'est souvent un problème). Un cercle vertueux.

Souvenez-vous bien de cette règle de bonne hygiène électorale au moment de confier votre bulletin à l'urne : éjection par défaut et reconduction par exception (mérite) de nos élus !


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